Le Conseil de l’Europe a publié son premier rapport sur les langues minoritaires en République tchèque

Photo: Commission européenne

C’est à une émission un peu particulière que nous vous invitions à suivre pour cette fois, puisque, exceptionnellement, ce n’est pas de la langue tchèque dont il sera question, mais plutôt de l’allemand, du polonais, du slovaque et du romani. Il y a quelques jours de cela, le Conseil de l’Europe a en effet publié le premier rapport sur la situation des langues minoritaires en République tchèque. Ce rapport a été élaboré par un comité d’experts qui évalue la mise en œuvre de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Membre du secrétariat de cette Charte, Simone Klinge a répondu depuis Strasbourg aux questions de Radio Prague afin de présenter les grandes lignes, les principaux enseignements et conclusions de ce rapport. Voici donc la première partie de cet entretien avec Simone Klinge :

Photo: Commission européenne
« La Charte est une convention du Conseil de l’Europe. C’est un traité qui est destiné à protéger et à promouvoir les langues régionales ou minoritaires parlées en Europe, car, globalement, il y a un déclin des langues. On estime à environ 6 000 le nombre de langues parlées dans le monde entier mais, en moyenne, une langue disparaît toutes les deux semaines. C’est aussi le cas en Europe, et c’est pour éviter cette extinction des langues et enrayer ce déclin que le Conseil de l’Europe a créé cette Charte. L’objectif est donc de protéger notre patrimoine culturel. La Charte est le seul traité international de ce genre dans le monde. Elle a été ouverte à la signature en 1992 et est entrée en vigueur en 1998. »

-Vous avez parlé de 6 000 langues dans le monde. Quel est leur nombre en Europe ?

« Il y a une centaine de langues parlées pour l’ensemble de l’Europe. Mais si on prend en compte la Fédération de Russie, on arrive alors à 200 ou 300 langues. Déterminer le nombre de langues est très difficile parce qu’il y a un problème qui existe avec la définition de ce qu’est une langue et de ce qu’est un dialecte. »

Photo: Commission européenne
-D’une manière générale, quelle est la situation aujourd’hui en République tchèque pour ce qui est des langues minoritaires ?

« On peut constater qu’il existe en République tchèque une volonté de sauvegarder ces langues. D’abord parce qu’elle a ratifié cette Charte. Mais le comité d’experts a aussi constaté dans le rapport que les lois nationales garantissent une bonne protection pour les langues minoritaires, notamment la loi sur les minorités nationales. L’autre point positif, c’est qu’il existe un système de représentation institutionnelle des locuteurs avec les commissions des minorités nationales au niveau central, régionale et local. Parallèlement, le comité d’experts a cependant constaté une lacune entre ce système et la situation réelle. Il a surtout constaté une diminution du nombre de personnes parlant les langues minoritaires. Enfin, dernier point important, il faut sensibiliser la population majoritaire, celle qui parle le tchèque, qu’il existe des langues minoritaires historiquement dans le pays. »

-La République tchèque possède quatre langues minoritaires protégées par la Charte : l’allemand, le polonais, le slovaque et le romani. Quelle est la situation de chacune de ces langues en République tchèque ?

Photo illustrative: Commission européenne
« Exactement. Ce sont les langues parlées traditionnellement en République tchèque. Ce qui est intéressant, c’est que toutes ces langues sont dans une situation différente. Le comité a trouvé que la situation du polonais était très bonne. Dans le domaine de l’enseignement, elle est même exemplaire. Récemment, des panneaux de signalisation bilingues en tchèque et en polonais ont également été installés à Těšín (dans l’est du pays, en Silésie, région frontalière). C’est important pour la visibilité de la langue dans une région où le polonais est parlé historiquement. Mais contrairement au polonais, qui se cantonne à cette partie du pays, les trois autres langues sont présentes sur l’ensemble du territoire. Pour ce qui est du slovaque, le comité n’a pas relevé de problème particulier, car il s’agit d’une langue très proche du tchèque. Quant à l’allemand, la majorité de ses locuteurs sont des personnes âgées. Or, si on veut qu’une langue survive, il faut aussi avoir de jeunes locuteurs. Et puis ce n’est pas facile de promouvoir une langue lorsque ses locuteurs sont disséminés un peu partout dans le pays. C’est un défi en tous les cas. Enfin, concernant le romani, il y a une exclusion sociale des populations roms, et le gouvernement s’efforce désormais de concourir à leur intégration. Mais il faut aussi protéger la langue. »

Nous vous proposerons la suite de cet entretien qui nous donnera une vue plus en détails de la situation des langues minoritaires en République tchèque, et notamment du romani, dans un prochain « Tchèque du bout de la langue », dans deux semaines.