Le boxeur français Mehdi Azri à Prague : « un homme doit accepter son destin »

Mehdi Azri et Lukas Konecny, photo: CTK

Mardi dernier, les deux meilleurs boxeurs professionnels tchèques étaient en vedette à Prague. Devant 10 000 spectateurs, Lukas Konecny a notamment battu aux points le Français Mehdi Azri, conservant ainsi sa ceinture intercontinentale WBO. A l'issue du combat, nous sommes allés à la rencontre de Mehdi Azri. Malgré la défaite, il s'est longuement confié...

Mehdi Azri et Lukas Konecny,  photo: CTK
Mardi dernier, les deux meilleurs boxeurs professionnels tchèques actuels, Rudolf Kraj et Lukas Konecny étaient en vedette à Prague. Vainqueur par arrêt de l'arbitre dans la 12e reprise, Rudolf Kraj, vice-champion olympique aux Jeux de Sydney, a conquis à cette occasion la ceinture intercontinentale WBC, une des quatre fédérations internationales, dans la catégorie mi-lourds. Un succès qui lui permet désormais de présenter un bilan de neuf victoires pour aucune défaite et surtout d'espérer obtenir une chance pour un titre mondial dans un avenir plus ou moins proche. Mais l'affiche de la soirée mettait aux prises Lukas Konecny (32 victoires, 2 défaites), champion intercontinental IBF et WBO chez les super-welters, au Français Mehdi Azri. Un match qui est certes allé au bout des douze rounds, mais qui a été nettement dominé par le Tchèque. Vainqueur à l'unanimité aux points (119-110, 120-109, 119-108), ce dernier espère, lui aussi, bientôt relever un nouveau défi pour une ceinture de champion du monde. De son côté, Mehdi Azri est arrivé à Prague presque par hasard, profitant des forfaits des deux autres boxeurs initialement prévus pour affronter Konecny. A sa sortie du ring, peu avant minuit, nous sommes allés le rencontrer dans son vestiaire avant de l'accompagner au contrôle anti-dopage. Là, dans les coulisses d'un palais de sports vidé de ses 10 000 spectateurs, il est tout d'abord revenu sur son combat contre le Tchèque avant d'évoquer, avec ses mots, sa vie de boxeur inconnu ou presque du grand public. Un moment privilégié qui nous a permis de toucher du doigt l'aspect tragique, dramatique, parfois répulsif, écoeurant, mais tellement fascinant du noble art :

« Sans prétention, ce n'était pas difficile. En fait, je n'avais pas de pression. En face, mon adversaire avait de l'expérience et je crois que j'ai eu un bon jeu défensif. Après, on peut peut-être me reprocher de ne pas être allé assez au combat ou de ne pas avoir exploité mes possibilités, mais c'est la boxe. J'ai fait ce que je pensais être le mieux, je n'ai pas voulu prendre de risques, j'ai essayé d'en garder sous la semelle, car je n'avais jamais disputé plus de huit rounds. Voilà, c'est mon analyse et je suis donc content de ce que j'ai fait. Bon, j'ai un peu « les boules » de ne pas avoir gagné, mais j'ai appris un truc : c'est que dans victoire, il y a aussi défaite. Ca va ensemble. »

Lukas Konecny,  photo: CTK
-Un mot sur votre adversaire, Lukas Konecny...

« Ca va, il est pas mal. Je l'ai senti un peu douter à un certain moment. Enfin... peut-être pas douter, mais ralentir. Il essayait de me bluffer avec des coups en bas, mais ça n'a pas pris. Je manque peut-être un peu de confiance à cause du manque de matches pour pouvoir exploiter plus mes chances, mais bon, en France, la boxe professionnelle n'est pas très développée. Pour aujourd'hui, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de prendre mes marques. Mais sinon, mon adversaire, oui, ça va. »

-C'est un combat qui vous a été proposé un peu à la dernière minute puisque, initialement, vous n'étiez pas prévu dans le programme. Est-ce que cela vous a gêné dans votre préparation ?

« Non, non, non. Ce genre d'excuses, c'est un truc de « lâches ». On m'a fait une proposition, je suis un homme, j'ai réfléchi, j'en ai parlé aux gens autour de moi et on a décidé de faire ce combat. Donc, si j'ai dit oui, c'est parce que j'étais à 100%. Je me respecte trop pour dire que c'est à cause de ça que j'ai perdu. »

-Pendant le combat, on ne vous a jamais vraiment senti en grande difficulté, à l'exception peut-être du 6e round. Par contre, en dehors de la dernière reprise, vous avez été dominé et vous n'êtes jamais véritablement parvenu à mettre en danger votre adversaire.

« Je ne sais pas. En fait, je l'ai beaucoup boxé à « la touche », en contre-attaque, je suis resté sur le jeu tactique. J'ai accéléré à la fin, mais si je ne l'ai pas fait avant, c'est parce que douze rounds, pour moi, c'était l'inconnu. Je ne savais pas comment j'allais tenir une fois passé le huitième. La boxe est quand même un sport dangereux, on ne peut donc pas se permettre de trop improviser. A côté de ça, dans la vie, j'ai un boulot, une situation professionnelle et pour ce que la boxe me rapporte, je ne voulais pas trop y aller. C'est un peu cher payé le neurone (il rigole). »

-Qu'avez-vous pensé de l'ambiance dans la salle et du public pragois ?

Rudolf Kraj,  photo: CTK
« Ah, c'était cool ! Ils sont sportifs et pas de mauvaise foi. Au départ, ils ont supporté mon adversaire, mais ils ont vu que j'étais un boxeur sérieux, que je tenais la route. J'ai l'impression qu'ils m'ont encouragé quand je faisais de bons enchaînements. Je respecte cet esprit, c'est bien. »

-Qu'est-ce que ce combat représente dans votre progression et pour la suite de votre carrière ?

« (Silence) Je ne sais pas... Je ne sais pas du tout. (Il hésite). Vous savez, je ne sais pas s'il n'y a que moi qui ai de telles pensées, mais avant chaque combat, quand je suis dans le vestiaire, je me demande ce que je fous là. C'est assez bizarre. Aujourd'hui, c'était quand même du haut niveau et j'ai vu où j'en étais. Maintenant, je sais que pour évoluer, il va falloir un peu plus de moyens parce que là, je suis un peu livré à moi-même. Je vais réfléchir sur la suite de ma carrière parce que je ne veux pas prendre des coups juste pour être champion de France. Ce n'est pas la finalité. »

-Vous avez dit avoir une autre activité professionnelle à côté de la boxe.

« Oui, je suis employé municipal. Je travaille avec les enfants à Rueil Malmaison (dans les Hauts-de-Seine). J'y suis arrivé quand ça ne se passait plus très bien au niveau de ma carrière, je n'y croyais plus. Ils m'ont accueilli, remis en confiance, donné une situation... Ils m'ont montré qu'il y avait autre chose que la boxe. Et... j'ai oublié la question... je viens de faire un match de boxe (il se marre). »

-On imagine que ce n'est pas facile tout de suite après un tel combat et une défaite. Comment vous sentez-vous ?

« Psychologiquement, ça va. Vous savez, il faut accepter les choses dans la vie, ça aide à évoluer. Je pense que c'est une bêtise de rester sur le passé. J'ai fait ce que j'avais à faire. Je ne regrette rien. C'est simple : tous ceux qui vont me dire que j'aurais dû faire ceci ou cela auraient pu prendre mes gants et aller sur le ring. Non, comme je vous dis, j'ai fait ce que je devais, et jeudi je vais aller bosser. J'ai fait une belle prestation, les gens sont satisfaits de moi, je ne pense pas avoir été ridicule, donc je suis content. Je n'ai aucun regret. Je pense qu'un homme doit accepter son destin et les choses bonnes ou mauvaises. »