L’église de Lomec, haut lieu de mémoire et de recueillement

L'église de Lomec

Haut lieu de pèlerinage en Bohême, Lomec est un sanctuaire baroque à 130 km au sud-ouest de Prague niché au milieu des forêts. Le pèlerinage marial s’y est développé depuis le XVIIIe siècle autour d’une statue miraculeuse de la Vierge Marie à l’enfant Jésus qui est une copie de la statue originale de l’église Notre-Dame-de-Foy, en Wallonie. Radio Prague a visité le lieu de mémoire et de recueillement en cette période de Noël où de nombreux pèlerins de toute la République tchèque et de pays voisins y affluent, pour s’entretenir avec la soeur Mlada de l’histoire du sanctuaire :

L'église de Lomec
« L’histoire du sanctuaire de Lomec est liée à la maison de Bucquoy : Charles, comte de Bucquoy, qui possédait un château dans la commune voisine de Libějovice a reçu la petite statue de la Vierge Marie de son beau-frère. La statuette de 20 centimètres de haut est exposée au-dessus de l’autel, protégée par une vitrine. C’est une copie. L’original de la statue de la Vierge Marie faite de terre cuite a été découverte en 1609 par un bûcheron de Wanlin dans un chêne qu’il venait d’abattre. La découverte extraordinaire a conduit à une grande dévotion mariale, soutenue par quelques miracles qui se produisent. Ainsi, l’épouse du bûcheron, gravement malade, a été miraculeusement guérie après avoir prié devant cette statue. Plusieurs copies de la petite statue ont été faites avec le bois de ce chêne et l’une d’entre elles a été offerte aux comtes Bucquoy. »

Charles Bucquoy
Charles-Bonaventure de Longueval, comte de Bucquoy, né en 1571 à Arras et mort en 1621 à Nové Zámky en Slovaquie, fut un homme de guerre au service du Saint Empire romain germanique. En 1618, il est chargé par l’empereur Ferdinand II de la répression du soulèvement en Bohême qui suit la Défénestration de Prague. Le 8 novembre 1620, le comte de Bucquoy commande une des armées victorieuses lors de la bataille de la Montagne Blanche qui remporte la victoire sur les Etats tchèques. L’empereur le récompense en lui attribuant plusieurs possessions en Bohême, dont Libějovice ou Rožmberk.

Selon la légende, Charles de Bucquoy avait la statuette sur soi au moment où un violent orage a failli balayer le bateau à bord duquel il voyageait de Rome en Espagne. Par reconnaissance d’avoir évité le naufrage, il a décidé d’ériger à Lomec, une colline sur le territoire de son domaine, un sanctuaire abritant la statue. Les travaux de construction ont été achevés par son fils, Philippe Emmanuel, car Charles meurt subitement. Le maître-autel, au centre de l’église, richement sculpté, est une variation de l’autel créé par le sculpteur Borromini pour la basilique Saint-Pierre à Rome et représente un chef-d’oeuvre du baroque en Europe centrale, observe la soeur Mlada :

Photo: Kristýna Maková
« Le maître-autel soutenu par quatre piliers est une copie en miniature de l’autel de la basilique Saint-Pierre du Vatican. Il existe trois copies de ce type d’autel, sous le baldaquin baroque. Parmi elles, l’autel de Lomec est le plus petit et comme on dit aussi le plus beau, car il est fait d’un bois richement sculpté et orné. La statue de la Vierge-Marie est placée au-dessus de l’autel, dans le tabernacle. C’est une autre rareté à l’échelle de l’Europe centrale car nulle part ailleurs le tabernacle n’est accroché au-dessus de l’autel. »

Jusqu’au XIXe siècle, la construction de l’église de Lomec a été attribuée à l’architecte tchèque d’origine italienne Jan Blažej Santini-Aichel. Or c’est Emmanuel comte de Bucquoy, en personne, qui a érigé cette église. La première pierre a été posée en 1692, puis, les travaux ont été interrompus pour être achevés en 1702. L’église a été consacrée en 1704 et un an auparavant, le mariage d’Emmanuel Bucquoy y a été célébré. A sa mémoire, on y garde le blason des Bucquoy : trois rayons blancs sur un fond rouge.

Un autre objet qui attire notre attention à l’intérieur de l’église : le chemin de croix conçu par Vojtěch Kafka pour être placé à l’extérieur, sur le chemin reliant l’église et le cimetière. Le régime communiste l’a interdit et pour cette raison, les quatorze stations du chemin de croix ornent les murs de l’église, explique la soeur Mlada. On l’écoute :

La soeur Mlada
« Parallèlement à la construction de l’église, les Bucquoy ont érigé en face de celle-ci un petit château de chasse. Plus tard, ce château a abrité une école. Depuis 1971, il est le siège de notre ordre, la congrégation des Soeurs Grises de l’ordre de saint François, qui, en cette année-là, a dû quitter le couvent siégeant dans la rue Bartolomějská, au centre de Prague. La police a aménagé des locaux du couvent en salles d’interrogatoire. Les soeurs sont parties d’abord à Osek, puis à Lomec où notre ordre est resté jusqu’à aujourd’hui. Dans les années 1990, on nous a restitué notre ancien couvent dans la rue Bartolomějská. Une partie des soeurs y est retournée et le couvent a pu être rouvert au culte. »

Le sanctuaire de Lomec est un important lieu de pèlerinage qui rassemble sur place des centaines de catholiques chaque premier samedi du mois, et le 13 de chaque mois, les pèlerins de différents coins de Bohême ainsi que d’Allemagne y affluent. Avant 1989, le cardinal František Tomášek a plusieurs fois célébré des messes à Lomec.

Photo: Kristýna Maková
En 2000, un autel extérieur a été érigé à côté de l’entrée du sanctuaire, devant lequel les messes sont célébrées, pendant l’été. Depuis 2005, un nouveau chemin de croix extérieur mène de l’église jusqu’au cimetière. En 2006, le père Patrick a fait créer derrière l’église un jardin de méditation consacré à la Vierge Marie. Une croix en bois, des pierres en relief pour décorer le jardin ou encore une lumière en forme de lanterne donnent à l’endroit une ambiance magique.

Photo: Kristýna Maková
En 1817, lors des travaux de rénovation, les ouvriers ont retrouvé dans la coupole de l’église une lettre qui y avait été déposée en 1701 par son bâtisseur, Emmanuel Bucquoy, et qui confirme l’authenticité de la statue mariale. Comme on peut le lire dans la chronique de la paroisse, plusieurs miracles y auraient eu lieu. Un tableau votif est accroché sur le mur de l’église :

« Le texte de l’inscription sur ce tableau est le suivant : Ex Voto 1722. Le tableau a été offert par un prêtre de Lomec. Les chevaux tirant un carrosse se sont emballés et traînent à terre le prêtre qui n’a cessé d’adresser ses prières à la Vierge Marie. D’un coup, les chevaux se sont arrêtés et le prêtre s’en est sorti sans blessure. A la mémoire du miracle, il a offert à l’église ce tableau votif. »