Assis sur deux chaises

Auf zwei Stühlen zu sitzen - sedět na dvou židlích
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Assis comme un prisonnier qui a été mis au trou, assis chez soi sur le popotin – sedět doma na zadku, assis derrière le four pour les pantouflards – sedět za pecí, ou encore rester assis comme cloué sur place - « sedět na místě jako přibitý »… Dans notre dernière émission, nous avions relevé plusieurs locutions de la langue tchèque dans lesquelles figure le mot « sedět », un verbe dont le sens premier, rappelons-le, est « être assis ». Ce ne sont pas les seules et c’est pourquoi nous allons donc poursuivre notre petite série, et ce bien que nous soyons comme « assis sur deux chaises » - « sedět na dvou židlích »… Vous allez tout de suite comprendre pourquoi…

Les locutions et expressions dans lesquelles on retrouve le mot « sedět » sont en effet très nombreuses. La question qui se pose à nous est donc de savoir par laquelle commencer. Et pour ceux, comme nous, incapables de se décider, hésitants sur leur comportement à adopter vis-à-vis de quelqu’un ou de quelque chose, les Tchèques disent parfois qu’ils sont « assis sur deux chaises » - « sedí na dvou židlích », l’équivalent en français de la métaphore facile à comprendre « ne pas savoir sur quel pied danser », voire de la locution très familière et imagée « avoir le cul entre deux chaises » ; dans le sens où la personne en question inconfortablement installée se trouve dans une position où il lui est bien difficile de choisir son camp.

Attention, toutefois, car « « sedět na dvou židlích » peut également être employée pour une personne qui occupe deux fonctions différentes à la fois, possède diverses responsabilités ou mène de front plusieurs activités. En français, l’équivalent serait sans doute « porter plusieurs casquettes », voire, dans un certain contexte, « courir deux lèvres à la fois »…

Mais c’est bien connu : rien ne sert de courir. Et avant de partir à point, pourquoi donc ne pas rester assis ? Il y a ceux, par exemple, qui préfèrent « rester à l’auberge jusqu’au matin » - « sedí v hospodě až do rána », tandis que d’autres, plus heureux ou malheureux (là n’est pas la question), préfèrent, eux, « s’éterniser dans les réunions » - « sedí pořád na schůzích ». Chacun sa vie après tout…

Il y a ceux également, très actifs, dont on affirme parfois qu’ils ne tiennent pas en place ou qu’ils ne savent pas rester en place une minute. Les Tchèques, eux, préfèrent dire « ani chvilku neseděl », soit littéralement « il n’a pas été assis un seul instant ». S’il s’agit d’une jeune fille présente à un bal, la même expression « ani chvilku neseděla » voudra dire que la demoiselle en question a passé l’essentiel de la soirée sur le parquet à danser. En revanche, si sa copine, probablement un peu moins belle comme cela arrive parfois, est, elle, « restée assise pendant la danse » - « seděla při tanci », cela signifie qu’elle a « fait tapisserie », autrement dit que la pauvre n’a été invitée par aucun jeune homme présent dans l’assemblée. En tchèque comme en français, une des expressions équivalentes est « stát u zdi » - « tenir les murs ». Dans les deux cas, ces expressions désignent les personnes qui participent à un bal ou à une réunion sans y prendre part en se rangeant le long des murs de la salle.

Il est également intéressant de préciser que le verbe « sedět » ne signifie pas seulement « être assis ». Il possède, au moins, trois autres sens différents. Le premier d’entre eux est travailler ou être membre. Ainsi, si on dit d’une personne qu’elle « sedí v kanceláři », cela ne veut pas dire qu’elle est « assise dans un bureau » (même si, de par la nature des choses, elle est effectivement bien assise dans un bureau), mais plutôt qu’elle « travaille dans un bureau ». De même, quelqu’un qui « sedí ve výboru » n’est pas « assis dans un comité », mais « est membre d’un comité ». Notons néanmoins que, ici, « sedět »équivaut alors également à siéger, dans le sens d’avoir un siège dans une assemblée. Quelque part, on retrouve donc ce sens de « être assis ».

Ce n’est plus le cas du tout lorsqu’il s’agit d’une voiture. Si un Tchèque, généralement amateur de belles bagnoles comme le laisse deviner le parc automobile relativement luxueux que l’on peut voir notamment à Prague, affirme qu’une « auto dobře sedí na silnici » (ou « v zatáčkách »), sa pensée n’est bien entendu pas que l’auto en question est « bien assise sur la route » (ou « dans les virages »), mais plutôt qu’elle « tient bien la route », qu’elle a une bonne tenue de route, et ce même dans les virages.

Enfin, le verbe « sedět » est très souvent employé pour signifier que quelque chose est juste, va bien, un peu finalement comme si on était bien assis. On entend ainsi très souvent les Tchèques clamer « to sedí » ou « co řekne, to sedí », c’est-à-dire qu’une remarque, par exemple, est bonne, opportune, utile, qu’elle vient à propos. Quand quelque chose, un pantalon, une veste, etc., une fonction quelconque, ou encore un rôle dans une pièce de théâtre ou film, va bien à quelqu’un, que le quelqu’un en question remplit bien sa fonction, son rôle, on dira « sedí mu to », comme si c’était du sur-mesure.

Et puis s’il s’agit d’un coup de fusil et que la première cartouche atteint précisément la cible, on affirmera alors « hned první rána mu seděla », bref que le tireur a fait mouche du premier coup.

C’est sur cette conclusion qui « sedí », ou qui nous convient bien, qui a fait mouche en quelque sorte, que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue », ainsi que notre mini-série consacrée au verbe « sedět ». On se retrouve dans quinze jours pour une nouvelle émission. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !