Ivan Hašek : « Je rêve d’entraîner un club pour jouer les premiers rôles en France »

Ivan Hašek, photo: Tomáš Adamec, ČRo

Après le « Toulousain » Václav Němeček la semaine dernière, Ivan Hašek est le deuxième ancien joueur international tchèque qui connaît bien la France que Radio Prague a rencontré avant l’ouverture de l’Euro 2016. Passé par le RC Strasbourg, un club dans lequel il a joué et qu’il a entraîné, puis sur le banc de l’AS Saint-Etienne, Ivan Hašek reste un observateur attentif du football français. Mais à Prague, c’est dans un restaurant japonais du centre-ville que ce globe-trotter qui a été également sélectionneur de la Reprezentace et même président de la Fédération tchèque de football nous avait donné rendez-vous un soir de mai dernier :

Ivan Hašek,  photo: Tomáš Adamec,  ČRo
« Vous savez bien que la France et le Japon sont des pays qui possèdent quelques-unes des meilleures cuisines au monde. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’ouvrir ce restaurant japonais. J’ai des amis japonais qui peuvent nous aider et surtout toute ma famille qui adore le sushi et le sashimi. Je dirais même que c’est d’abord pour nous-mêmes que nous l’avons ouvert. »

On vous a un peu perdu de vue en République tchèque depuis votre démission des fonctions de président de la Fédération tchèque de football en 2011. Néanmoins vous restez actif puisque, récemment encore, vous entraîniez aux Emirats arabes unis avant d’’être licencié par les dirigeants du Fujaïrah Sports Club en mars dernier. Que faites-vous donc actuellement ?

« Cela fait un mois et demi que mon travail aux Emirats est terminé. J’ai voyagé entretemps. Je suis allé notamment voir du hockey sur glace, mon deuxième sport préféré, en Floride. J’ai assisté aux matchs de play-off des Florida Panthers avec les joueurs tchèques Jaromír Jágr et Jiří Hudler. Je les ai rencontrés et c’est quelque chose que j’ai adoré. Mais maintenant je me prépare pour mon prochain travail. Je ne sais pas encore où cela me conduire, mais je pense retourner aux Emirats. »

Vous êtes devenu un spécialiste de la région, car vous êtes passé aussi par d’autres clubs au Qatar et en Arabie saoudite depuis plusieurs années. Au-delà de l’aspect financier, qu’est-ce qui fait votre bonheur là-bas ?

Dubaï,  photo: Joi Ito,  CC BY 2.0 Generic
« Je m’y sens bien. J’habite à Dubaï et c’est une région que j’aime bien. Je pense comprendre la mentalité des joueurs arabes et c’est un avantage, car je sais comment réagir dans certaines circonstances et les situations parfois difficiles. J’aime le football arabe et les Arabes adorent le football. Certes, c’est différent de ce que l’on connaît en Europe, mais travailler là-bas est un plaisir pour moi. En même temps, je n’entraînerai pas toute ma vie non plus là-bas. Je voudrais retourner en Europe. Ce ne sera probablement pas encore la saison prochaine, mais plutôt dans deux ans. »

Le haut niveau ne vous manque-t-il pas ?

« Ce qui me manque le plus, c’est l’ambiance et la pression qu’il y a autour des matchs. Jouer la Ligue des champions en Europe et entraîner une équipe aux Emirats, ce n’est pas tout à fait la même chose, même si quelques matchs sont aussi très chauds là-bas avec de l’adrénaline. Le professionnalisme des clubs européens me manque aussi. C’est pourquoi j’envisage de revenir. »

En Europe, on sait que vous êtes très attaché à la France. Vous avez joué et entraînez à Strasbourg et avez été le coach également de Saint-Etienne. On peut donc supposer que c’est un des pays qui vous attire le plus…

« Oui, oui, la France m’intéresse bien entendu beaucoup. Travailler avec les joueurs français n’est pas toujours évident, mais je connais bien leur mentalité. Aujourd’hui, je n’ai aucune idée du club que je pourrais entraîner. Bien sûr, je suis attentivement les résultats de Strasbourg, qui monte de National en Ligue 2. J’ai passé sept ans de ma vie en Alsace et c’est une région que j’apprécie beaucoup. Je rêve de jouer les premiers rôles dans le football français avec le Racing, mais c’est encore loin. Pour l’instant, je ne sais pas du tout où je serai dans deux ans. »

« Le Qatar mérite la Coupe du monde »

Le Qatar investit de plus en plus dans le football et rachète même beaucoup d’autres choses encore en France que le Paris Saint-Germain. Mais si on s’arrête au football, quel est votre avis sur cette évolution et ces gros investissements dans certains clubs en Europe ?

« Ces dix dernières années, le football a énormément évolué grâce à l’argent des pays arabes. Qu’ils deviennent propriétaires de clubs, les sponsorisent ou investissent dans les droits télé avec le groupe al-Jazeera… Aujourd’hui, où que vous soyez, vous pouvez suivre tous les matchs ou presque à la télé. C’est pour toutes ces raisons que je pense que le Qatar mérite d’organiser la Coupe du monde. D’accord, c’est un petit pays et Doha est une petite ville, et je pensais qu’ils allaient se répartir les matchs avec les Emirats arabes unis ou l’Arabie saoudite, mais même en restant à Doha, ils sont capables d’organiser une bonne Coupe du monde. »

En attendant 2022, la République tchèque s’apprête dans les semaines à venir à disputer son sixième Euro consécutif. Celui-ci étant organisé en France, allez-vous le suivre de plus près ?

Petr Čech,  photo: ČTK
« Je ne sais pas encore si j’irai en France, mais ce championnat ne m’intéresse pas moins pour autant. Nous avons une équipe qui ne possède pas de grands joueurs, à l’exception de Petr Čech et de Tomáš Rosický, même s’il n’a pratiquement pas joué cette saison, à Arsenal. Il faut donc compter sur la force du collectif. C’est une équipe solide, bien organisée tactiquement et très disciplinée qui peut poser des problèmes à toutes les équipes. Si nous gardons ces valeurs et ces qualités, je pense que nous avons les moyens de sortir du groupe et même de voir plus loin encore. »

Malgré donc la perspective d’affronter l’Espagne, la Croatie et la Turquie au premier tour ?

« Ce n’est pas compliqué : les trois autres pays de notre groupe possèdent toutes de meilleurs joueurs que nous. Mais cela ne signifie pas qu’ils ont une meilleure équipe que la nôtre. Si nous nous appuyons sur nos points forts actuels, à savoir la discipline, le collectif et la tactique, nous pouvons faire mal à tout le monde. OK, nous ne sommes pas favoris, mais cela est plutôt un avantage pour nous. Nous n’aurons pas à faire le jeu, il faudra d’abord être bien en place derrière de façon à pouvoir être rapidement dangereux à la récupération du ballon. C’est le style de jeu que nous aimons et qui nous a déjà permis d’obtenir de bons résultats. En somme, il faut que nous jouions comme l’Atlético Madrid en Ligue des champions. Même si nous avons des joueurs moyens techniquement et qui ne sont pas très rapides, ils sont en revanche très intelligents et j’espère vraiment que cela nous permettra de nous qualifier. »

Ceci dit, l’Atlético Madrid, ce n’est pas le plus beau football que l’on puisse voir…

« On est d’accord, mais ça paie. On voit que tous les joueurs mettent leurs qualités au service de l’équipe. Tactiquement, physiquement et niveau discipline, ils sont parfaitement préparés. Ils sont très solidaires et se battent l’un pour l’autre. Tout le monde défend mais surtout, quand ils récupèrent le ballon, ils sont dangereux et se projettent très vite vers l’avant. Et c’est sur cette arme que nous devons nous aussi compter pour faire faire mal à des équipes comme l’Espagne et la Croatie qui dominer et avoir la possession de la balle. »

« Avec le sélectionneur Pavel Vrba, les Tchèques peuvent espérer un parcours semblable à celui de 1996 »

Pavel Vrba,  photo: ČTK
Quel a été l’apport de Pavel Vrba en tant que sélectionneur ? C’est un entraîneur qui a fait l’essentiel de sa carrière en République tchèque et en Slovaquie et qui par conséquent est très peu connu à l’étranger, mais dont la nomination en 2013 avait fait l’unanimité dans le petit monde du football tchèque suite à l’échec lors des éliminatoires pour la Coupe du monde 2014.

« Je pense que Pavel Vrba était le meilleur choix possible pour l’équipe nationale. Il a montré ses qualités avec le Viktoria Plzeň, avec lequel il a été sacré deux fois champion de République tchèque et qu’il a emmené à deux reprises en phase de poules de la Ligue des champions. Niveau clubs en République tchèque, il ne pouvait pas aller beaucoup plus haut. Malgré les résultats moyens lors des matchs amicaux, il a montré lors de chaque match éliminatoire pour l’Euro qu’il savait bien préparer son équipe. C’est aussi grâce à Pavel Vrba que l’on peut espérer revivre un parcours semblable à celui de l’Euro 1996 (la République tchèque s’était inclinée en finale contre l’Allemagne (1-2) après avoir encaissé un ‘but en or’ en prolongation, ndlr). »

Est-ce un bon choix de faire appel en nombre à des joueurs qui évoluent dans le championnat tchèque ?

« L’avantage des joueurs à l’étranger, c’est qu’ils ont plus l’expérience des grands matchs. Les joueurs du championnat tchèque ne disputent pas la Ligue des champions et ne sont pas confrontés au top niveau, mais ils sont plus motivés que les autres, plus attentifs et plus concentrés. Pour la grande majorité d’entre eux, ce championnat d’Europe est un grand plus dans leur carrière. Ils doivent se donner à plus de 100 %. »

« Avec l’entraîneur que nous avons, je crois vraiment qu’il est possible de faire un parallèle avec l’équipe de 1996. A l’époque, les joueurs n’étaient pas très connus non plus, mais ils sont tous partis dans des grands clubs européens après le championnat d’Europe. Je pense que nous avons quelques jeunes joueurs dans le groupe actuel pas très connus mais qui ont du potentiel eux aussi. »

Qui sont-ils ?

« Il y a le milieu défensif Pavel Pavelka, l’attaquant Tomáš Necid, qui a marqué pas mal de buts avec son club en Turquie cette saison, ou Pavel Kadeřábek qui, selon moi, est un des meilleurs jeunes latéraux droits en Europe. Mais encore une fois, le plus important, ce n’est pas le nom des joueurs. Mais s’ils jouent en équipe, nous pouvons être bons. »