Peu de fêtes ont subi autant de péripéties que le 28 octobre, date de la création de l’Etat tchécoslovaque indépendant dont nous fêtons ce mercredi le 91e anniversaire. Cette fête a été interdite de célébration par les nazis, puis par les communistes qui l’ont rebaptisé Journée de nationalisation en signe de contestation du caractère démocratique de la première République de Tomáš Garrigue Masaryk. Un 28 octobre qui restera dans l’histoire est celui de 1988 : en dépit des interdictions, une commémoration massive est alors organisée dans le centre de Prague, devenant un des préludes à la chute du régime communiste, dont 20 ans se seront écoulés, le 17 novembre prochain.
Le 28 octobre 1988, photo: CTK
Le 28 octobre 1988, fin d’après-midi, place Venceslas : quelques 5000
personnes selon Radio Europe libre, et 2000 selon les médias officiels,
sont réunies, formant un rassemblement non autorisé célébrant le 70e
anniversaire de la création de l’Etat tchécoslovaque indépendant par
Tomáš Garrigue Masaryk. En 1975, le 28 octobre est rayé des calendriers
comme jour férié. Seulement un an avant sa fin, en 1988,au moment où
elle est confrontée à des pressions intérieures et
extérieures croissantes, la direction communiste recréé le 28 octobre
comme Jour de l’indépendance de la Tchécoslovaquie.
Le 28 octobre 1988, photo: CTK
Rassemblés près de la statue Saint Venceslas, les participants à la
célébration scandent alors des slogans comme « Masaryk », « liberté, » et chantent l’hymne national. Leur action, durement réprimée par la
police, devient une des premières manifestations qui précipiteront la
chute
du régime, 13 mois plus tard… Une centaine de personnes sont
arrêtées,
le 28 octobre 1988 à Prague. Epilogue de l’intervention policière : la
condamnation, deux ans plus tard, du numéro un du comité pragois du PCT
Miroslav Štěpán, pour avoir donné l’ordre d’employer des canons à
eau et des grenades lacrymogènes pour disperser les participants au
rassemblement.
Le 28 octobre 1988, photo: CTK
Les archives sonores de la Télévision tchèque conservent
l’enregistrement de ce 28 octobre, il y a 21 ans à Prague. Il montre la
façon dont les médias informaient ou plutôt désinformaient l’opinion
publique. L’indicatif du journal et la voix de l’animateur sont
typiques des années 1980 :
« Un jour férié donne toujours l’occasion de faire une promenade tranquille, de visiter le théâtre, l’exposition, ou tout simplement de sa balader dans les rues…Voilà l’image de la ville que nos caméra ont capté cet après-midi sur la place Venceslas. Or, le déroulement solennel de ce jour férié a été perturbé en fin d’après-midi par quelques 2000 personnes. »
Le 28 octobre 1988, photo: CTK
« Parmi elles, il y avait des éléments criminels. Les
organisateurs de
la manifestation ont également abusé de la jeunesse présente. Puisque
les appels à stopper cette action non autorisée n’ont pas été pas
respectés, les organes de la Sécurité publique ont procédé à sa
liquidation radicale. L’action des ennemis internes du socialisme et des
éléments déclassés a été longuement préparée à l’avance, avec
le
soutien des centres antisocialistes et de ceux de l’émigration à
l’étranger, et elle a été propagée par des radios occidentales dont
Voix d’Amérique et Europe libre. »
Le petit-déjeuner au Palais Buquoy le 9 décembre 1988
Dans le courant de l’année 1988, des événements jusqu’alors
impensables se produisent dans une Tchécoslovaquie enfermée et isolée
du
reste du monde : Le 25 mars, à Bratislava, une marche dite des bougies
pour les libertés religieuses et civiques. Le 10 décembre, un
rassemblement, le premier officiellement autorisé par le régime, a lieu
à l’occasion du 40e
anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme. Le régime
autorise sa tenue hors du centre-ville, sur la place Škroup, dans le
quartier de Žižkov. La veille, le président de la République
française, François Mitterrand, invitait pour un petit-déjeuner
historique une dizaine de dissidents tchécoslovaques dont Václav Havel
au palais Buquoy, siège de l’ambassade de France à Prague.
La semaine dite de Palach
Vont suivre, dans l’ordre chronologique, la semaine dite de Palach, du
15 au 20 janvier 1989, qualifiée de la plus importante crise du régime
normalisateur. Pour la première fois, la police recourt à la méthode de « déportation » de détenus loin derrière les frontières de la
capitale. En juin 1989, le manifeste « Quelques phrases » est signé par
plus de 30 000 personnes. Le 28 octobre 1989, des canons à eux et des
grenades lacrymogènes sont à nouveau déployés dans le centre de Prague
contre près de 3000 manifestants dont environ un dixième seront
arrêtés, y compris une vingtaine de ressortissants étrangers.
Novembre 1989
La fête de la création de la Tchécoslovaquie, le 28 octobre, est à
l’origine de la commémoration organisée le 17 novembre 1989 à
Albertov, en hommage à Jan Opletal, étudiant en médecine mortellement
blessé par les nazis lors d’une commémoration du 28 octobre en 1939,
justement. Leur action exprimant le mécontentement avec le régime est
brutalement réprimée par les policiers et marquera la fin du communisme
en Tchécoslovaquie.
Le 28 octobre 1918, photo: CTK
Nous l’avons dit au début, la fête du 28 octobre a subi de maintes
péripéties reflétant l’évolution politique du pays dès sa
naissance,
en 1918. Ainsi, depuis 1994, le 28 octobre fête la création d’un Etat
qui n’existe plus depuis le divorce à l’amiable des Tchèques et des
Slovaques, en 1993. La République tchèque a gardé cette date comme
fête
nationale, en mémoire et par respect vis-à-vis du fondateur de la
première République tchécoslovaque libre et démocratique, Tomáš
Garrigue Masaryk. Les archives radiophoniques nous permettent d’écouter
sa voix, lorsqu’il parle de la démocratie en tant que principe
fondamental :
« La démocratie n’est pas qu’une forme de l’Etat, elle est aussi une méthode pour l’ensemble de la vie publique et privée. C’est une conception de vie. Le principe de la démocratie, c’est l’entente des hommes, l’amour, l’humanité. Pour qu’elle soit menée avec succès, la politique intérieure et extérieure suppose un consentement des citoyens sur les opinions essentielles, sur les orientations principales des actes politiques. L’Etat, ce n’est pas qu’un mécanisme. La politique n’est pas qu’une technique d’administration et de diplomatie habile. L’Etat est une union de citoyens sur les bases intellectuelles, rationnelles et morales. L’Etat a un sens plus profond que cela puisse paraître, à l’extérieur, dans le mélange de ses différentes activités politiques. L’Etat a un sens spirituel, un sens moral. »
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