Prague se prépare à fêter le 130e anniversaire de son fils Franz Kafka

Franz Kafka

Le lecteur de l’œuvre de Franz Kafka qui se promène dans les rues de Prague peut suivre l’itinéraire de l’écrivain qui a passé dans la capitale tchèque la majorité de sa vie. C’est à Prague qu’il est né en 1883, c’est à Prague qu’il a vécu les premiers émois de l’enfance et les désarrois de l’adolescence, c’est à Prague qu’il a noué les premières amitiés et a connu les premières déceptions amoureuses. C’est aussi dans cette ville qu’il a écrit une grande partie de son œuvre littéraire. Profondément enracinée dans sa vie, Prague s’apprête à fêter le 130e anniversaire de la naissance de son fils.

Le rapport de Franz Kafka à la ville de Prague a été ambivalent. La ville était pour lui comme une mère possessive. Il y était attaché, il aimait se promener dans ses rues, il se laissait inspirer par elle mais voulait pourtant la quitter. Prague est devenue pour lui symbole de la prison. Il voulait s’en détacher, partir pour vivre ailleurs, et rêvait de s’établir en Palestine. Mais Prague l’a toujours accaparé de nouveau, a toujours repris son pouvoir sur lui, et si elle l’a finalement laissé partir, ce n’est que pour le laisser mourir loin d’elle.

Ces rapports ambivalents ont continué aussi après sa mort. Prague et la Bohême se sont montrées d’abord indifférentes puis carrément hostiles à leur grand fils et à son œuvre. Après la Deuxième Guerre mondiale, lorsque le génie littéraire de Franz Kafka s’est imposé dans le monde entier, le régime communiste l’a mis à l’index. Dans les années 1950 puis pendant la période de la Normalisation entre 1968 et 1989, Kafka, considéré comme un auteur bourgeois et décadent, a été interdit de publication. Les traductions tchèques d’une partie de son œuvre n’ont pu paraître que lors d’une courte période de libéralisation culturelle et politique dans les années 1960. Ce n’est qu’après la chute du régime communiste en 1989 que l’œuvre du grand Pragois a pu finalement sortir de l’ombre, et c’est à cette époque-là qu’a été créée l’Association Franz Kafka. Sa présidente Markéta Mališová évoque les objectifs de cette organisation :

Markéta Mališová,  photo: Štěpánka Budková
« L’association a été créée juste après la révolution de 1989, ce qui était tout à fait automatique, logique et symbolique car Kafka ne pouvait pas être publié en Tchécoslovaquie. La publication de ses œuvres était pratiquement interdite. L’objectif principal de l’association a été de faire revenir Franz Kafka dans la conscience collective des Tchèques et nous nous sommes également fixé pour objectif de faire traduire l’ensemble de son œuvre en tchèque. Je pense que c’est très important, parce que nous avons permis aux lecteurs tchèques de connaître les journaux, les contes et toute la correspondance de l’écrivain. Cela a changé dans une certaine mesure notre perception de Franz Kafka, que nous ne connaissions qu’à travers ses romans et quelques contes. »

Markéta Mališová rappele que c’est grâce à l’association qu’un monument de Franz Kafka a été érigé à Prague et que l’association décerne chaque année un prix littéraire qui porte le nom de l’écrivain. Ce prix a déjà été attribué entre autres à Philip Roth, Harold Pinter, Elfriede Jelinek, Peter Handke et à d’autres célébrités littéraires. Selon Markéta Mališová, l’association organise et coordonne à l’heure actuelle aussi les manifestations du 130e anniversaire de la naissance de Franz Kafka :

Le timbre-poste de Franz Kafka de 1969
« C’est vraiment un anniversaire important. L’année dernière déjà, divers chercheurs étrangers ont attiré notre attention sur le sujet. Nous avons également reçu des coups de téléphone de diverses agences de voyages qui nous demandaient ce que nous pourrions proposer à des visiteurs étrangers à cette occasion. Je suis très contente que nous ayons réussi à réaliser un projet important - l’édition d’un timbre-poste consacré à Franz Kafka. Le timbre sortira fin juin, c’est-à-dire juste avant le 3 juillet, date de l’anniversaire de la naissance de l’écrivain. »

Markéta Mališová a d’abord pensé que ce serait le premier timbre-poste tchèque consacré à Franz Kafka. Mais elle a été surprise d’apprendre que deux timbres différents avaient déjà été édités dans le passé. Un de ces timbres a été lancé dans les années 1980, donc sous le régime communiste qui s’opposait à la publication des œuvres d’un romancier qualifié de décadent. L’association prépare également pour cette année une série de conférences. Marie Mališová provise :

La Synagogue espagnole,  photo: Archives de ČRo7
« Une des premières conférences sera donnée en avril par le professeur Miroslav Mydlík qui parlera des maladies de Franz Kafka. Nous choisissons donc des thèmes qui sont un peu inhabituels. Le jour de l’anniversaire, c’est-à-dire le 3 juillet, nous voulons organiser aussi un concert de gala que nous aimerions présenter à la Synagogue espagnole de Prague, mais ce projet n’en est encore qu’au stade des négociations. Nous avons également préparé pour le ministère des Affaires étrangères une exposition destinée à nos ambassades. »

L’association poursuivra également son objectif principal, c’est-à-dire la publication des œuvres de Franz Kafka. Elle envisage maintenant de publier son conte ‘La Métamorphose’ dans une version bilingue en anglais et en tchèque illustrée par le dessinateur Jiří Slíva. Et selon Markéta Mališová, l’association fêtera aussi l’anniversaire du romancier pragois en s’ouvrant d’avantage au public :

La bibliothèque de Franz Kafka,  photo: Barbora Kmentová
« L’association possède la précieuse bibliothèque personnelle de Franz Kafka qu’on peut visiter normalement après réservation. Dans nos locaux est également installée une exposition biographique sur l’écrivain et nous envisageons donc d’ouvrir la bibliothèque au public sans réservation pendant les heures ouvrables. Nous préparons également un livre de Josef Čermák, grand spécialiste de l’œuvre de l’écrivain et membre de notre société. Ce sera un choix de citations pleines de sagesse et d’aphorismes spirituels tirés des textes de Franz Kafka. »

Pour réaliser un autre projet, l’association envisage de coopérer avec un artiste suédois. Auteur du projet, le plasticien Gustavo Augere inscrit des citations d’auteurs dans les espaces publics des villes dans lesquelles ils sont nés et où ils ont vécu. Cette initiative n’est cependant qu’en gestation et il n’est pas encore sûr qu’elle aboutisse. Les représentants de l’association estiment que sa réalisation enrichirait Prague et permettrait aux visiteurs de mieux suivre les traces de l’écrivain.

Photo: Štěpánka Budková
Ce sont surtout la Vieille ville de Prague et le quartier de Malá Strana qui ont été le théâtre de la vie de Franz Kafka. Peu de choses ont changé dans ces quartiers pendant les 130 ans qui nous séparent de la naissance du romancier. Les maisons qu’il a habitées, l’édifice de la banque où il a travaillé, les rues dans lesquelles il s’est promené, le cimetière où il est enterré sont toujours-là. L’architecture et la topographie de Prague que l’écrivain a transformées par sa fantaisie pour les utiliser dans ses romans sont presque les mêmes que pendant sa vie. Le promeneur attentif peut suivre à Prague aujourd’hui encore les différentes étapes de l’itinéraire d’un homme dont le génie a profondément marqué la littérature mondiale.