Cinéma: "Le nouveau crédit d'impôt va créer un appel d'air"

Photo: Commission européenne

Entretien aujourd’hui avec le Français Christian Benoist, directeur de Blue Screen, une société de production audiovisuelle basée à Prague. La Commission européenne vient de donner son feu vert à un programme de crédit d’impôt élaboré par le gouvernement tchèque pour inciter les productions étrangères à venir tourner leurs films à Prague.

Photo: Commission européenne
« Ce n’est pas encore très clair. Cela va se passer de la façon suivante : toute production de long-métrage ou de téléfilm qui dépensera sur place au moins 500 000 euros (400 000 pour les téléfilms) sera suivie d’un audit à la fin du tournage qui décidera de rendre jusqu’à 20% des sommes dépensées sur place. »

Dans les années 1990, la République tchèque est devenue une destination privilégiée par les producteurs étrangers, mais petit à petit ils sont partis plus à l’Est, notamment vers la Hongrie et la Roumanie.

« La Roumanie, oui, au début. Parce que la Roumanie est moins chère, mais de qualité moindre même s’ils vont sûrement s’améliorer avec les années. La Hongrie a de très beaux studios et bénéficie du crédit d’impôt de 20% mais la Hongrie n’a pas beaucoup de décors naturels alors que la République tchèque est très riche en décors naturels. C’est vrai qu’il y a de la concurrence. Cela ne s’arrête pas là, il y a aussi la Bulgarie, la Lituanie – on se souvient du tournage de Colette, mais ce sont souvent des ‘one shot’ parce que le résultat n’est pas à la hauteur de ce que les productions attendent. Même si les coûts sont moindres au départ, à l’arrivée ils ne le sont pas autant qu’on peut le penser. »

Mais la baisse en République tchèque a été importante...

« Oui, la baisse d’investissements en République tchèque a été importante puisqu’en quelques années, on est passé d’environ 3 milliards et demi de couronnes à 700 millions de couronnes. Cela ne s’explique pas seulement par la concurrence, il y a eu la crise et moins de tournages un peu partout. Parce que l’euro a été très cher par rapport au dollar donc les producteurs américains sont restés chez eux pour tourner. Mais aussi parce que des pays comme la Hongrie avaient ce crédit d’impôt. »

La couronne tchèque a-t-elle aussi posé un problème ?

'Joséphine ange gardien'
« Oui, la couronne qui fait des aller-retours face à l’euro. Cela s’est un peu stabilisé mais ça continue à poser des problèmes dans les devis si le taux varie trop. »

Sur quels projets avez-vous travaillé récemment ?

« On vient de finir Joséphine ange gardien, un téléfilm français avec Mimi Mathy. Je prépare quatre jours de tournage d’un film français réalisé par Eric Valette avec Albert Dupontel et pas mal de cascades. »

Pour ce genre de projets, comment est-ce que ça va se passer dorénavant avec ce feu vert de la Commission européenne, pour obtenir ce crédit d’impôt de 20% ?

« Dans le cas de Joséphine ange gardien ou d’autres projets, il faut d’abord remplir un questionnaire avec une vingtaine de questions qui portent sur le côté culturel du film, sur la présence de personnel tchèque sur le film, etc. Il y a des points donnés pour chaque réponse et il faut arriver à un certain total pour passer à l’étape suivante. Après le tournage, il y a un audit obligatoire fait par une société désignée par le ministère tchèque de la Culture et qui va valider le fait que certaines sommes dépensées en République tchèque sont sujettes au crédit d’impôt. »

Selon vous, ce nouveau crédit d’impôt sera-t-il suffisant pour que la République tchèque redevienne une destination privilégiée pour les productions étrangères ?

Photo: Commission européenne
« Ça va sûrement beaucoup aider. L’année dernière on a loupé un film qui est allé se tourner en Hongrie qui a le crédit d’impôt, même si la République tchèque était à la base moins chère que la Hongrie. Cela va aider si ce crédit d’impôt reste. Pour l’instant, on ne sait pas si ce crédit d’impôt n’a pas été mis en place que pour cette année. On n’a aucune information sur les années suivantes. Si c’est reconduit d’année en année, il va forcément y avoir un appel d’air parce que pour beaucoup de productions étrangères Prague bénéficie de bons studios, de bon matériel et de personnel très compétent. Si c’est seulement pour cette année, ça ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau et cela ne bénéficiera qu’aux productions qui ont tourné cette année. »

Est-ce que l’augmentation du coût du travail en République tchèque peut désormais être le frein à l’arrivée de productions étrangères ?

« Les salaires n’ont pas tellement augmenté dans le cinéma. Ce qui a augmenté c’est la couronne. Un euro valait 30 couronnes il y a quelques années et en vaut 25 maintenant. Rien que ça représente un différentiel énorme. Mais si on retrouve le crédit d’impôt, la République tchèque sera une très bonne destination, pour la France notamment parce qu’on est à 1h20 de vol de Paris et 10h de voiture, contrairement à la Roumanie par exemple qui est quand même plus loin. »