Smíchov, le quartier du rire ?

Smíchov
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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Dans notre dernière émission, nous vous avions emmené dans le Montmartre de Prague, parfois aussi appelé le Bronx de Prague, c’est-à-dire dans le quartier de Žižkov. Pour cette fois, notre série consacrée aux quartiers pragois va nous faire découvrir l’histoire d’un autre quartier autrefois ouvrier et très populaire : Smíchov.

Smíchov
Il existe plusieurs théories au sujet de l’appellation Smíchov, et si certaines d’entre-elles sont sans doute plus fantaisistes qu’autre chose, cela n’enlève rien, bien au contraire, à leur charme. Première chose que l’on remarque, dans le nom Smíchov se trouve le mot smích, qui signifie « rire ». Il s’agit même de la racine de l’appellation, et en extrapolant un peu, on pourrait donc en déduire que Smíchov est littéralement « le quartier du rire ». Bon, c’est vrai qu’on rigole et s’amuse aujourd’hui parfois plutôt bien dans certains bars du quartier, mais de là à faire de Smíchov le quartier pragois exclusif du rire ou de la fête... Non !

En fait, il existe plusieurs versions sur les origines de Smíchov. Et certaines font effectivement référence au rire. C’est le cas de la première version selon laquelle le nom de Smíchov serait à mettre en rapport avec la légende de Horymír et de son cheval Šemík, un cheval blanc extraordinaire doté d’une intelligence prodigieuse. Horymír, lui, est un personnage fantastique de la mythologie slave. Dans la légende en question, il apparaît comme un gentilhomme d’un village de Bohême centrale condamné à mort pour s’être insurgé contre le prince Křesomysl, qui régnait au château de Vyšehradà Prague. Horymír doit donc être décapité dans l’enceinte du château, mais avant d’être exécuté, le prince accepte sa dernière volonté : faire le tour de la cour sur le dos de son cheval. On lui amène donc Šemík, son fidèle compagnon, Horymír saute en selle, fait le tour de la cour en galopant, puis d'un saut vertigineux il franchit les remparts de Vyšehrad et les dangereux rochers en dessous avant de retomber dans les eaux de la Vltava. Horymír finit alors de traverser la rivière, et une fois arrivé à sa rive gauche opposée à Vyšehrad, rive gauche qui se situe aujourd’hui dans le quartier de Smíchov, il aurait ri. Et c’est de ce rire légendaire – smích, que proviendrait donc l’appellation Smíchov.

Mais nous l’avons dit, aussi belle et fantastique soit-elle, il ne s’agit là que d’une légende, apparue pour la première fois au XVIe siècle dans un ouvrage intitulé Hájkova Kronika česká, soit « La Chronique tchèque de Hájek », du nom de l’auteur. Beaucoup estiment d’ailleurs que c’est lui, Václav Hájek, qui aurait inventé cette légende d’Horymír et de son cheval Šemík.

Ce n’est toutefois pas la seule légende qui existe. Selon une autre, le prince Vojen, (qui, comme Křesomysl, appartient à la lignée des sept princes mythologiques descendants des fondateurs de la dynastie des Přemyslides) ordonné, en 814, qu’un rebelle dénommé Ronovic soit transporté depuis Vyšehrad de l’autre côté de la Vltava, sur cette fameuse rive gauche, où il devait se pendre lui-même dans la forêt. On raconte que les mauvais esprits eurent alors tellement de plaisir qu’ils se mirent à rire. On le voit, il s’agit là donc certes d’une autre légende, mais celle-ci nous ramène aussi à l’idée du « rire » - smích, et de Smíchov.

Photo: Commission européenne
Tout cela ne doit cependant pas nous faire oublier une autre version plus probable relative à l’origine du nom du quartier. Selon cette version, il aurait été procédé au XIVe siècle à une première division et répartition des terres sur lesquelles se trouve aujourd’hui l’actuel Smíchov. Un homme aurait alors obtenu une grande partie de ces terres ainsi que l’autorisation faite par le roi d’y élever des moutons, des chèvres et du bétail, et ce à proximité de la ville royale. Et c’est précisément de cette autorisation que proviendrait l’appellation Smíchov. En effet, en tchèque, « élever », des animaux dans le cas présent, se dit « chovat ». Or, on retrouve la racine de ce mot - « chov » - dans la deuxième syllabe de Smíchov. Quant à la première syllabe « smí », il s’agit de la forme conjuguée, à la troisième personne du singulier, du verbe « smět », qui signifie « pouvoir », « avoir la permission, avoir l’autorisation ». Le mot Smíchov serait donc une abréviation de la phrase « smí chovat », qui, vous l’aurez compris, veut dire « il peut élever », « il a la permission, l’autorisation d’élever ».

Mais il existe encore une autre version considérée comme la plus probable de toutes. Comme la précédente, elle remonte, elle aussi, au XIVe siècle, à l’époque du règne de Charles IV. Et comme pour la précédente, il est ici aussi également question de division et de répartition des terres. C’est ainsi que s’y installe et s’y forme une communauté de gens venus de tous horizons qui, en vivant ensemble, se mélangent entre eux, se mêlent les uns aux autres. Or, en tchèque, « mélanger », « mêler », « confondre », se dit « smíchat ». Et la racine de ce mot « smích » est également celle de l’appellation Smíchov. Il s’agirait donc du quartier non pas du rire - smích, non pas de celui « qui a le droit d’élever des animaux » - « smí chovat », mais du quartier « des gens mélangés ». Ceci dit, même une fois arrivé à ce constat, cela ne nous empêche nullement de penser que Smíchov est tout à la fois le quartier des gens mélangés qui ont l’autorisation d’élever des animaux et aiment rire.

C’est avec la découverte de ce drôle de quartier que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ». La semaine prochaine, nous vous emmènerons encore une fois à la découverte d’autres quartiers pragois. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !