Les bâtiments qui ont changé l'apparence de Prague

La maison dansante

Pendant des années et des années, sous le régime communiste, Prague n'avait pas tellement changé. On a vu apparaître, certes, quelques nouveaux bâtiments, mais leur influence sur le visage de la ville aux cents tours n'avait pas été très importante. Depuis la chute du communisme et la naissance de la République tchèque, le centre de la capitale surtout, a vécu la construction de nouveaux ensembles. Certains ont plu, d'autres moins.

Les bâtiments qui ont suscité des controverses, lors de leur construction, dans la capitale tchèque, sont pourtant déjà apparus aux temps du communisme. Il s'agissait du Palais de la culture, qui servait plutôt aux grandes manifestations, aux congrès du parti communiste. On lui reprochait de ressembler à un blockaus, de détériorer le panorama de Prague, vers le Sud. Un autre bâtiment, beaucoup plus critiqué, se dresse en haut de la place Venceslas. C'est l'ancien siège du Parlement tchécoslovaque. Il est vrai, qu'au milieu de constructions du début du siècle, il ne plaît pas. Aujourd'hui, c'est le siège de Radio Europe Libre / Radio Liberty. Les Pragois s'y sont habitués, mais ils aimeraient mieux qu'il disparraisse. Cela semble peu probable, même si la station de radio, pour des raisons de sécurité, quittait le centre de Prague.

Après 1989, le bâtiment, qui a lancé les plus grandes polémiques, est certainement celui qui s'appelle La maison dansante. Ce bâtiment se dresse sur la rive droite de la Vltava, la rivière qui traverse Prague. Il a été construit entre 1993 et 1996. C'est vraiment un symbole de la nouvelle architecture, réalisé sur la fin du vingtième siècle, mais annonçant déjà le 21ème siècle. A part son nom de Maison dansante, on le nomme aussi Ginger et Fred. En effet, il s'agit de deux tours qui ressemblent à un couple dansant, enlacé. Au début, il faut dire que cette construction avait beaucoup plus d'adversaires que de partisans. Avec le temps, les Pragois et les visiteurs de la capitale s'y sont habitués. De nos jours, cette construction est devenue l'une des attractions de Prague, mais elle provoque toujours, bien qu'on ne la refuse plus. Bien au contraire, la Maison dansante est devenue une sorte d'accélérateur des discussions sur le thème de l'architecture moderne, à Prague.

Les architectes contemporains sont aussi unanimes pour affirmer que le centre commercial, qui se nomme Novy Smichov et Andel, est un exemple de la réussite de la transformation d'un ancien centre industriel, situé à la périphérie à son époque, en un centre commercial et culturel vivant au rythme du 21ème siècle. A l'emplacement d'une des stations du métro pragois les plus mal famées, se dresse un imposant ensemble de verre et d'aluminium, les environs ont perdu, heureusement, leur caractère des environs d'une usine, la faune hétéroclite et inquiétante qui évoluait dans les environs de ce grand carrefour a disparu... Au profit, d'ailleurs, du centre commercial de la société Carrefour, le premier investissement de cette société française dans la capitale tchèque.

Alors que la transformation du quartier de Smichov, dont nous venons de parler, a suscité plutôt l'approbation générale, il n'en fut pas de même avec l'aménagement d'un des dernier terrains libres, dans le centre de Prague, sur l'avenue Na Prikope. Au beau milieu d'ensemble de bâtiments surtout art nouveau, éventuellement de palais baroques, on a vu pousser la galerie commerciale du Passage Myslbek. Bien qu'elle porte le nom d'un grand sculpteur tchèque, elle n'a rien à voir avec lui, et les critiques ont fusé de toute part. Il est vrai qu'une sorte d'aquarium de couleur verdâtre au milieu d'une urbanisation ancienne fait une drôle d'impression. On peut aussi se demander qui va faire ses achats dans les boutiques de luxe qui se trouvent à l'intérieur.

Passage Myslbek
Les Pragois les plus radicaux crient au sacrilège : Pourquoi ne pas avoir laissé un espace vert, sur une avenue piétonne où il faisait bon se promener depuis toujours ? Ondrej Nef, journaliste, écrivain, critiquant bien des choses que le 21ème siècle et la démocratie ont apporté à la Tchéquie, après la chute du communime, défend pourtant le Passage Myslbek : c'est un nouveau centre pour les Pragois et les visiteurs. Pendant lontemps, il n' y avait qu'une clôture en tôle ondulée, à cet endroit. Aujourd'hui, le passage est une traversée dans le temps. Du présent, il nous mène au passé, car d'un côté il est ouvert sur le quartier des affaires avec un grand nombre de banques sur l'avenue Na Prikope, de l'autre, il débouche sur une place bordée de bâtiments historiques, le vieil ensemble de l'Université Charles, le Théâtre des états, le Palais de justice...

En continuant notre brève excursion à travers Prague, à la recherche des constructions nouvelles qui ont transformé son image de temple du baroque ou de l'art nouveau, on découvre encore pas mal de réalisations architechtoniques insolites. Il suffit de monter l'avenue Vinohradska, celle où siège la Radio tchèque. En arrivant en haut de la côte de cette avenue, qui monte depuis le Musée national, on se retrouve devant une sorte de pièce montée, un gâteau rose et blanc. Ce n'est pas un gâteau de mariage, mais l'hôtel Don Giovanni. Il fait un peu guimauve, on l'a qualifié de tous les noms. Force est de constater, pourtant, que dans le paysage gris vert des bâtiments environnants, du plus grand cimetière d'Olsany, tout proche, il apporte une petite note de gaité.

On ne peut dire la même chose, et les spécialistes sont d'accords, en principe, du nouvel ensemble de bureaux et de la galereie commerciale qui se trouve à l'un des angles de la place Charles, dans le deuxième arrondissement. Le double quadrilatère de verre et aluminium du Charles Square Centrum n'a pas embelli la place. Il la domine de ses hauteurs, mais cela à son désaventage, justement. Un bâtiment du même genre, en bas de la place Venceslas, donc l'un des centres historiques de Prague, présente une bien meilleure figure. Pourquoi ? Les deux ensembles sont assez semblables, mais le Palais Euro de la Place Venceslas, se fait plus petit, au milieu des styles divers de la place, il ne gène pas tellement, à côté des bâtiments qui se trouvent sur le même côté : le magasin du grand chausseur mondial Bata, par exemple, construit au siècle dernier, mais pour le profane : c'est aussi du verre, de l'acier, de l'aluminium, du béton...

Dernier-né, dans l'architecture nouvelle pragoise : le Palais Flora, dans le quartier de Vinohrady (pour ceux qui ne le savent pas, cela veut dire « vignobles », car c'est ici que l'empereur Charles IV avait fait planter les premiers « bourgognes » en Bohême). C'est un bel ensemble, dans le style du 21ème siècle. Il enrichit l'image de ce quartier presque périphérique. Personne n'était contre, sauf le fait que le Palais Flora se trouve à deux pas des cimetières d'Olsany, les plus importants de Prague. D'un autre côté, peut-être apportera-t-il un peu de vie à ce quartier des morts...