Une nouvelle exposition inaugurée à Lidice rappelle la tragédie d'il y a 64 ans

Le musée de Lidice

Dimanche dernier, une cérémonie du souvenir a eu lieu à Lidice, un ancien village minier situé à 20 km à l'ouest de Prague et devenu, le 10 juin 1942, symbole de la barbarie nazie. Sur ordre de Hitler et sous prétexte des liens qu'entretenaient ses habitants avec les auteurs de l'attentat contre Heydrich, Lidice a été rasée en représailles de l'assassinat du protecteur du Reich par des résistants tchèques. Les hommes ont été fusillés, tandis que femmes et enfants ont été déportés dans des camps d'extermination.

Le drame de Lidice s'est passé le lendemain des obsèques du protecteur Heydrich. Les nazis ont encerclé le village, 173 hommes présents ont été fusillés sur le champ dans la ferme Horak, détruite en dernier parmi les 102 maisons incendiées et rasées. 19 autres hommes qui revenaient de leur service de nuit à la mine ont été abattus plus tard. 196 femmes ont été déportées au camp de Ravensbrück, 105 enfants arrachés à leur mère. 143 femmes et 17 enfants ont survécu à la tragédie. Deux hommes de Lidice sont également restés en vie : Josef Horak et Josef Stribrny, officiers partis en Angleterre comme pilotes de la Royal Air Force. Ce sont eux qui ont servi de prétexte aux nazis pour anéantir le village, car ils les soupçonnaient d'être en contact avec les auteurs de l'attentat contre Heydrich. Un soupçon qui n'a jamais été avéré. Ni l'un ni l'autre ne se sont installés à Lidice après la guerre : Josef Horak a épousé une Anglaise et son fils est aujourd'hui le seul homme de la famille Horak de Lidice en vie.

L'intention qu'avaient les nazis de raser le village de la carte a échoué. Encore durant la guerre, un film intitulé « Le village silencieux » et recréant la tragédie au pays de Galles dans un village minier similaire, a été tourné par le réalisateur anglais Humphrey Jennings. Le monde a ainsi pris connaissance de la tragédie. Après la guerre, les femmes et les enfants retrouvés après deux années de recherches sont retournés à Lidice. La première pierre du nouveau village a été posée durant l'été 1947, à 300 mètres du village anéanti. 150 nouvelles maisons ont été construites. Quel souvenir garde Anna Supikova, une des femmes retournées à Lidice qui avait 10 ans au moment de la tragédie ?

« Aucun des cinq membres de notre famille n'a survécu, je suis la seule à être restée en vie. Le plus tragique pour moi est que mon frère n'ait pas échappé à la cruauté du destin : il avait 15 ans et 2 mois lorsqu'il a été assassiné avec des ouvriers rentrant du service de nuit, le 16 juin, au champ de tir de Prague-Kobylisy. »

Le territoire de l'ancienne commune de Lidice rasée a été aménagé en un lieu de piété marqué par une croix portant une couronne en fil barbelé. Une grande roseraie a été installée avec des rosiers envoyés d'un peu tous les coins du globe. La construction d'un monument mégalomane en chantier dans les années 1980 a été abandonnée après 1989. Un mémorial relativement modeste se trouvait au musée de Lidice. En 2001, une organisation baptisée Le mémorial de Lidice a été constituée dans le but de rénover le territoire de piété et les bâtiments laissés à l'abandon. Dimanche

dernier, une nouvelle exposition audiovisuelle et multimédia a pu être solennellement inaugurée dans les locaux agrandis et modernisés du musée de Lidice. Elle porte le titre éloquent : « Les innocents étaient des coupables. » Au début, un film documentaire sur l'histoire du village est projeté. Ensuite, le visiteur se familiarise avec les moments-clés liés à son destin tragique : l'arrivée de Heydrich à Prague, les préparatifs de l'attentat, son accomplissement et la revanche atroce des nazis. La partie la plus émouvante de l'exposition est conçue comme une reconstitution sonore des lettres écrites par les enfants de Lidice dans les camps de concentration, dit le directeur du mémorial Lidice, Milous Cervencl :

« L'exposition est avant tout dédiée aux enfants de Lidice, victimes les plus innocentes de la tragédie de Lidice. Les deux parties de l'exposition qui leur sont consacrées sont sans doute les plus émouvantes de ce qu'on peut y voir. Les jeunes qui viennent voir l'exposition n'ont pratiquement aucune idée de la tragédie. Nous voulons que cette exposition leur apprenne que Lidice a été victime d'un génocide, de l'intolérance d'un Etat envers un autre. Qu'ils prennent conscience que ce n'est pas de la préhistoire et que, aujourd'hui encore, on peut trouver, en Europe, des lieux de tragédies similaires - dans les pays de l'ancienne Yougoslavie ou à l'école de Beslan, par exemple. Cette exposition voudrait être un avertissement contre toute manifestation de nationalisme et de xénophobie. »

L'intérêt des écoles pour la visite de la nouvelle exposition du musée de Lidice est énorme. Au mois de mai dernier, elle a accueilli 1200 enfants d'écoles tchèques et près de 1100 venus de l'étranger.