Le temps du tramping

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Nous allons évoquer aujourd’hui un mot à consonance anglo-saxonne et pourtant si tchèque : le tramping. Si les escapades en train, les saucisses, le feu et la guitare n’évoquent rien pour vous, laissez-vous convaincre par ce Tchèque du bout de la langue : vlaky, buřty, ohýnek, kytara…

L’arrivée du printemps marque le début de la saison du tramping. Les trampové, adeptes du tramping, ont hiberné tout l’hiver et peuvent enfin donner du sens au temps qui passe. Ils se font rares, mais on peut toujours en croiser en tenue de cow-boy ou de militaire américain dans les gares le vendredi soir… Qui sont ces shérifs tchèques armés de guitares ? Trampové ! Camping, romantisme, nature, Far west… Causer, camper, chanter des chansons autour d’un feu de camp… Le temps d’un weekend, Maruška devient Mary et Betynka, Betty.

D’où vient le mot tramping ? La notion de tramp vient de l’anglais, ce mot était employé en Amérique pour désigner celui qui ne voulait pas travailler. Le mot a été utilisé différemment en anglais déjà par l’écrivain Jack London dans son livre « La route », écrit en 1907. Le tramping devient alors un sage vagabondage. C’est ce livre qui donne leur nom aux trampové tchèques et slovaques, qui se l’approprient et peuvent l’écrire indifféremment tramping (avec un « a » pour respecter le mot anglais d’origine) ou tremping (avec un « e » pour indiquer la prononciation). Les trampové se plaisent à répéter que le mouvement, malgré son appellation étrangère, est un pur produit de la mentalité tchécoslovaque de l’époque. Selon la légende, tchèque bien entendu, Trampské hnutí– le mouvement « tramping », tel qu’il est pratiqué en Tchécoslovaquie, est unique au monde.

Mettons-nous donc dans l’ambiance en écoutant « Jarní tání » - le dégel du printemps, une chanson du groupe « Brontosauři » - les Brontosaures, groupe de la colonie Toronto à Lukách pod Medníkem - osada Toronto v Lukách pod Medníkem.

Le refrain de la chanson « Jarní tání » - le dégel du printemps – raconte : ‘voici venu le temps du soleil, des naissances et des rails, le temps des retrouvailles de tous les côtés : Joe le maigre, Čára, Ušoun sont de retour, le camp revit, bienvenue au printemps !’

Le tramping tchèque a marqué le territoire tchèque et slovaque dès le début du XXe siècle : les jeunes gens qui s’ennuient en ville, cherchent un échappatoire à la vie en société moderne et cherchent à donner un sens à leur temps, lisent le livre de Jack London. Ils sont souvent scouts et les règles trop strictes du scoutisme ne leur conviennent pas : fascinés par les westerns, ils décident de construire leur propre relation avec la nature. Ils ne s’appelent pas encore trampové mais divocí skauti - les scouts sauvages. Le mouvement se développe rapidement et bientôt les trampové déploient, à l’image des colons du Far west, de véritables osady, colonies de campeurs, sur les bords de la Vltava et de la Sázava. Chaque osada a son nom, son shérif, son drapeau, son groupe de musiciens, ses chansons, bientôt reprises en cœur par toute la Tchécoslovaquie, par l’intermédiaire de la radio. De quoi s’agit-il ? D’amitié, d’humanité, de nature, de sagesse, de sport, de liberté, de romantisme à la tchèque. Les règles ne sont pas écrites, celui qui le veut vit le tramping. Le mouvement connaît un véritable âge d’or pendant le régime communiste, alternative à la vie citadine socialiste. Ceux qui ne connaissent pas la nature sont plaints par la chanson « Stánky» - les stands - des « Brontosauři ». La chanson évoque ceux qui ne connaissent pas la nature et se contentent de la beauté médiocre des stands, se rient du temps en fumant avec les filles qui ne savent pas où aller… Ils ne savent pas vivre, n’écoutent pas et ont des rides à l’âme.

Qu’en est-il aujourd’hui ? D’autres mots, à consonance plus tchèque, évoquent ce qu’il reste de l’esprit « tramping ». En plus du mot commun výlet – que l’on peut traduire en français par « balade » ou « excursion » mais qui veut dire tellement plus ici… -, on parle de vandr ou vandrování, ou encore de čundr, celui qui part en čundr étant désigné du vocable « čundrák ». L’idée principale commune à tous ces mots est de vyrazit ! Se bouger, partir quelque part ! On ne part généralement pas bien loin, pour une ou deux journées, à une ou deux heures de la ville, et un certain nombre de plaisirs se doivent de marquer le výlet ou le čundr : les 15 kilomètres au minimum, les déplacements en train, et surtout l’arrêt prolongé à la hospoda– l’auberge – du village.

S’il est vrai que les chapeaux de cow-boy et les pantalons à franges ont tendance à être remplacés par des sweat-shirts en goretex et des sacs à dos aux milles et une poches, l’esprit « forêt, guitares et feu de bois » persiste. Mary est redevenue Maruška mais sur la maisonnette en bois, au bord de la Sázava, un drapeau indien flotte toujours.

Et c’est sur cette image de maisonnette aux couleurs américaines que nous terminons ce « Tchèque du bout de la langue » consacré au tramping. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous donc du mieux possible – mějte se co nelíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !