Entre info et intox, les « Malostranské noviny », nouveau journal de Malá Strana

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Dans une vingtaine d’enseignes bien connues du quartier de Mala Strana est distribué depuis quelques mois un nouveau journal, Malostranské noviny. Ce sont les « nouvelles de Malá Strana », qui paraissent chaque mois et racontent, entre info et intox, la vie de ce quartier et de ses habitants. Ondřej Höppner est le rédacteur en chef de ce nouveau journal.

Le dixième numéro des Malostranské noviny vient de sortir. Ce mois de juin, il a fait sa couverture sur le plus vieil habitant du quartier de Malá Strana, M. Houška, 96 ans, qui a dansé pour la première fois avec l’accordéoniste Emilie Puldová. En première page se trouve aussi le concours de la meilleure serveuse du quartier ou encore l’annonce d’une nouvelle rubrique qui s’intéressera aux personnes emblématiques du quartier. Un encadré annonce par ailleurs un article sur les projets de rénovation du parc de Kampa. Le ton est donné. Les Malostranské noviny sont drôles, loufoques, mais elles ont tout de même des choses sérieuses à dire. Et dans le quartier, en dix mois, elles sont devenues un vrai phénomène. Ondřej Höppner en est le rédacteur en chef. Il raconte le début le l’aventure.

Ondřej Höppner,  photo: CTK
« Ça a commencé simplement quand j’ai voulu passer mon permis de conduire. J’ai rencontré un toubib que je ne connaissais pas avant et ce dernier m’a incité à faire un journal pour Malá Strana. Il savait que j’avais déjà dirigé plusieurs journaux nationaux, et comme il est de ce quartier, il m’a donné cette idée. J’y ai pensé puis je me suis lancé. Donc j’ai fait ces Malostranské noviny, qui est une publication hyper-régionale. »

Ondřej Höppner a en effet une longue carrière de journaliste derrière lui. Il a travaillé pour de nombreux journaux, d’un genre particulier dans le monde de la presse, celui de la « presse de boulevard » si l’on traduit littéralement du tchèque, qui correspond à ce qu’on appelle la presse people aujourd’hui. Une catégorie qu’il ne renie en aucun cas :

« J’ai étudié le commerce extérieur. En 1990 : j’ai eu mon examen d’Etat mais ensuite je n’ai pas continué dans ce secteur. J’ai joué au théâtre, puis je suis parti au Canada et en Italie et je suis revenu ici en 1993. J’ai travaillé pour le quotidien ‘Démocratie populaire’ qui n’existe plus, puis pour le journal du soir de Prague (Večerník Praha) où je m’occupais du service étranger avant de devenir assistant du rédacteur en chef. C’est avec ce journal que j’ai fait pour la première fois ce travail de choisir le contenu du journal. Puis j’ai reçu des offres de Spy, qui était un nouveau titre de presse people, qui voulait rendre plus vivant ce marché. Blesk, Story sont arrivés aussi à cette époque mais Spy était drôle et frais. Donc j’ai commencé à faire cette presse de boulevard. Mais c’était drôle, c’était un plaisir, un amusement. »

Ondřej Höppner continue ensuite dans le secteur de la presse people. Il travaille pour Aha, un autre titre qui essaie de concurrencer le leader de ce marché, le fameux quotidien à scandales qui reste le plus lu de tout le pays, Blesk. Mais après avoir dirigé trois journaux différents, il veut lancer son propre projet. Les Malostranské noviny semblent aux antipodes de ce type de presse, bien que, d’une certaine façon, on y retrouve cette satire et le burlesque de la presse à scandale. Pour Ondřej Höppner, la façon dont sont élaborées les Malostranské noviny est sa vision de l’avenir de la presse.

« Tous les journaux du monde vont devoir trouver une sorte de compromis, que l’on appelle dans notre secteur un journal pop. Chez nous, ce serait une combinaison de Mladá Fronta Dnes, quotidien d’informations, et de Blesk, journal people. Il faut trouver un chemin entre les deux. Il y aura ce côté ludique, du divertissement, de grandes photos, une légèreté, mais les informations seront réalistes, vivantes, de la vraie vie. Pas de spéculation sur une relation entre tel ou tel acteur et actrice comme dans la presse people, mais la réalité. On parle d’info-tainment, c’est le terme utilisé. Et c’est exactement le chemin que j’essaie de trouver parce que c’est le plus de ces nouveaux journaux. »

C’est ainsi que se côtoient, dans les pages des Malostranské noviny, et de la façon la plus naturelle qu’il soit, Eva Vondráčková, une architecte de Malá Strana avec Barbara Nerudová, la maman du célèbre poète du XIXème siècle, toutes deux donnant leur avis sur le bal de la semaine précédente.

Pour Ondřej Höppner, le mélange entre vraie et fausse information marche très bien et égaye le journal, à condition qu’il n’y ait aucune confusion possible. Mais il le veut aussi comme journal sérieux, qui a des choses à dire et à défendre, et notamment ce quartier de Malá Strana qui reste une des merveilles de la capitale tchèque.

« Ce journal évite la politique, complètement. Je m’occupe de questions comme quand par exemple ils veulent couper un arbre quelque part, ça me paraît pas bien. Je vais donc demander à des gens qui en ont la charge si c’est vraiment nécessaire. Et c’est ainsi qu’on a sauvé le plus vieil arbre de Kampa – enfin, il y a deux candidats à ce titre. Il devait être abattu mais un spécialiste a regardé la chose de près et s’est rendu compte qu’il suffisait peut-être de la tailler. Cet arbre est resté finalement et d’un seul coup, il s’épanouit et fait même des feuilles. Et c’est sur de genre de choses que j’écris. »

Surtout, Ondřej Höppner a appris à connaître les habitants de ce quartier.

Prague
« Je connais bien ce quartier, ce Petit côté, parce que depuis six mois, j’y suis presque tous les jours. Je connais les problèmes qui concernent le quartier. Ainsi, j’ai été surpris d’apprendre combien de maisons étaient vides. Il y en a des dizaines et des dizaines qui pourraient être rénovées et habitées, mais personne ne le fait, pour des raisons financières ou autres. Par contre, cette pression des étrangers sur l’immobilier du quartier est moins forte que ce que l’on dit.

Ce que j’observe surtout, c’est ce phénomène, qui n’est nul par ailleurs à Prague, de société civile, avec des associations, et surtout, tout le monde se connaît. Et les relations sont plus fortes que dans les autres quartiers. Les Malostranské noviny sont plus sensibles aux rumeurs et si elles se dirigent trop vers la presse people ou ne sont plus drôles soudainement, elles perdront leur écho et ce sera terminé. »

Les Malostranské noviny sont un vrai succès. Le jounal vit de publicités et d’aide de la maire du premier arrondissement de Prague. Il est tiré à environ 5000 exemplaires et distribué gratuitement dans de nombreux restaurants et cafés de Mala Strana mais aussi d’autres quartiers. Ondřej Höppner, qui fait tout tout seul jusqu’à présent espère pouvoir bientôt s’entourer d’autres rédacteurs. Il vient de lancer, de l’autre côté de la rivière, les Staroměstské noviny, soit les nouvelles de la Vieille-Ville, et réfléchit déjà à lancer la formule dans d’autres quartiers de la capitale, Žižkov, Vinohrady, ou Smíchov.