Frantisek Fröhlich, médiateur entre les cultures

Frantisek Fröhlich, photo: CTK

Le Prix national de traduction littéraire décerné récemment au traducteur Frantisek Fröhlich a attiré l'attention sur le travail de cet homme qui fait connaître depuis des années aux lecteurs et spectateurs tchèques la littérature scandinave, anglaise et américaine.

Le nouveau lauréat du Prix national sait bien que les prix littéraires ne sont pas toujours les indicateurs fiables des qualités des auteurs distingués. Devant le public venu assister à la cérémonie de remise des prix au musée de la Musique à Prague, il a cité un exemple démontrant que les opinions et les jugements changent avec le temps et que même le jury du prix Nobel peut se tromper.

« Je pense que les décisions sur les prix de ce calibre sont souvent influencées par des critères d'époque. Ni Ibsen, ni Strindberg n'ont reçu le prix Nobel. Par contre, en 1917 par exemple, le prix Nobel a été attribué ex aequo à deux auteurs danois : Henrik Pontoppidan, grand fondateur de la prose danoise moderne qu'on lit encore aujourd'hui, et Karl Gellerup, un auteur qui est aujourd'hui tout à fait oublié et j'ose dire, presque méprisé. Donc parfois le jury fait mouche, parfois il rate la cible de justesse, parfois il la rate complètement. »


On dirait que le chemin de Frantisek Fröhlich, né en 1934, a été tracé depuis le début et l'a mené directement à la traduction littéraire.

Frantisek Fröhlich,  photo: CTK
« J'ai étudié l'anglais et le danois à la faculté des lettres à Prague et peu après la fin de mes études, j'ai commencé à faire des traductions pour la Revue de littérature étrangère (Zahranicni literatura) qui venait d'être créée. Ainsi, dans le deuxième numéro de la revue, en 1958, j'ai publié plusieurs traductions. C'était un numéro presque exclusivement danois. »

Après ses études à la faculté des lettres, Frantisek Fröhlich a travaillé quelque temps à la Radio et ensuite à l'Institut de traduction et d'interprétation de l'Université de Prague. Il était attiré aussi par le théâtre.

« Au cours de ces dix à quinze dernières années, j'ai beaucoup traduit aussi des pièces de théâtre. C'est dû au fait, qu'après 1968, j'ai travaillé quelques années au théâtre pragois Cinoherni klub en tant que recteur et responsable du programme. J'ai donc eu l'occasion de connaître le milieu théâtral un peu aussi sur le plan pratique, et je me suis mis à traduire des pièces de théâtre, notamment Ibsen. Bien que j'aie traduit aussi un certain nombre de pièces de Strindberg, c'est Ibsen qui est, au cours des dix dernières années, au centre de mon activité de traducteur. J'ai traduit onze pièces de cet auteur et la majorité d'entre elles sont assez souvent jouées chez nous. »

Le lecteur tchèque doit à Frantisek Fröhlich 41 traductions d'oeuvres d'auteurs danois, de 16 oeuvres suédoises et 11 ouvrages traduits du norvégien. De même la liste des auteurs et d'oeuvres du domaine anglo-américain qu'il a permis de connaître aux lecteurs tchèques est impressionnante. On y trouve entre autres Saul Bellow, Daniel Defoe, Graham Green, Gerard Durell, Sinclaire Lewis, Bryan Stanley Johnson et Herbert George Wells.


En remerciant pour la distinction officielle devant les personnalités rassemblées à cette occasion au musée de la Musique à Prague, Frantisek Fröhlich, a fait une courte réflexion sur le rôle de traducteur d'oeuvres littéraires. Il a apostrophé directement l'Etat qui lui attribuait le prix national.

« Etat, je te remercie de m'avoir décerné le Prix de traduction littéraire. Bien que tu attribues ce genre de prix presque exclusivement aux vieux traducteurs qui sont au bout de leur chemin, j'espère que ce prix ne marquera pas la fin de mon activité de traducteur. A la différence de l'auteur, le traducteur devrait être invisible dans le texte. Plus il est fidèle à l'auteur, plus il est invisible dans la traduction. Ce n'est donc pas moi que vous voyez sur cette estrade, mais une longue file d'écrivains et dramaturges que j'ai servi de mon mieux et dont j'ai tâché de sauver le ton inimitable, afin qu'on ne me voie pas moi, simple médiateur, mais l'auteur lui-même. Je dois donc remercier surtout tous ces auteurs danois, suédois, norvégiens, anglais et américains dont j'ai fait connaître les oeuvres aux lecteurs et spectateurs tchèques. Ce sont eux qui m'ont permis, en toute modestie, d'ouvrir au public tchèque l'accès à ce qu'il y a de mieux dans leurs oeuvres et d'enrichir l'image que nous nous faisons de la littérature mondiale de quelques traits marquants. »

Pour avoir contribué à la meilleure connaissance de la culture danoise dans son pays et pour avoir contribué au développement des rapports tchéco-danois Frantisek Fröhlich a été décoré du titre de chevalier de l'ordre danois de Dannebrog.