A Tours, le phénomène Konečný

David Konečný, photo: ČT sport
0:00
/
0:00

Les joueurs et l’encadrement de l’équipe nationale tchèque de football ne le savent probablement pas, mais en choisissant Tours comme camp de base pour le championnat d’Europe en France en juin prochain, c’est dans une ville où les Tchèques sont déjà très appréciés qu’ils logeront et s’entraîneront. Les Tchèques ou plus précisément les volleyeurs tchèques, dont quelques-uns ont porté le maillot du Tours Volley-Ball (TVB) ces dernières années, et notamment un joueur tchèque : David Konečný. Depuis son arrivée dans la capitale de la Touraine en 2007, David Konečný a été sacré pas moins de cinq fois champion de France. Et ce n’est pas peu dire que le public tourangeau apprécie son capitaine tchèque. Reportage.

David Konečný,  photo: ČT sport
« Davis est un super joueur ! C’est notre maître à jouer et un super gars. Il nous parle comme moi je parle là avec vous… C’est un gars qui n’est pas fier pour deux sous, quelqu’un de très gentil et très sociable. »

« La vedette… C’est la vedette de notre équipe ! On le connaît depuis tellement de temps… »

« Ouaih, c’est notre chouchou ! Il a un service et des smashs supers… Voilà ! »

Voilà… Si la vérité sort de la bouche des enfants, les compliments, eux, à l’attention de David Konečný, sortent à l’unisson de la bouche des supporters du TVB. Qu’ils s’appellent Roger, Pascal, Pierre, Frédéric ou Chantal, tous sont unanimes. Son compatriote et jeune coéquipier Adam Bartoš confirme que parler d’un « phénomène Konečný » à Tours, ne serait-ce que dans les alentours de la Salle Grenon, là où évolue le quadruple champion de France de volley-ball en titre, n’est en rien exagéré.

« Ah, ici, c’est une superstar. Il a remporté plein de titres avec le club et tout le monde le connaît. C’est le capitaine et un pilier. »

David Konečný,  photo: ČT sport
Abonnés de longue date, Chantal et Frédéric, un couple d’une cinquantaine d’années pour lequel les matchs du TVB constituent plusieurs fois par an une agréable façon de passer les soirées du samedi, admettent qu’avec l’accumulation des titres et des saisons, ils ont aujourd’hui bien du mal à imaginer la vie de leur club favori sans David Konečný :

« Cela va être difficile, mais il n’est pas éternel. Il y a bien un jour où il faudra qu’on apprenne à s’en passer. Une de ses principales qualités est sa conscience professionnelle. Il est toujours très impliqué et on n’a vraiment rien à lui reprocher sur le jeu. C’est un excellent capitaine. Il est arrivé à Tours après notre titre européen (en 2005, le TVB a remporté la Ligue européenne des champions, ndlr), mais derrière il a contribué à construire tout le palmarès du club dans le championnat de France. Tout s’est fait avec lui et il représente la stabilité du club. On a changé plusieurs fois de passeur, mais lui est toujours là, surtout quand on l’attend. »

« Quant à son rayonnement en dehors du club, il a une vie tout à fait simple. Tu le vois faire ses courses au supermarché et il est toujours très sympa. Il ne vit pas dans sa bulle. Il est parfaitement intégré, toujours souriant et prêt à répondre aux questions. Bref, c’est quelqu’un d’abordable. »

« Il est très facile de travailler avec les Tchèques, même s’ils sont parfois trop calmes »

Vital Heynen,  photo: Nils Wüchner www.volley-photo.de,  CC BY-SA 2.0 Generic
Arrivé à la tête de l’équipe en décembre dernier après une première partie de saison au cours de laquelle les résultats ne répondaient pas aux attentes des dirigeants, Vital Heynen, le nouvel entraîneur belge du TVB, a appris à connaître David Konečný. Ancien coach de l’équipe nationale d’Allemagne, avec laquelle il a décroché la médaille de bronze aux dépens de la France au dernier championnat du monde en 2014, Vital Heynen admet lui aussi le rôle primordial de son capitaine tchèque, même s’il formule ses compliments avec son regard et son analyse de technicien :

« (Rires) Vous voulez me faire dire quelque chose que je n’ai jamais dit… Pour moi, tous les joueurs sont de la même importance. Ce n’est pas toujours celui qui marque le plus de points qui est le plus important. Mais pour répondre à votre question : oui, David joue un rôle important, même s’il n’est pas le seul. Aujourd’hui, il a fait un très bon match. Mais il y a trois jours de cela, il n’a pas été aussi bon et nous avons quand même gagné. C’est le système qui veut ça. Je ne crois pas qu’un seul joueur puisse faire une équipe. Cela n’empêche pas que David Konečný est David Konečný. C’est un vrai bon joueur. Je ne dirais pas grand, parce qu’il n’est pas très grand par la taille, mais c’est un joueur qui possède une très bonne technique. Il a cette faculté de trouver le bon angle d’attaque, que ce soit en diagonale ou en ligne. Or, il n’y pas beaucoup de joueurs qui savent le faire avec cette force. Je pense que c’est là son point fort. Lui estime qu’il n’est pas suffisamment bon au bloc (le contre), mais depuis j’ai été nommé entraîneur de Tours, c’est David qui est un des meilleurs dans ce compartiment du jeu. Pour le reste, il est évident que le pointu (attaquant) joue un rôle très important dans une équipe. »

-Depuis huit ans que Konečný est à Tours, le club a accumulé les titres. Vous, vous arrivez dans une position différente après un début de saison très moyen. Dans quelle mesure comptez-vous sur l’expérience de Konečný pour relancer l’équipe ?

David Konečný,  photo: ČT sport
« A mon arrivée, une des premières choses que j’ai faites a été de le confirmer dans son rôle de capitaine. Le leader, c’est lui. Moi, en tant qu’entraîneur, je peux seulement donner des idées. Je suis là pour inspirer les joueurs, mais ce sont eux qui les réalisent sur le terrain. Et c’est là que le rôle de David est important. Il connaît tout du club, c’est lui le plus ancien. A mes yeux, son rôle est primordial aussi en dehors du terrain. Je suis un entraîneur qui laisse une certaine liberté aux joueurs, par exemple pour arranger les entraînements. C’est la responsabilité de David, et il le fait très bien. »

« Je vous dis ça un peu pour rigoler, mais c’est un joueur tchèque. Vous savez, je connais et j’ai connu beaucoup de joueurs tchèques, et tous ont pour point commun d’être calmes. Moi, je ne suis pas un vrai Belge, car je parle toujours. Mais la très grande majorité des joueurs tchèques avec lesquels j’ai joué ou que j’ai entraînés avaient cette particularité qu’il était toujours très facile de travailler avec eux. Ils font toujours ce que tu leur demandes et je trouve même qu’ils sont parfois trop calmes. Je ne sais pas si c’est une qualité qu’ont tous les Tchèques… Vous, vous n’êtes pas Tchèque, n’est-ce pas ? Peut-être sont-ils différents après quelques bières ? Je ne sais pas, je ne veux pas que mes joueurs boivent de bière. »

-Un entraîneur belge qui empêche ses joueurs tchèques de boire de la bière ?

David Konečný,  photo: ČT sport
« Non, parfois, boire une bière est intéressant. Je raconte toujours cette anecdote : lorsque j’ai commencé joué avec Jiří Popelka en Belgique, il commandait deux bières à la fois parce que, en Belgique, on boit des bières que de 25 cl. Tout le monde était étonné, mais pour un Tchèque, c’est complétement normal. Ils doivent boire un demi-litre au petit-déjeuner… Les Tchèques ont la réputation de boire beaucoup, ce qui n’est pas vrai, mais parfois ils ont besoin de boire une bière. Tout le monde a sa propre culture, son identité. Donc, non, boire une bière n’est pas un problème pour moi, mais il ne faut pas que ce soit tous les jours. Bon, aujourd’hui, nous avons gagné (le reportage a été réalisé le 16 janvier dernier à l’occasion de la 13e journée de la Ligue A, le championnat de France de volley, lorsque Tours accueillait Beauvais, ndlr), donc ils doivent boire une bière. »

-Ce soir, il y a deux joueurs tchèques dans chaque équipe. Comment expliquez-vous cet intérêt des clubs français ?

« Ce n’est pas très difficile à expliquer. Il y a quelques entraîneurs tchèques et slovaques qui ont commencé à travailler en France et ils ont sollicité des joueurs de leur pays. Et comme je l’ai dit, c’est facile de travailler avec les Tchèques. Ce sont des joueurs auxquels tu peux faire confiance. Economiquement, le niveau du championnat tchèque n’est pas celui du championnat français non plus… Et puis la vie en France est plutôt agréable. Je crois que ça joue au rôle aussi. »

-Un mot sur Adam Bartoš, qui effectue sa deuxième saison à Tours, mais qui n’a pas beaucoup joué ce soir. Quelles sont ses perspectives, selon vous ?

Adam Bartoš,  photo: Site officiel de Tours Volley-Ball
« Il a le même problème que tous les Tchèques : il est trop calme. Mais il a beaucoup de capacités et il travaille très dur. Je suis vraiment content de lui. C’est même lui qui travaille le mieux dans l’équipe. C’est agréable de travailler avec lui. S’il continue comme ça, à s’entraîner de la sorte, il jouera. Mais il faut du temps, il faut être patient. En volley, tout ne va pas si vite. Mais Adam sera un bon joueur. »

-Ce sera le nouveau Konečný à Tours ?

« Bah, non, déjà parce qu’ils ne jouent pas au même poste. Adam est réceptionneur. Mais je pense qu’il a ce qu’il faut pour que lui aussi reste au moins sept ans à Tours. »

Si tel est le cas, l’histoire d’amour entre Tours et ses volleyeurs tchèques n’en est donc pas encore à son dernier épisode. Et ce d’autant moins que David Konečný lui-même se sent toujours parfaitement heureux dans la capitale du volley en France ces dernières années et dans une région, le Val de Loire, où le vin est si bon… (cf. l’entretien que David Konečný a accordé à Radio Prague : http://www.radio.cz/fr/rubrique/sport/david-konecny-le-meilleur-sportif-tcheque-en-france).