Rétention des enfants migrants : à Prague, la nécessité de trouver une alternative a été débattue

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« Les enfants réfugiés et migrants devraient être traités avant tout comme des enfants », peut-on lire dans le Plan d’action sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe pour la période 2017-2019 publiée par le Conseil de l’Europe. Plusieurs millions de ces enfants, non accompagnés ou séparés de leurs familles, vivent actuellement en Europe dans des centres de rétention. Quelles stratégies peuvent-elles donc être mises en œuvre pour parvenir à mettre un terme à cette pratique de rétention ? Tel était le thème d’une conférence qui s’est tenue à Prague ces lundi et mardi et qui a réuni des experts venus de différents pays et horizons. Parmi eux Tomáš Boček, représentant spécial du Secrétariat général du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés. Il a répondu à quelques questions de Radio Prague :

Tomáš Boček,  photo: Sandro Weltin / Council of Europe
« Sur la base de mes visites d’information un peu partout en Europe, je peux vous assurer que les enfants migrants sont retenus dans presque chacun des quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe. Bien sûr on peut toujours se poser la question de la définition de la ‘rétention d’enfants’, mais, pour moi, quand des enfants sont limités dans leur liberté de mouvement, dans les hotspots par exemple, il s’agit d’une rétention. C’est un problème réel et il faut mettre fin à cette rétention. D’une part parce que c’est inhumain de retenir des enfants qui sont innocents, et d’autre part plus pragmatiquement parce que cette rétention a des effets négatifs sur l’état physique et mental des enfants et peut avoir des conséquences sur le long terme qui rejailliront ensuite sur la société. »

Avez-vous une idée du nombre d’enfants qui sont actuellement dans cette situation en Europe ?

« Obtenir des statistiques est très compliqué. C’est d’ailleurs un des buts de la conférence : sensibiliser l’opinion et les Etats aux besoins de transparence dans ce domaine, inciter les Etats à communiquer beaucoup plus de statistiques sur les enfants retenus… Je ne peux donc pas vous donner de chiffres exacts, mais la tendance en Europe est à l’augmentation du nombre d’enfants retenus. »

Quels sont les pays les plus concernés ?

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« J’en ai vu partout, que ce soit en Italie, en Grèce ou en Turquie bien sûr. Mais la pratique de la rétention des enfants, avant leur renvoi auprès de leurs familles, est plus généralement quelque chose de très courant dans presque tous les pays. »

Quelles sont les mesures préconisées pour améliorer la situation ?

« Plutôt que de retenir les enfants, nous essayons d’identifier les alternatives à leur rétention. Mais il faut aussi considérer la question d’un point de vue plus global, plus large : parce qu’il ne suffit pas d’avoir de bonnes alternatives à la rétention si nous n’avons pas de mécanisme de regroupement familial qui fonctionne. Ce que veulent ces enfants, c’est justement rejoindre leurs familles. Trouver des alternatives ne réglera donc pas les choses. Il faut que le regroupement familial fonctionne, tout comme le système de tuteurs pour les enfants migrants non accompagnés. Il faut que les enfants puissent recevoir des informations sur les procédures de regroupement, sur leurs droits, sur l’impact de leurs décisions vis-à-vis de ces procédures… C’est un ensemble de choses qu’il faut travailler et améliorer et qui font partie du plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants réfugiés et migrants. Nous avons mis en place différentes actions concrètes pour améliorer la situation de ces enfants. »

Si on résume grossièrement, quelle est la volonté qui prédomine en Europe ? Intégrer les enfants ou les retenir pour qu’ils puissent ensuite regagner leur pays ?

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« C’est difficile à généraliser, mais disons que les réfugiés, ceux qui ont le droit d’asile, doivent être intégrés le plus tôt possible, car eux resteront en Europe. Il faut prendre toutes les mesures possibles pour faciliter leur intégration : s’ils s’intègrent mal, cela aura un impact négatif sur toute la société. On assiste en Europe à une tendance à fermer les frontières et à renvoyer les enfants déjà présents en Europe dans leurs pays. Je dirais que les enfants qui ne bénéficient pas du droit d’asile peuvent être renvoyés légalement dans leurs pays, et ce bien sûr dans le respect du droit international. Et dignement. »

Cette conférence se tient en République tchèque, alors que cette dernière assure actuellement la présidence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. S’agit-il donc d’une priorité pour le gouvernement tchèque et quelle est sa position sur ce sujet ?

« Cette conférence a été ouverte par le ministre de la Justice, le ministère étant co-organisateur de l’évènement, et son discours stipulait que la question des enfants migrants et de leur rétention était une priorité pour lui. »

Lorsque l’on travaille comme vous comme représentant d’un pays dont la position sur l’accueil des migrants est parfois mal perçue dans les pays d’Europe de l’Ouest, est-il parfois difficile d’expliquer la position du gouvernement ?

Photo: Robert Cotič / CC BY 3.0
« Je pense qu’il faut distinguer deux choses. Premièrement, la question sur laquelle la Tchéquie est mal perçue à l’étranger est celle des quotas de répartition. Or, les quotas concernent l’Union européenne, pas le Conseil de l’Europe. Ceci dit, même si nous ne traitons pas de cette question, nous essayons toujours de promouvoir la solidarité, car sans cela nous ne pourrons pas résoudre la question migratoire. L’autre point important est le fait que le gouvernement tchèque essaye d’aider par d’autres moyens que la politique des quotas : l’assistance technique, les moyens financiers… Le seul point de désaccord, c’est donc d’avoir un quota imposé. La République tchèque contribue donc à la résolution de la question migratoire. Personnellement, je suis un diplomate tchèque auprès du Conseil de l’Europe, et je traite la question des droits de l’homme et des migrants, et en tant que tel je ne pense pas qu’il y ait un manque de volonté et de solidarité de la part de notre gouvernement. Peut-être que le problème vient davantage de la façon dont la position tchèque est présentée au sein de l’Union européenne. »