La notoriété de ses armes

T-72

Alain Slivinsky, qui vous présente cette chronique, a choisi de vous parler d'un sujet un peu tabou, normalement. Les armes, l'armement, la vente, le trafic de l'armement. Pourquoi ? Parce que les armes et l'armement tchèque, disons plutôt la production en matière d'armement de l'ancienne Tchécoslovaquie, jouit d'une grande notoriété dans le monde.

Représentez-vous un petit pays au centre de l'Europe : la Tchécoslovaquie. Elle faisait partie de ce qu'on appelait le bloc socialiste, ou communiste, comme vous voudrez. La Tchécoslovaquie d'avant-guerre, un pays industriel, avec une très forte industrie de l'armement. Cela n'a pas échappé aux Soviétiques, après la prise du pouvoir par les communistes tchécoslovaques, en février 1948. Il y avait le rideau de fer, le blocus de l'information entre les deux blocs, politique et militaire. D'un côté le capitalisme, de l'autre ce qu'on appelait le socialisme. La Tchécoslovaquie est restée l'un des maillons forts de la fabrication des armements pour les pays qui étaient membres du feu pacte de Varsovie. Les pistolets de marque CZ étaient bien connus, aussi bien que les Beretta ou autres. L'ancienne Tchécoslovaquie fabriquait une bonne partie des pièces des tanks soviétiques de la série T... dernier en date le T-72. La plus grande partie de la production, à part les armes de poing, fabriquées principalement par l'usine de Brno, en Moravie, était produite en Slovaquie, la partie orientale de la Tchécoslovaquie. Une Slovaquie qui compte dans les cinq millions d'habitants, mais où plus de 250 000 personnes étaient employées dans l'industrie de l'armement ! Des chiffres qui sont apparus, après la Révolution de velours, en 1989, après l'arrêt de la production de l'armement, après la partition de la Tchécoslovaquie, en 1993...

La Tchécoslovaquie n'est plus... Les armes tchécoslovaques, elles, continuent à être vendues, dans le monde, et surtout, dans les régions les plus chaudes du monde. Comment cela est-il possible ? Le quotidien national, Lidove noviny, a publié, récemment, un supplément consacré à la vente des armes. Un titre un peu exagéré, peut-être : L'Intérieur ne sait pas où il vend des armes. Exagéré, mais considérons le système présenté de la vente de l'armement tchèque, aujourd'hui. Deux sources : les fabricants d'armes et les entrepôts de l'armée, de la police et d'autres forces de sécurité. Les deux sources vendent à un exportateur. En effet, les armes tchèques, sauf les armes de chasse ne se vendent pas en Tchéquie. Il ne s'agit que de l'exportation. Il faut donc un exportateur, qui a besoin d'une licence d'exportation d'armes. Elle lui est fournie par l'administration des licences du ministère de l'Industrie et du commerce. Le contrôle de l'exportation revient à l'administration des douanes. Le client devrait être stipulé sur la licence d'exportation. Le problème est que le client réel n'est pas toujours celui qui est inscrit sur la licence...

Le problème... Ce n'est pas tellement celui des armes que fabriquent, aujourd'hui, les usines d'armement tchèques. Il s'agit surtout des armes de poing, dont les fameux pistolets 9 mm de type CZ. Le problème, ce sont les armes dont se débarassent l'armée, les forces de police. Ce sont aussi bien des pistolets, des pistolets-mitrailleurs, des mitraillettes, que des lance-roquettes ou même des tanks ou avions de combat ! Le plus souvent, les ventes sont effectuées par le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur. Par exemple, les forces de police sont dotées de nouveaux pistolets, les CZ qu'elles utilisent étant obsolètes. Le ministère trouve une société qui possède la licence pour l'exportation des armes, conclut un contrat de vente et le reste ne l'intéresse pas. D'ailleurs, ce n'est pas de son ressort. Cela devrait être de celui du service des douanes. Ce dernier, pourtant, ne possède pas de mécannisme de contrôle pour savoir si les armes exportées sont bien celles qui le peuvent, si le client réel est bien celui qui est stipulé dans la licence d'exportation.

Le trafic des armes est vieux comme le monde... pardon, le monde de l'existence des armes. Les traficants trouvent, toujours, un moyen pour échapper aux contrôles, pour violer les lois, pour vendre dans des pays classés dangereux. Les contrôles se sont fait plus sévères, après les attentats du 11 septembre contre les Etats-Unis. Les exportations du surplus de l'armée et de la police avaient même été arrêtées... Elles ont repris. En effet, le ministère de l'Intérieur modernise ses forces, il a besoin de vendre des armements obsolètes pour une valeur d'environ trente millions d'euros. Il compte bien en encaisser la moitié.

Nous parlons de l'exportation des armes. Quelles sont donc les armes que la Tchéquie exporte à l'étranger ?

Les chiffres officiels sont les suivants, en ce qui concerne les armes de poing et les armes dites légères :

En l'an 2000, la Tchéquie a exporté, officiellement, 1763 mitrailleuses lourdes, en Slovaquie, en Suisse, au Zimbabwe. 77 mitrailletes et pistolets ont pris le chemin des Etats-Unis, de la Finlande et du Koweït. Plus de 5000 fusils automatiques ont été exportés dans divers pays, principalement les Etats-Unis. Plus de 1000 lance-roquettes sont allés au Zimbabwe. En 2001, selon les données disponibles, le plus grand normbre d'armes, dans les 4500 fusils automatiques ont été exportés au Guatémala et en République dominicaine. Dans ces données ne sont pas comptées les armées de chasse ou de sport dont la Tchéquie est un gros fabricant et un gros exportateur aussi. La Tchéquie est aussi un gros producteur de munition, la marque Sellier Bellot est connue dans le monde entier.

Il existe plus d'une centaine de sociétés tchèques qui possèdent une licence pour l'exportation de l'armement. Parmi elles, la plus importante et la plus ancienne est la société Omnipol. Selon son directeur, Michal Hon, les exportations des armées tchèques à l'étranger sont en baisse constante. La raison ? Le changement du climat politique et le fait que certains marchés abandonnés par les Tchèques aient été repris par des pays occidentaux. Il s'agit, surtout des pays de l'Afrique du nord, de certains pays d'Asie. Un exemple typique, l'Egypte, où Omnipol exportait beaucoup. Aujourd'hui, il y a été remplacé par des sociétés américaines. Une autre raison : le retard technologique dans la fabrication des armes tchèques ? Pourquoi ? Principalement pour des raisons financières. Selon le directeur d'Omnipol, les statistiques indiquant que les plus gros clients des usines d'armement tchèques seraient les Etats-Unis, ne répondent pas à la réalité. Il ne s'agit, en effet, que des armes de chasse. Les plus gros clients sont l'Inde, l'Algérie, les pays de l'Asie du sud-est, qui achètent de la technique militaire. En fin de compte, Omnipol, comme beaucoup d'exportateurs, pense que l'avenir du commerce de l'armement réside dans les nouvelles technologies.