Interrogations de la presse nationale

Défilé de néonazis à Ústí nad Labem, photo: CTK

Les tendances nationalistes et extrémistes en République tchèque sont-elles plus radicales et sont-elles en hausse ? La question préoccupe la classe politique, l’opinion publique et aussi les médias qui cherchent à situer les récentes manifestations néonazies dans le nord de la Bohême, ainsi que les dernières agressions contre les Roms dans un plus large contexte.

Défilé de néonazis à Ústí nad Labem,  photo: CTK
L’éditorial de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt se penche sur ce problème d’actualité. Son rédacteur en chef Erik Tabery écrit :

« Depuis la chute du régime communiste, la société tchèque n’arrive pas à faire front à l’extrémisme, qu’il s’agisse de l’extrémisme de gauche ou de celui de droite. On en a eu une preuve récemment, lorsque le ministère de l’Intérieur n’a pas réussi à trouver des arguments pour étayer la demande d’interdiction du Parti ouvrier. Les extrémistes ont alors gagné, puisque cette formation dangereuse n’a pu être finalement interdite. »

En réaction à un défilé de néonazis qui a eu lieu samedi dernier dans la ville de Ústí nad Labem, dans le nord de la Bohême, qui a été d’abord interdite par la municipalité de la ville pour être finalement autorisée, car un tribunal administratif a annulé cette décision, l’auteur de l’article écrit :

« Aujourd’hui, nous sommes les témoins de ce que les villes ne savent pas comment empêcher les néonazis de se promener librement dans leurs rues. Le législateur est embarrassé, les fonctionnaires et les autorités ne savent pas comment s’y opposer. Une question s’impose : jusqu’où vont les limites de la liberté et ne donne-t-on pas aux extrémistes la possibilité d’abuser du système qu’ils souhaitent liquider ? »

Photo: Štěpánka Budková
« Les extrémistes sont dociles et apprennent vite », constate l’éditorial est de poursuivre : « Ils respectent tant bien que mal les règles en vigueur, juste pour ne pas courir le risque d’être soumis à des sanctions. En même temps, ils sentent que leur moment est venu, compte tenu de la crise économique. Et l’histoire, comme on le sait, a si souvent montré que les gens, dont les certitudes sociales sont menacées, sont prêts à prêter oreille à des solutions radicales. La Hongrie où se multiplient des attaques contre les Juifs et les Roms en donnent un témoignage ».

Comment mettre les extrémistes hors-la-loi ? Comment informer dans les médias de leurs activités sans leur donner trop de place ? Quelle position devraient prendre à leur égard ? Autant de questions que l’hebdomadaire Respekt soulève en conclusion et auxquelles, comme il le souligne, la société tchèque devrait chercher systématiquement des réponses et pas seulement en réaction à un « événement » qui défraie la chronique et qui tombe vite dans l’oubli.

En République tchèque, on trouve près de 310 ghettos roms, qui sont dispersés dans plus de 167 communes et villes et qui sont habités par 60 à 80 mille personnes. La ville d’Ostrava, par exemple, située dans le nord de la Moravie, en possède une dizaine. Au total, sur plus de 10 millions d’habitants, la minorité rom compte environ 250 000 personnes. Les plus problématiques sont les régions de la Bohême du nord et de la Moravie du nord.

Photo: www.hzsmsk.cz
L’édition de mardi du quotidien économique Hospodářské noviny réserve deux pages à la question rom qui est de nouveau au cœur de l’intérêt, suite au dernier cas d’agression contre une famille rom qui avait très probablement une motivation raciale. Cette agression aux cocktails Molotov qui a fait plusieurs blessés graves et dont les auteurs n’ont pas encore été identifiés, s’est déroulée pendant le week-end écoulé dans la ville de Vítkov, en Moravie. Le journal cite l’activiste rom Ivan Veselý qui dit :

« Au cours des dix dernières années, l’Etat a adopté trois concepts concernant l’intégration des Roms et soixante-dix décisions gouvernementales. Pourtant, tout cela n’a eu aucun effet, bien au contraire : le nombre de localités exclues qui sont souvent la cible d’attaques de groupes extrémistes a augmenté d’un tiers, la situation s’aggrave ».

Ivan Veselý
Selon les sociologues cités par le journal, il y a peu de volonté politique de se pencher vraiment et sérieusement sur ce problème. Selon Imrich Vašečka, « l’Etat n’a pas de stratégie systématique. Tantôt il a recours à la répression, tantôt il distribue des moyens financiers de manière assez chaotique, sans avoir à quoi et à quel endroit ces moyens seront destinés… Il est à craindre que la situation se détériore avec la crise financière qui risque d’être favorable à la montée des tendances extrémistes. »

Que pensez-vous de la montée de l’extrémisme de droite, dont nous sommes les témoins en Tchéquie ces derniers temps ? Nous avons retenu quelques réponses à la question posée par le quotidien Lidové noviny.

Selon le Premier ministre sortant Mirek Topolánek, il existe au sein de la société tchèque un racisme dissimulé et latent que l’on a tendance à ignorer. Jiří Paroubek, leader du Parti social-démocrate de l’opposition, estime qu’il y a lieu de déclarer une guerre impitoyable à l’extrémisme de droite… Josef Stojka, chef des Roms olaches, estime que « les derniers événements » et tout ce qui se déroule en République tchèque, sont tragiques. Les Roms partent pour le Canada, car ils ne se sentent pas ici sécurisés ». Jiri Daníček, président des confédérations juives est catégorique. Il dit : « Tolérer les activités des racistes et des néonazis signifie les soutenir. La faiblesse des institutions responsables et leur incapacité à trouver des dispositions législatives en vue d’empêcher l’action de ces extrémistes sont des choses qui sont désormais inacceptables ».

Václav Havel
La situation sur la scène politique nationale, le Traité de Lisbonne et le radar américain. Voilà les thèmes sur lesquels s’est penché l’ex-président tchèque Václav Havel dans une interview accordée à l’édition de samedi du quotidien Lidové noviny. Certains passages de cet entretien ont provoqué la controverse.

« Le nouveau Parti civique démocrate (ODS), moins arrogant et moins fondamentaliste, est plus sympathique qu’il ne le l’était sous Václav Klaus…». C’est par cette caractéristique donnée par Václav Havel au principal parti du cabinet démissionnaire que « le malheur » est venu. C’est qu’elle ne plaît pas à certains membres du parti concerné qui voient d’un mauvais œil les fiançailles avec Václav Havel, qu’ils aiment baptiser péjorativement comme une « incarnation du camp des précurseurs d’amour et de vérité ». Elle ne plaît pas non plus à l’actuel président de la République Václav Klaus qui avait fondé l’ODS il y a 18 ans pour en prendre d’ailleurs ses distances, l’année dernière, le considérant éloigné de ses idéaux de départ.

Dans les pages du journal, Václav Havel se prononce aussi sur le chef de la diplomatie tchèque sortant, Karel Schwarzenberg. Il dit :

« C’est peut-être le meilleur ministre des AE depuis la naissance de la Tchécoslovaquie. En Europe, il est aimé de tous ceux qui le connaissent. Il ne se prend pas très au sérieux, mais demeure fidèle à ses principes. Il a un humour spécifique. Il en a fait beaucoup pour notre liberté… Bref, c’est un Européen digne d’estime, un gentleman. Je ne comprends pas pourquoi il doit partir ».

Karel Schwarzenberg,  photo: CTK
En ce qui concerne le Traité de Lisbonne, l’ex-président tchèque développe plusieurs raisons en faveur de sa ratification et conclut :

« Le Traité de Lisbonne est né aussi à cause de nous et pour nous : un élargissement à l’Est exige en effet un autre champs d’action… Nous nous sommes montrés irresponsables avec la chute du gouvernement pendant la présidence européenne. Si en plus nous gâchons le processus de ratification du Traité, si longtemps et si soigneusement préparé dans le but de rendre plus souple l’existence de l’Europe, j’aurais vraiment honte d’être Tchèque… »

C’est avec la même envergure que l’ex-président tchèque défend dans les pages du quotidien Lidové noviny l’implantation d’un radar américain sur le territoire tchèque… Il dit : « Faire échouer Lisbonne et refuser le radar américain signifierait suivre le chemin de l’Ossétie du Sud ».