La communauté vietnamienne en République tchèque

Mimi Nguyen

Ressortissants d'un ancien pays « ami », les Vietnamiens furent accueillis en grand nombre en Tchécoslovaquie. Aujourd'hui, la communauté vietnamienne reste l'une des plus importantes communautés étrangères sur le territoire tchèque. Même si ces chiffres sont vraisembablement en dessous de la réalité, entre 30 000 et 40 000 Vietnamiens se sont officiellement installés en Bohême, Moravie et Silésie. Pour beaucoup de Tchèques, l'image du Vietnamien typique est celle d'un commerçant travaillant sans relâche sur les marchés, aux frontières et dans les villes.

Les stands remplis de produits à bas prix, apparus au début des années 90, attirent toujours autant de monde, même si les saisies effectuées par la police, dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon, sont de plus en plus fréquentes. Pourtant, les contacts entre Tchèques et Vietnamiens restent limités. La communauté vietnamienne a tendance à vivre refermée sur elle-même, peu encouragée qu'elle est à s'ouvrir par une population souvent méfiante à l'égard des étrangers.

Mimi Nguyen est une jeune étudiante vietnamienne de 26 ans qui vit à Prague :

« Je n'ai pas de problèmes à Prague, mais la minorité vietnamienne ici est souvent regroupée aux frontières avec l'Allemagne et l'Autriche, sur les marchés, là où le commerce marche bien, et les Vietnamiens n'essaient pas de s'intégrer culturellement. »

En grande majorité, les Vietnamiens ne s'installent en République tchèque que provisoirement. Il est plutôt rare, en effet, de trouver des personnes âgées dans cette communauté. Le vice-président de l'Association des Vietnamiens en Tchéquie, Monsieur Bang, explique :

« Il y a environ 30 000 Vietnamiens ici, qui viennent du Nord et du Sud du pays. Cela signifie que nos ressortissants ici représentent toutes les provinces du Vietnam. C'est vrai que la majorité d'entre eux ne sont ici que provisoirement, même si certains s'installent dans le pays pour y vivre sur une longue période. »

Thuy Phen vit à Prague depuis plus de six ans. Elle est allée à l'école ici et possède maintenant un magasin dans la quatrième arrondissement avec son mari. Quand on lui pose une question sur ses rapports avec les Tchèques, la réponse est hésitante :

« Euh, bon...(rires) C'est une question difficile... A l'école, je n'ai jamais eu de problèmes de racisme. Je le vis plutôt bien...Les gens se comportent bien en général avec moi. Mais, parfois, j'entends des remarques blessantes à caractère raciste, alors en général je leur réponds en tchèque et ils me laissent tranquille. »

Mimi Nguyen a, elle, un parcours différent de celui de la majorité de ses concitoyens en République tchèque :

« Mes deux grand-pères faisaient partie de la première élite intellectuelle formée dans les établissements français au Vietnam. Ils ont participé aux deux guerres, contre la France et contre les Etats-Unis. »

Ce sont eux qui vous ont appris le français ?

« Oui. J'ai vécu au Vietnam jusqu'à la fin de mes études secondaires. Après le bac, je suis venue en République tchèque pour rejoindre ma mère, il y a dix ans. »

Pourquoi votre mère était-elle venue à Prague ?

« En 1982, elle a obtenu une bourse pour suivre sa formation à l'Académie des beaux-arts à Prague. Elle est restée, et je l'ai rejointe... »

Est-ce que vous sentez un changement dans l'attitude des Tchèques envers les Vietnamiens ?

« Les Tchèques ne font pas beaucoup d'efforts pour connaître la culture vietnamienne, et les Vietnamiens installés ici ne font pas beaucoup d'efforts non plus. Peut-être parce que la majorité d'entre eux viennent de la campagne et n'ont pas beaucoup d'éducation. »

Tous ces Vietnamiens qui viennent travailler dans le commerce repartent au pays au bout d'un certain temps ?

« Les Vietnamiens qui sont venus ici avant 1989 n'envisagent généralement pas de finir leurs jours ici. Mais la génération montante de jeunes, comme moi, espère faire leur vie en République tchèque. Les petits qui sont nés ici s'intégreront probablement tout à fait dans la société tchèque... J'espère...Je crois (rires)... »

Depuis peu, quelques initiatives ont été lancées pour améliorer les rapports entre locaux et immigrants du pays d'Ho Chi Minh. Le Club Hanoi est un club monté par quelques étudiants tchèques interessés par le Vietnam qui ont créé un site Internet. Leur site (www.klubhanoi.cz) a eu tellement de succès qu'ils ont décidé de monter une association. Eva Pechova en est la présidente :

« Je sens un changement d'attitude, surtout du côté vietnamien. J'ai l'impression qu'ils commencent à prendre conscience qu'ils vont vraiment devoir s'ouvrir, parce que la situation n'est pas tenable. Il y a un nouvel élan. Je pense que l'attitude des Tchèques envers les Vietnamiens est toujours la même. Ils les voient comme des gens qui sont venus ici faire de l'argent et apporter de la main-d'oeuvre sans faire de complications. Les Vietnamiens jusque là totalement fermés commencent seulement maintenant à s'ouvrir, car ils sentent qu'ils le doivent. Pour que l'intégration fonctionne, il faut cependant que les deux parties y mettent du leur. Il faudrait aussi par exemple que les médias présentent les Vietnamiens sous un jour différent. »

Présenter les Vietnamiens sous un jour différent, c'est ce que tente de faire la télévision publique tchèque. Cette semaine, les téléspectateurs ont pu voir le premier épisode d'un feuilleton, « Josef a Ly », sur les amours de deux bambins à l'école. Rien de très nouveau, sauf que le petit garçon est Tchèque, et la petite fille Vietnamienne.