Une union difficile pour une coalition anti-Babiš

Andrej Babiš, photo: Martin Strachoň, CC BY-SA 4.0

Cette nouvelle revue de presse apporte d’abord quelques regards sur l’éventualité de la création d’une coalition anti-Babiš, à un peu moins de deux ans des prochaines élections législatives. Elle s’intéressea ensuite à une rencontre de la dite « Association des amis de l’homme hétérosexuel blanc » qui se réunit ce samedi, parallèlement à la tenue de la désormais traditionnelle Marche des fiertés à Prague. Les femmes députées se sentent-elles discriminées par rapport aux hommes ? Réponse également dans ce magazine, dans lequel il sera aussi question de certains aspects de l’intolérance dans la société tchèque.

Andrej Babiš,  photo: Martin Strachoň,  CC BY-SA 4.0
Une coopération des partis d’opposition est le seul moyen qui permettrait de battre le mouvement ANO lors des prochaines élections législatives, qui se tiendront en 2021. C’est du moins ce qu’estiment et ce sur quoi insistent les leaders du Parti civique démocrate (ODS), TOP 09, STAN et du Parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL). Mais tous ces partis de droite parviendront-ils à s’unir pour faire front au leader du mouvement ANO, l’actuel Premier ministre Andrej Babiš ? Le journal en ligne Deník Referndum remarque à ce propos :

« Les observateurs politiques portent sur cette ambition, aussi compréhensible soit-elle, un regard assez sceptique. D’abord parce que les priorités de ces partis sont souvent différentes, mais aussi parce qu’une simple alliance ne garantit pas automatiquement qu’elle devienne particulièrement attrayante pour les électeurs. Certes, la droite a un point commun : l’opposition au Premier ministre Babiš et le rejet global de la politique gouvernementale. Toutefois, il y a des questions comme, par exemple, la réforme de l’enseignement ou le système des retraites qui sont loin de faire l’unanimité. L’agenda européen constitue également un point épineux, compte tenu de l’euroscepticisme de l’ODS. »

Lors des dernières législatives, les quatre partis cités ont obtenu ensemble près de 27 % des suffrages, soit deux points de moins que le mouvement ANO, vainqueur des élections. Or, même si d’un point de vue mathématique, l’idée d’une coalition anti-Babiš semble fondée, elle doit s’appuyer, toujours selon le commentateur du journal Deník Referendum, sur un consensus idéologique et de programme, sur une vision concurrentielle. Autrement dit, le projet de l’opposition de droite ne pourra réussir que si la critique d’Andrej Babiš ne constitue pas son unique programme.

L’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt estime pour sa part qu’une éventuelle coaliton des quatre partis ODS, TOP 09, STAN et KDU-ČSL serait une démarche audacieuse. Il explique pourquoi :

« Si ces partis arrivent à surmonter tous leurs malentendus et toutes les difficultés, cela apportera un nouvel espoir. De même, il serait souhaitable que les Pirates demeurent indépendants de façon à offrir un plus vaste choix aux électeurs et de renforcer le bloc anti-Babiš. Ceci dit, la prudence reste de rigueur, car rien ne pourra profiter davantage à Andrej Babiš que l’éclatement, peu avant les élections, d’un nouveau projet d’opposition ».

Les « patriotes » face au festival Prague Pride

Ce samedi 10 août, la capitale tchèque accueille la Marche des fiértés dans le cadre de la neuvième édition du festival Prague Pride, qui a commencé lundi dernier. Le même jour, un château privé, situé dans la commune de Příčovy à une cinquantaine de kilomètres de Prague, sera le théâtre d’un rendez-vous convoqué par « l’Association des amis de l’homme hétérosexuel blanc ». Un député du Parti social-démocrate, un secrétaire de l’ancien président Václav Klaus, un activiste anti-Islam bien connu du grand public, un ex-candidat au conseil de surveillance de l’agence de presse ČTK soupçonné de prolifération de théories de conspiration, et plusieurs dizaines d’autres sympathisants connus et moins connus, figurent sur la liste des invités qui se réunissent pour discuter « du patriotisme et des valeurs traditionnelles ». Le quotidien Lidové noviny de jeudi rapporte à ce propos :

« Pour les organisateurs, la date de cette rencontre est symbolique, car la veille sera célébrée la Journée internationale des peuples autochtones. ‘Nous invitons tous ceux à qui notre nation est chère et qui ne veulent pas voir la République, bravement édifiée, fondre dans le chaudron de l’Union européenne artificiellement créée’, prétendent-ils. A les croire, il ne s’agira pas d’une manifestation politique, mais d’une ‘rencontre cultivée et intelligente, d’un exemple de ce qu’il y a de meilleur dans la civilisation européenne’ ».

Le journal remarque que cet événement déplaît au maire de la commune de Příčovy, qui compte quelque 400 habitants, car il défend des positions politiques entièrement différentes. Son champ d’action est cependant nul dans ce contexte, car le château où la rencontre se déroulera est une propriété privée. Par ailleurs, la femme médecin qui en est la propriétaire déclare « ne plus pouvoir supporter le regard sur la mort lente du patriotisme et la façon dont celui-ci est ostracisé ».

Ces femmes députées engagées dans un milieu masculin

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« La politique doit être réservée aux hommes, la femme n’y a rien à faire. » Tel est le message principal des agressions verbales dont les femmes tchèques engagées dans la vie politique font parfois l’objet sur les réseaux sociaux. Le quotidien indépendant Deník N a voulu savoir si les femmes représentées au Parlement, un milieu majoritairement masculin, se sentaient également défavorisées d’une manière ou d’une autre. Il a effectué pour cela une mini-enquête auprès de l’ensemble des quarante-cinq femmes députées :

« Les réactions de plus de la moitié des députées interrogées ont été très variées. Tandis que certaines ont ouvertement avoué qu’elles avaient été confrontées à une forme de discrimination ou à une approche injurieuse, d’autres ont nié avec détermination l’existence d’un tel problème sur le sol parlementaire. Pour d’autres encore, il s’agissait d’une question tellement sensible qu’elles ont refusé de s’exprimer et de voir leur confession enregistrée. Ceci dit, elles sont toutes d’accord pour dire que les comportements inopportuns ou les remarques sexistes sont rares. »

En conclusion, le journal a cité une militante de l’association Forum 50% qui s’occupe de la parité hommes-femmes dans la vie politique et publique, selon laquelle la politique en Tchéquie est effectivement sexiste. « Conçue dans l’histoire comme un espace pour les hommes et qui est dès lors formée par des hommes, elle demeure toujours dans une certaine mesure hostile aux femmes », explique-t-elle.

L’intolérance au sein de la société augmente

Photo illustrative: Gerd Altmann,  Pixabay / CC0
La société tchèque est divisée en plusieurs groupes antagonistes, les fossés sont en train de se creuser plus que jamais, les adversités s’accentuent. Les différents groupes ne se parlent pas et s’accusent mutuellement. C’est en ces termes que l’auteur d’un texte publié sur le site aktualne.cz décrit le climat actuel en République tchèque. Il précise à ce propos :

« L’intolérence qui se manifeste aujourd’hui de façon très large n’est pas un phénomène nouveau. Depuis quelques années, il est fortement alimenté par les réseaux sociaux qui permettent de garder l’anonymat et qui, de concert avec les courriels en chaîne, renforcent les antagonismes. Ils sont devenus un instrument efficace servant à soulever des émotions négatives. Du moment que les différences entre la fiction et la réalité s’effacent, il y a beaucoup de gens qui n’arrivent plus à reconnaître la vérité. »

Pour le commentateur, la question est désormais de savoir si le climat qui régnait dans l’ancienne Tchécoslovaquie autour de la chute du régime communiste il y a trente ans de cela, est définitivement révolu. Il rappelle :

« A l’époque, il y avait certes des gens qui ont été déçus par la nouvelle évolution. La majorité écrasante de la population l’a pourtant saluée avec enthousiasme. C’était le temps d’une ambiance miraculeuse, d’entente mutuelle. »

Les tentatives pour atténuer les haines et surmonter le clivage existant constituent une tâche difficile, dont le résultat est incertain. Pourtant, d’après ce qu’estime le commentateur, on ne doit jamais y renoncer, car en dépit des configurations politiques au pouvoir, actuelles et futures, nous sommes tous des concitoyens appelés à vivre au sein d’une même société.