La Tchéquie et les Tchèques : deux regards différents sur l’Union européenne

Photo: MPD01605, CC BY-SA 2.0

Cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée se penche d’abord sur les différents aspects de l’approche des Tchèques vis-à-vis de l’Union européenne. Elle rappelle aussi que l’agression d’une famille rom il y a dix ans a marqué un certain changement de climat au sein de la société. Les ambitions politiques de Václav Klaus junior, fils de l’ancien président de la République, sera un autre sujet traité.

Photo: MPD01605,  CC BY-SA 2.0
A un mois des élections au Parlement européen, les partis politiques tchèques pro-européens s’activent pour changer la perception des électeurs eurosceptiques qui rêvent d’un czexit et pour renforcer la position du pays au sein de l’Union européenne. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? En fait, la Tchéquie n’a-t-elle pas déjà quitté l’Union européenne ?, s’interroge le commentateur du quotidien Hospodářské noviny. Il explique :

« La Tchéquie est un cas spécial. Durant la dernière décennie, elle a tiré un profit significatif de la cohésion structurelle qui définit les liens de l’économie locale avec l’UE. Mais, en ce qui concerne la cohésion individuelle, la Tchéquie s’est placée parmi les 28 pays membres à la 26ème position ce qui témoigne du faible intérêt des Tchèques pour tout ce qui a trait à l’Union européenne. Ceux-ci consomment volontiers ses avantages, tout en dénonçant dans une grande mesure les principales politiques européennes communes, monétaire, étrangère, migratoire ou de défense. Or, il ne semble pas exagéré de dire que la Tchéquie elle-même est très pro-européenne, tandis que ses habitants ne le sont pas. »

L’auteur de ces lignes rappelle qu’avant l’entrée de la République tchèque dans l’Union européenne, en 2004, le mot d’ordre « retour à l’Europe » était partagé par une grande partie de la population. Cette position a persisté tant bien que mal jusqu’à la grande crise économique pour céder ensuite la place à la grande désillusion. Le rêve quelque peu naïf lié à des attentes de richesse et de prospérité s’est évaporé. Le commentateur constate en conclusion :

« En Tchéquie, les questions concernant l’Union européenne font rarement l’objet de débats. Et, assez paradoxalement, elles le sont encore moins à un mois du scrutin européen... Désormais, les candidats ont encore quelques semaines pour persuader les électeurs que ces élections sont extrêmement importantes et pour leur proposer trois ou quatre grands sujets qui puissent susciter leur intérêt. Il s’agit non seulement d’augmenter le précédent taux de participation très bas (18,2 %), mais aussi d’appeler les Tchèques à entrer de nouveau dans l’Union européenne au sein de laquelle leur pays se trouve déjà. »

La voix féminine tchèque au Parlement européen est faible

Photo illustrative: © European Union 2017 - Source: EP
C’est presque devenuune rengaine. A l’approche des élections, qu’elles soient législatives, municipales ou européennes, on a l’habitude de dénoncer la faible présence des femmes sur la liste des candidats et de mettre en exergue leur absence dans les plus hautes sphères de la politique. Le site aktualne.cz note, par exemple, qu’à la différence de la Slovaquie qui a déjà connu une femme Premier ministre et qui a aujourd’hui une présidente de la République, la Tchéquie n’a eu qu’une présidente du Sénat entre 1998 et 2000. Il rapporte également :

« A l’heure actuelle, les femmes représentent 22 % de l’ensemble des députés et 16% des sénateurs. Et elles ne constituent qu’un quart des candidats inscrits pour les élections européennes, 13 % d’entre elles seulement figurant en tête de liste. Par ailleurs, la représentation actuelle des femmes tchèques au Parlement européen est l’une des plus faibles à l’échelle de l’Union européenne. »

Les causes de cette prédominance masculine dans la vie politique tchèque sont multiples, des préjugés ou le désintérêt des femmes elles-mêmes jouant évidemment un rôle important. Mais, comme l’écrit l’auteur de cette note, « on a besoin d’institutions politiques qui représenteront l’ensemble de la population d’une manière équilibrée. Plus de voix féminines sur la scène politique ne pourra que profiter à l’ensemble de la société. »

Ces eurodéputés tchèques qui se sont fait remarquer

Pavel Telička,  photo: Zuzana Suchánková,  ČRo
Au cours de leur mandat qui s’achève, les eurodéputés tchèques ne sont pas passés inaperçus. Compte tenu de l’étendue de leur pays, ils représentaient le deuxième groupe le plus influent, derrière les Belges et devant les Finlandais. C’est un constat qui ressort d’une analyse du serveur bruxellois indépendant VoteWatch.eu qui a suivi les activités politiques au sein du Parlement européen. Le site echo24.cz a précisé à ce propos :

« En évaluant l’importance des différentes délégations, le serveur a pris en considération, entre autres, les positions occupées par leurs eurodéputés. Et c’est justement cet aspect qui a aidé les Tchèques à être si bien appréciés et à se rendre visibles. Pavel Telička, par exemple, a été l’un des vice-présidents du Parlement européen et en ce qui concerne les évaluations individuelles, il a occupé, parmi les 751 députés européens, la 13ème position. »

Plusieurs autres eurodéputés tchèques se sont fait remarquer en occupant des fonctions dirigeantes dans les différentes commissions du Parlement européen ou d’importantes positions dans ses groupes politiques.

Une attaque anti-rom qui a fait bouger les choses

La petite Natálka,  photo: Andrea Čánová
Le 19 avril, dix ans se sont écoulés depuis une attaque au cocktail Molotov perpétrée par quatre jeunes néonazis contre une maison habitée par une famille rom, dans une localité défavorisée dans le nord de la Moravie. L’attaque a grièvement blessé plusieurs personnes et notamment la petite Natálka, âgée de deux ans à peine, qui est le premier bébé à avoir survécu à des brûlures aussi graves causées par un incendie. Le commentateur du quotidien Lidové noviny estime qu’il est important de se rappeler cet événement tragique, et pas seulement en raison de son dixième anniversaire. Il explique pourquoi :

« Aujourd’hui, on peut replacer cette agression dans un contexte un plus large pour constater qu’elle a été plus dramatique, plus médiatisée et plus déterminante que toutes les autres attaques anti-rom qui ont eu lieu auparavant et qui ont coûté la vie à quatre personnes. Après ce dernier drame, en effet, il n’y a plus eu d’attaque aussi violente. Les néonazis et leurs sympathisants politiques ont encore organisé quelques manifestations anti-rom, il est vrai, mais sans avoir réussi à attirer l’intérêt de l’opinion publique. La peine de 86 ans de prison en tout pour les quatre radicaux reconnus coupables de tentative de meurtre, la solidarité avec la famille de la petite Natálka, la croissance économique : telles semblent être les principales causes du changement positif du climat au sein de la société. »

Evidemment, on ne saurait prétendre que la partie est gagnée, écrit l’auteur de la note publiée dans Lidové noviny, tout en ajoutant :

« En octobre 2010, Václav Klaus, alors président de la République, avait jugé le verdict trop lourd et douté du fait que des peines aussi élevées puissent empêcher la répétition de tels actes. Dix ans après, on voit pourtant qu’elles ont ce pouvoir. Autrement dit, l’attaque de Vítkov et les réactions qui s’en sont suivies ont marqué un tournant positif ».

Václav Klaus junior fait parler de lui

Václav Klaus junior,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
Václav Klaus, fils de l’ancien président de la République, est une figure politique dont le nom a été souvent évoqué ces jours-ci dans les médias. D’abord, parce qu’il a été exclu du Parti civique démocrate (ODS) dont son père fut le fondateur et, puis, parce qu’il a annoncé sa décision de créer un nouveau parti. Le commentateur de l’hebdomadaire Reflex a réfléchi sur les perspectives de son projet :

« Selon certains commentateurs, ainsi qu’une partie de la scène politique et de l’opinion publique, Václav Klaus junior n’a guère de chances de rassembler un nombre important d’électeurs. Des exemples à l’étranger montrent cependant qu’il y a une demande pour ce genre de politiciens. La défense des Etats nationaux et du marché libre, la critique de l’Union européenne et du multiculturalisme, le rejet de l’euro, la contestation du changement climatique, sont tous des sujets auxquels une partie du public veut s’identifier. On peut l’illustrer avec l’ascension rapide du politicien néerlandais Thierry Baudet. »

Václav Klaus junior est souvent critiqué pour ses opinions très radicales et pour son goût de la confrontation. Le commentateur de Reflex considère cependant qu’il peut réussir, car l’époque appartient à des leaders inédits pour ne pas dire excentriques, capables de formuler clairement leurs opinions. D’autant plus que la scène politique tchèque est en train de subir d’importants changements. Selon lui, l’hypothèse pourra être vérifiée d’ici un ou deux ans.