Marie Šťastná : Les voix douces ont été les plus entendues

Marie Šťastná, photo: www.czech-tv.cz

C’est la poétesse tchèque Marie Šťastná qui a obtenu le Prix de poésie lyrique de Dresde cette année. Le prix du maire de la ville de Dresde doté d’une somme de 5000 euros a été décerné dans le cadre du festival de la poésie « Bardinale 2010 » qui avait lieu pour la 8e fois. Dans le passé deux autres Tchèques ont remporté cette distinction mais ils l’ont partagé avec des poètes de langue allemande. Marie Šťastná ne le partage avec personne. Elle est donc la première lauréate tchèque absolue dans l’histoire du Prix de la poésie lyrique de Dresde.

Marie Šťastná,  photo: www.czech-tv.cz
A 29 ans, Marie Šťastná n’est pas un visage inconnu de la poésie tchèque. Depuis le début de sa courte carrière elle participe à des concours littéraires. Elle commence par se faire connaître grâce au concours de poésie Jiří Orten destiné aux jeunes poètes de moins de 22 ans. En 1999 elle obtient à ce concours, qui est organisé dans la ville de Kutná Hora, le troisième prix, en 2001 le deuxième prix et en 2003 le premier prix. En 2004, son recueil « Le paysage avec Ophélie » lui vaut le prestigieux prix Jiří Orten réservé aux auteurs de moins de 30 ans. Sa renommée en République tchèque est donc déjà assez solide lorsqu’elle décide de tenter sa chance aussi à l’étranger et part à la conquête du Prix de la poésie lyrique de Dresde :

« D’après ce que je sais et ce que j’ai entendu des autres, le prix jouit d’un grand prestige dans les pays germanophones et il devrait en jouir donc aussi chez nous. L’intérêt pour ce prix a été sans doute très grand parce qu’on choisissait, si je ne m’abuse, parmi plus de 13 000 ou 12 000 candidats dont une très petite partie, seulement 70, je crois, étaient des Tchèques. Le prix est décerné tous les deux ans. L’inscription des candidats se termine toujours au printemps, puis les textes sont évalués pendant toute une année par le premier jury, le jury national, et ensuite dix candidats choisis, cinq des pays germanophones et au maximum cinq de République tchèque, passent au dernier tour où il y a un jury international. Et tous ceux qui ont été nominés pour le Prix de poésie lyrique de Dresde, se rendent, l’année suivante, dans cette ville. Au cours de l’été on travaille sur les traductions dans l’autre langue. Et ce n’est que là qu’on proclame finalement le lauréat du prix. »


Quelle est la raison de ce succès ? Pourquoi cette jeune Tchèque a réussi à s’imposer dans cette immense concurrence allemande ? Quelles qualités de son oeuvre ont convaincu le jury qu’elle méritait la récompense suprême ? Marie Šťastná dit avoir choisi pour le concours tout simplement quelques uns des textes de son dernier recueil :

« J’ai choisi des textes du recueil ‘Intérieurs’ que je prépare à éditer. Le recueil a été d’ailleurs plus ou moins achevé il y a déjà deux ans. Si je faisais une comparaison avec les auteurs allemands, je dirais que leurs textes sont très expressifs, qu’ils se font fortement entendre. Par rapport à leurs textes, les miens doivent sembler très fermés ou très silencieux, très introvertis. La plupart du temps, les textes des participants tchèques me semblaient plus introvertis, plus fermés, plus calmes. »

Marie Šťastná
Le recueil « Intérieurs » est le fruit d’une collaboration entre Marie Šťastná et sa soeur Karla qui est peintre - graphiste. Les deux soeurs ont travaillé sur le même thème et se sont inspirées mutuellement. Le point de départ de leur inspiration a été la maison natale, ses espaces, ses habitants et son atmosphère. Selon Marie Šťastná, les poèmes de son recueil cherchent à saisir l’espace intérieur et extérieur que nous créons pendant le temps passé à un certain endroit. Nous édifions ces espaces consciemment et inconsciemment, nous y ajoutons des règles et des rituels et nous insistons à ce que ces règles soient respectées. Dans l’enfance, ces règles peuvent nous paraître comme des actes magiques et incantatoires…


Le concours de Dresde offre donc aux poètes tchèques la possibilité de se faire connaître en Allemagne grâce à des traductions de leurs poésies. C’est un trait particulier et très précieux de cette manifestation qui ouvre aux auteurs tchèques une fenêtre sur le monde et leur permet de se mesurer avec leurs collègues allemands. Le fait de ne pas pouvoir présenter aux jurés la version originale de leurs vers peut être considéré cependant comme un handicap car la réaction des jurés doit nécessairement dépendre beaucoup de la qualité du traducteur. Marie Šťastná a eu la chance d’avoir une bonne traductrice :

« Je crois qu’elle a très bien traduit mes vers. Moi, je cherche à dire les choses d’une façon simple et compréhensible. Et quand j’ai examiné les traductions en allemand, je dois dire que j’ai aimé ce ton simple, évidemment dans la mesure où je comprends l’allemand, où je peux le juger. Cette simplicité me convenait. »

Dans le cadre du festival international de Dresde « Bardinale 2010 » ont eu lieu aussi des lectures publiques pendant lesquelles Marie Šťastná a pu assister aux réactions du public :

« Je dois avouer que ce qui m’a fait le plus plaisir, c’étaient les paroles d’une journaliste allemande qui m’a dit être très contente que cette voix douce, ait été appréciée. Elle a utilisé le mot ‘doux’. C’était un grand plaisir pour moi de constater que les voix douces ont été les plus entendues. Je dois dire que bien que j’aie été assez nerveuse, c’était cela que j’ai surtout retenu parmi toutes les choses qui ont été dites au cours de cette soirée. »

Il semble que le Prix de la poésie lyrique de Dresde pourrait ouvrir à la jeune poétesse le chemin vers les lecteurs allemands et attirer sur elle l’attention des éditeurs et des traducteurs des pays germanophones. Il est même probable que les oeuvres de Marie Šťastná traduites en langues étrangères vont se multiplier et que la poétesse se trouve au seuil d’une carrière internationale :

« Déjà au cours de la soirée de remise des prix, j’ai promis de faire traduire davantage de textes et de les présenter aussi dans des revues allemandes. Comme je n’ai envoyé au concours que dix textes assez courts, maintenant on va traduire d’autres textes que j’ai écrits. Et j’espère que cela continuera aussi à l’avenir. »