La Coupe Davis reste tchèque

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La Coupe Davis restera un an de plus en République tchèque. En battant la Serbie (3-2), à Belgrade, ce week-end, Tomáš Berdych et Radek Štěpánek ont permis à leur pays de remporter le trophée pour la deuxième année de suite et pour la troisième fois de son histoire (après la Tchécoslovaquie d'Ivan Lendl en 1980). Comme il y a un an à Prague contre l’Espagne, Radek Štěpánek a donné la victoire à son équipe dans le cinquième match décisif. Malgré la présence de Novak Djokovic, qui a remporté ses deux simples, la République tchèque est ainsi devenue le cinquième pays à réaliser le doublé dans l’histoire de la Coupe Davis. Une performance rare donc, dont peut-être pas même les Tchèques ne mesurent tout à fait la portée.

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Les mauvaises langues peuvent bien cracher leur venin pour rabaisser leurs succès. C’est vrai, comme l’année dernière lors de leur victoire contre une Espagne privée de Rafael Nadal, les Tchèques ont profité de l’absence de Janko Tipsarevic et de Viktor Troicki, deux joueurs en présence desquels le scénario de cette finale aurait sans doute été tout autre. Même au meilleur de sa forme et vainqueur de ses deux matchs de simple contre Štěpánek vendredi (7-5, 6-1, 6-4) et Berdych dimanche (6-4, 7-6, 6-2), Novak Djokovic était trop seul pour que la Serbie puisse espérer autre chose. C’est vrai aussi, l’intérêt très limité voire parfois inexistant que quelques-uns des meilleurs joueurs mondiaux lui accorde ne fait plus aujourd’hui de la Coupe Davis la compétition majeure qu’elle était autrefois. Tout cela est vrai. Mais cela ne doit rien enlever au mérite des Tchèques. Car c’est justement parce que eux, Tomáš Berdych et Radek Štěpánek, n’ont pas relégué la Coupe Davis au second plan de leurs priorités, qu’ils sont parvenus à la gagner deux fois d’affilée. Dans un sport aussi individuel et égoïste que le tennis professionnel, où l’intérêt personnel prime souvent sur tout le reste, le rappeler n’est pas anodin. Après avoir soulevé le Saladier d’argent pour la deuxième fois de leur carrière, c’est d’ailleurs ce qu’ont fait les deux hommes dimanche soir à Belgrade, à commencer par Tomáš Berdych :

Tomáš Berdych,  photo: CTK
« Cette saison a été particulièrement difficile et éprouvante. Nous n’avons pas été au complet lors des deux premiers tours en Suisse et au Kazakhstan, mais les autres garçons ont répondu présents quand il le fallait. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent nos succès. A la différence peut-être d’autres pays et d’autres joueurs, Radek et moi faisons de la Coupe Davis une de nos priorités. Nous sommes prêts à sacrifier certains tournois et une partie de notre programme personnel dans l’intérêt de l’équipe. Et c’est pourquoi nous sommes allés chercher cette victoire. »

Son partenaire Radek Štěpánek, une nouvelle fois héros de la finale, tenait à peu près le même discours, simplement dans un vocabulaire chargé d’un peu plus d’émotion :

« Je pense que c’est la victoire de l’envie et de la volonté. Gagner la Coupe Davis est un objectif que nous avions en commun avec Tomáš. C’était un rêve, un rêve qui s’est réalisé grâce à notre travail. C’est aussi une victoire du cœur. C’est avec le cœur que nous jouons chaque match dans cette compétition. »

Radek Štěpánek,  photo: CTK
La victoire en Serbie et le doublé ne sont cependant pas seulement la victoire du cœur. C’est aussi celle de la raison. Car s’ils se respectent et apprécient de se retrouver en équipe nationale, Berdych et Štěpánek ne sont pas les meilleurs amis du monde pour autant. Les deux hommes, aux personnalités et styles de jeu totalement opposés, se complètent parfaitement sur et en dehors du court. Mais une fois les parenthèses Coupe Davis refermées, ils n’éclusent pas les bières ni ne passent leurs vacances ensemble. Des profils différents qui ne les empêchent pas de mettre leurs intérêts en commun et de faire preuve d’un état d’esprit irréprochable lorsqu’ils sont appelés à défendre les couleurs tchèques. Avec son œil d’observateur neutre du tennis mondial, c’est d’ailleurs ce que rappelait déjà l’envoyé spécial de L’Equipe, Vincent Cognet, l’année dernière à Prague au terme de la victoire en finale contre l’Espagne. Un an plus tard, la recette du succès n’a pas changé d’un iota :

« Ce sont deux formidables joueurs. Et puis je trouve que c’est une victoire morale parce que c’est quand même la victoire de mecs qui jouent depuis des années la Coupe Davis systématiquement, sans se poser la question, comme certaines stars du jeu, de leur carrière personnelle. C’est donc la victoire de la persévérance, et c’est bien ; de deux mecs qui attachent beaucoup d’importance symbolique et affective à cette épreuve, et c’est très beau. C’est la victoire de deux mecs qui portent leur équipe à bout de bras depuis 2007, de deux mecs qui se complètent idéalement, aussi bien en simple chacun avec son jeu et sa personnalité, qu’en double où leurs qualités respectives s’associent formidablement. »

Dusan Lajovic,  photo: CTK
Du cœur et de la raison, les deux victoires tchèques en Coupe Davis sont aussi celles, et il ne faudrait pas l’oublier, du talent. Un talent insuffisant, certes, pour battre Djokovic, qui contre Štěpánek et Berdych a aligné ses vingt-troisième et vingt-quatrième victoires consécutives. Mais un talent suffisant pour dominer sans trembler Dusan Lajovic, 117e mondial de 23 ans appelé à la rescousse de la nation serbe pour remplacer Tipsarevic et Troicki.

Vendredi tout d’abord, après que Djokovic a offert le premier point à son équipe en venant à bout de Štěpánek, Berdych a sans surprise remis les Tchèques à flot en assurant l’essentiel contre Lajovic, là aussi en trois sets (6-3, 6-4, 6-3). Dimanche enfin, après que la Serbie a dans un premier égalisé à deux points partout grâce à un Djokovic intraitable contre Berdych (6,4, 7-6, 6-2), Štěpánek a de nouveau fait parler la logique en s’imposant contre le même Lajovic, de nouveau en trois petits sets vite expédiés (6-3, 6-1, 6-1). Plus expérimenté et tout simplement meilleur que son adversaire plus jeune de onze ans, le vétéran tchèque a ainsi offert à son camp le troisième point décisif de la victoire. Ce costume de héros, Štěpánek l’avait déjà enfilé en 2012 en battant Nicolas Almagro dans le cinquième match de la finale contre l’Espagne. Cette fois, cependant, c’est bien lui qui avait l’avantage des pronostics avant de pénétrer sur le terrain :

Novak Djokovic,  photo: CTK
« C’est difficile de trouver les mots justes pour décrire l’émotion que je ressens. La pression était très différente de celle de l’année dernière. A Prague, nous voulions gagner la coupe pour la première fois depuis de longues années. J’étais devant notre public, mais je n’étais pas favori car je jouais contre un adversaire plus fort que moi sur le papier. Je ne pouvais que surprendre. Cette année, la situation était inverse : tout le monde attendait de moi que je gagne. Mais j’avais le public serbe contre moi, même si nos supporters ont été fantastiques. C’est une victoire très spéciale : c’est pour vivre des moments comme celui-là que l’on se lève et s’entraîne tous les jours. »

Pression ou pas, Radek Štěpánek a livré un match de grande qualité contre un Dusan Lajovic aux épaules trop fragiles pour supporter le poids de l’événement. Et c’est sans peur de gagner que le Tchèque a conclu l’affaire :

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« Une première fois reste toujours un moment à part, qui ne se reproduit plus jamais. Même si l’expérience de Prague m’a aidé aujourd’hui, j’étais quand même un peu nerveux. Il m’a fallu deux ou trois jeux dans le premier set pour bien rentrer dans le match. Une fois que je suis passé devant au score, tout a été beaucoup mieux. Mais il ne faut pas se fier aux apparences et au score final. Un match décisif facile en Coupe Davis, ça n’existe pas. Je pense plutôt que j’avais choisi la bonne tactique. J’ai contrôlé et j’ai fait un match presque parfait aujourd’hui. »

On l’a dit, Djokovic vainqueur de ses deux matchs de simple en trois manches, Berdych et Štěpánek disposant tous deux du 117e mondial sans beaucoup plus d’encombres, le déroulement de ce Serbie – République tchèque, loin de la magie et des improbables retournements de situation de certaines rencontres de Coupe Davis, a parfaitement respecté les pronostics d’avant match.

Et comme prévu, le double de samedi a constitué le moment-clef du week-end. Novak Djokovic n’étant pas aligné pour une raison restée inconnue mais quelle qu’elle soit difficilement compréhensible, Berdych et Štěpánek en ont profité pour dominer sans coup férir la paire serbe composée de Nenad Zimonjic et d’Ilia Bozoljac en trois sets (6-2, 6-4, 7-6), et ainsi prendre l’avantage (2-1) avant donc la grande journée de dimanche. Au passage, le duo tchèque a signé là sa quatorzième victoire en quinze matchs de double en Coupe Davis… Un bilan dont bien peu d’autres équipes dans le monde peuvent se targuer et qui explique aussi en grande partie les succès tchèques.

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Dans les couloirs de la salle de Belgrade dimanche soir, il se murmurait déjà que Berdych et Štěpánek auraient accepté de poursuivre l’aventure au moins un an encore. En 2014, c’est donc d’un triplé dont les Tchèques pourraient rêver. Pour l’Histoire et histoire de faire taire les médisants une bonne fois pour toutes. Besoin encore en est.