La Renaissance mise à l’honneur dans la nouvelle saison des châteaux tchèques

Le château de Pardubice, photo : Musée de Bohême de l’Est

L’hiver touche à sa fin et, comme chaque année, la plupart des châteaux tchèques rouvrent leurs portes au public en ce mois de mars. Tous s’apprêtent à vivre une nouvelle saison dont le thème cette fois sera « L’année de la noblesse de la Renaissance ». L’Institut national du patrimoine (NPÚ) entend ainsi donner suite à une année 2016 particulièrement réussie – une « Année des Luxembourg » tout au long de laquelle a été commémoré le 700e anniversaire de la naissance de l’empereur du Saint-Empire et roi de Bohême Charles IV, et qui a attiré plus de 5,5 millions de visiteurs.

Rodolphe II,  photo : Martina Schneibergová
Dans les Pays tchèques, la Renaissance est une période de prospérité, de tolérance religieuse et d’expansion culturelle. La Bohême et la Moravie deviennent alors des régions d’étangs, de jardins, de vignobles et de villes et châteaux tous plus beaux les uns que les autres. Sous le règne de l’empereur Rodolphe II, Prague devient un véritable centre artistique et scientifique qui peut alors prétendre rivaliser avec des villes comme Paris ou Florence…

Cette année, plusieurs grands anniversaires liés d’une manière ou d’une autre au développement de la Renaissance et de l’humanisme sur le territoire tchèque seront célébrés. En 1517, le théologien allemand Martin Luther présente ses thèses contre l’église catholique et donne ainsi naissance à une vague de mouvements protestants qui influenceront, pendant des siècles, le climat politique et social partout en Europe. Dix ans plus tard, Ferdinand Ier est couronné roi de Bohême. C’est avec l’arrivée des Habsbourg sur ce même trône que la Renaissance apparaît dans le pays. En 1547, les Habsbourg répriment une rébellion de la noblesse tchèque et consolident leur règne. Enfin, en 1627, sept ans après la bataille de la Montagne blanche (une des plus importantes batailles de la guerre de Trente Ans qui a opposé les troupes catholiques de l’empereur Ferdinand II et la noblesse protestante tchèque), est rédigé l’Ordre provincial rénové, un document qui transforme les Pays tchèques en une monarchie absolue où seule la religion catholique est autorisée. Cette recatholicisation met fin à la Renaissance à laquelle succède le mouvement baroque.

Naděžda Goryczková,  photo : Martina Schneibergová
« L’année de la noblesse de la Renaissance » est organisée dans le cadre du projet « Sur les traces des familles nobles » (Po stopách šlechtických rodů) lancé il y a sept ans de cela. Cette série d’événements s’efforce de mieux faire connaître au public les plus beaux châteaux érigés lors de cette période longue de cent ans, ainsi que leurs habitants : les familles nobles de Žerotín, Hradec, Rožmberk ou Pernštejn. C’est ce qu’explique Naděžda Goryczková, la directrice générale de l’Institut national du patrimoine qui s’occupe de la gestion d’une centaine de châteaux et sites historiques en République tchèque :

« Nous voulons présenter non seulement les familles nobles qui ont vécu dans les Pays tchèques pendant la Renaissance, mais aussi l’époque en elle-même avec ses œuvres d’art et son architecture, ou encore la vie quotidienne dans les châteaux. »

Une série d’expositions pour présenter la vie à la Renaissance

Le château de Březnice,  photo : Miaow Miaow / public domain
Des expositions, visites thématiques et autres manifestations culturelles se tiendront tout au long de l’année dans une trentaine de châteaux de Bohême et de Moravie, tels que Náměšť nad Oslavou, Velké Losiny, Telč, Jindřichův Hradec, Český Krumlov, Rožmberk ou Litomyšl, mais aussi dans d’autres sites moins courus des touristes. Michal Konečný est le commissaire du projet :

« Différents événements seront organisés également dans des châteaux moins connus, comme ceux d’Uherčice en Moravie du Sud, ou de Březnice, pas très loin de Prague. Le château de Březnice a en effet été témoin d’une petite aventure romantique entre l’archiduc Ferdinand de Tyrol et sa future épouse Philippine Welser. C’est la raison pour laquelle nous y préparons une exposition consacrée à ce souverain, en coopération avec le château d’Ambras et le Musée d’histoire de l’art de Vienne, la plus importante institution culturelle en Autriche, qui gère ce monument. »

Le château de Pardubice,  photo : Musée de Bohême de l’Est
« L’année de la noblesse de la Renaissance » démarre avec une exposition qui se tient actuellement à la Pinacothèque du Château de Prague. Intitulée « Mars et Vénus », elle propose de découvrir, jusqu’à la fin du mois d’avril, des peintures de grands maîtres italiens et néerlandais qui ont séjournée à la cour de Rodolphe II. Quels seront les autres événements phares ? Naděžda Goryczková :

« Cette année culminera avec l’exposition intitulée ‘Portraits et histoires’ qui présentera les plus beaux portraits et les objets personnels de la noblesse tchèque de la période de la Renaissance. Préparée en collaboration avec la Galerie nationale, cette exposition aura pour cadre le palais Sternberg, sur la place de Hradčany à Prague. Elle sera inaugurée en octobre prochain et restera ouverte jusqu’en mars 2018. Nous présenterons aussi les plus belles armes historiques trouvées dans les châteaux de l’Institut national du patrimoine, et ce grâce à une exposition au Musée de Bohême de l’Est qui se trouve au château de Pardubice. »

Il ne faut pas oublier la Nuit des châteaux organisée à la fin du mois d’août et qui proposera de découvrir, cette année, les mystères du château de Náměšť nad Oslavou en Moravie du Sud.

Ouvrir les châteaux aux personnes handicapées

Michal Konecny,  photo : Martina Schneibergová
Comme de tradition, la nouvelle saison propose plusieurs nouveautés. Cette année, il s’agira notamment de l’ouverture d’une partie du château de Bučovice, un des plus beaux monuments tchèques de la Renaissance. Michal Konečný indique :

« A Bučovice se tiendra un des événements les plus importants de la saison. Nous y ouvrirons une nouvelle exposition interactive intitulée ‘L’aristocrate morave de la Renaissance dans son labyrinthe’. Cette exposition permanente est installée dans treize pièces d’une aile du château qui jusqu’alors n’était pas accessible au public et retrace le mode de vie de l’époque et l’aristocratie de la Renaissance en Moravie. »

En octobre prochain sera publié également un ouvrage consacré à l’architecture de style Renaissance dans les Pays tchèques. La directrice du NPÚ, Naděžda Goryczková, poursuit en soulignant un autre changement encore :

Le château de Jaroměřice nad Rokytnou,  photo : CzechTourism
« Nous avons une nouveauté pour les personnes malentendantes. Jusqu’à présent, les personnes avec ce type d’handicap ne disposaient que de textes écrits. Désormais, quatre de nos monuments, plus précisément les châteaux de Náměšť nad Oslavou, de Jaroměřice nad Rokytnou et de Červená Lhota, ainsi que le Jardin des Fleurs de Kroměříž, prêtent des tablettes sur lesquelles une visite est proposée en langage de signes. A l’avenir, nous voulons mettre en place ce dispositif également dans d’autres châteaux et monuments de l’Institut national du patrimoine. »

Les peintures gothiques à Kunštát : une découverte unique

Le château de Kunštát,  photo : Ben Skála,  CC BY-SA 3.0
La Renaissance n’est toutefois pas le seul mouvement artistique qui sera à l’honneur dans les châteaux tchèques cette année. Le public pourra en effet découvrir, pour la toute première fois, de rares peintures de l’époque gothique découvertes au château de Kunštát, près de Brno, en Moravie du Sud. L’intendant du château, Radim Štěpán présente cette trouvaille sans équivalent :

« Les peintures ont été trouvées fin 2015. L’année dernière, nous avons fait une prospection de la pièce en question et avons découvert que des peintuAlžběta Ruschkováres recouvraient les quatre murs. Il s’agit d’une trouvaille unique car elle compte plus d’une centaine de figures. Malheureusement, la pièce a été transformée dans le style baroque, les voûtes gothiques ont été abattues et le plafond a été détruit. Mais les peintures sur les murs sont restées jusqu’à nos jours, elles sont conservées de 70 à 80 %. »

Radim Štěpán,  photo : Martina Schneibergová
« Quant à la datation, nous avons retrouvé l’aristocrate qui a commandé ces peintures. Il s’agit de Gerhard de Kunštát qui a vécu dans la première moitié du XIVe siècle. Les peintures représentent une scène d’un roman de chevalerie. Pour l’instant, nous ne savons pas de quel roman il s’agit, cela fait l’objet d’études. Ces belles peintures gothiques avaient pour but de présenter Gerhard de Kunštát comme le plus important aristocrate morave après le souverain, donc, à l’époque, après Charles IV. »

« Le Baroque dans tous ses sens » - tel est le nom de la nouvelle campagne lancée par l’agence Czech Tourism, dont l’objectif est de présenter les perles architecturales de cette époque aux touristes tchèques et étrangers à travers différentes activités. L’Institut national du patrimoine s’associe à ce projet en présentant dix de ces monuments, dont notamment les châteaux de Kuks, Kroměříž, Valtice et Český Krumlov.