Le langage des arbres et du bois (III)

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Nous allons poursuivre et achever notre petite série consacrée au langage des arbres, ou plus précisément aux expressions de la langue tchèque relatives aux arbres - stromy - et au bois - dřevo. Lors de notre dernière émission, nous nous étions ainsi quittés en « dormant comme du bois » - « spát jako dřevo ». Nous dormions même si bien et ronflions si fort que nous pouvions donner l'impression de « couper, scier du bois » - « řezat dřevo ». Pour cette fois, nous allons donc nous efforcer de nous réveiller quelque peu en découvrant de nouvelles expressions...

Et pour nous réveiller, quoi de mieux qu'un peu de musique. Parfois, pour se définir en tant que peuple, les Tchèques aiment utiliser le dicton très populaire « Co Čech, to muzikant », à savoir « Tel Tchèque, tel musicien », « Qui dit Tchèque dit musicien » ou « Tout Tchèque est musicien ». Une expression relativement ancienne qui signifie, comme vous l'aurez compris, qu'en tout Tchèque se trouve, sommeille un musicien. Si cette affirmation est aujourd'hui peut-être un peu moins vraie qu'autrefois, notamment parmi les générations plus jeunes, il n'en reste pas moins que d'une manière générale, les Tchèques aiment chanter (et pas qu'un peu) dès qu'une occasion le permet ou lorsqu'ils se retrouvent entre eux autour d'une bière ou d'un pichet de vin. Nombre d'entre eux chantent également dans une chorale ou dans un groupe plus moderne et beaucoup savent jouer d'un instrument de musique, notamment du piano, de la flûte ou de la guitare. La guitare, justement, les accompagne généralement lorsqu'ils chantent. Alors, quel rapport avec le bois, nous direz-vous ? En fait, il existe une expression très poétique dans la langue tchèque parfois employée pour désigner la guitare, à savoir « sladký dřevo », soit littéralement « le bois doux ». En tchèque, l'adjectif « sladký » possède deux sens et peut donc vouloir dire « doux » ou « sucré ». Et c'est vrai que lorsque les Tchèques reprennent des chansons populaires ou traditionnelles connues de tous, ils se rendent la vie plus douce et même, dans un certain sens, plus sucrée. Bref, on pourrait dire qu'en exerçant leurs cordes vocales sur un air de « bois doux » ou de guitare, ils profitent de la douce vie, de cette fameuse « dolce vita », un art de vivre, un idéal de bien-être, de plaisir et de douceur...

Autre très belle expression, tout aussi poétique, pour désigner un enfant mal élevé, sans éducation, auquel on n'a pas appris les bonnes manières, comme le reprochent parfois si bien nos grands-mères ou les petites vieilles comme les désignait Charles Baudelaire, « roste jako dříví v lese », c'est-à-dire « il pousse comme du bois en forêt ». Une expression facilement compréhensible puisque pour cela, il suffit de se rendre dans une forêt laissée à son état et à son évolution naturels où la végétation pousse comme bon lui semble. En revanche, dès que l'homme la gère, c'est lui qui choisit la culture dominante et le genre d'environnement. Un peu donc comme pour un enfant sauvage.

Toujours à propos de bois et de forêt, lorsqu'un Tchèque fait un travail long et inutile, on pourra dire de lui qu'il « porte du bois à la forêt » - « nosí dříví do lesa ». Une locution figurée qui équivaut en français à « porter de l'eau à la rivière » ou « peigner la girafe ».

Vous connaissez tous également le proverbe français selon lequel « on ne fait pas d'omelettes sans casser d'oeufs », qui signifie que l'on ne peut rien obtenir sans quelques sacrifices et violences. En tchèque, cela donne « když se kací les, padají třísky », soit littéralement « quand on abat une forêt, des éclats de bois tombent ».

Enfin, terminons avec deux expressions relatives aux racines de l'arbre. Selon le test bien connu du dessin de l'arbre qui permet de révéler certaines caractéristiques psychologiques, les racines - kořeny - représentent l'ancrage de la personne qui dessine l'arbre dans sa propre vie et dans la réalité. Etant donné cette force symbolique des racines, il est logique de retrouver quelques locutions y faisant référence. Ainsi, lorsqu'ils s'habituent à un endroit, s'y plaisent et parfois même ne veulent plus le quitter, les Tchèques disent, comme bien d'autres également, qu'ils « prennent racine » - « zapustit kořeny ». Enfin, de quelqu'un qui a la chance d'avoir une santé de fer, qui respire la santé, les Tchèques diront qu'il « a une racine saine, bien portante » - « mít zdravý kořínek ».

Voilà, c'est donc en bonne santé que nous espérons vous quitter et que se termine ce « Tchèque du bout de la langue » et avec lui notre série consacrée aux arbres et au bois. Dès la semaine prochaine, nous ouvrirons un autre thème, mais d'ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !