Le roi Georges de Podebrady - précurseur de l'idée d'une Europe unie

Georges de Podebrady

Le 1er mai, l'Europe des Quinze deviendra l'Europe à 25. L'idée d'une Europe unie n'est, cependant, pas une affaire des XXe et XXI siècles. Dans l'histoire tchèque, on trouve un précurseur de cette idée: le roi Georges de Podebrady.

Georges de Podebrady
Fils du seigneur morave de Kunstat mort lors des guerres hussites, Georges est resté fidèle à son legs. En 1448, il a pris d'assaut Prague dominé alors par le parti catholique. Depuis 1452, il était gouverneur du pays régnant à la place du roi mineur Ladislas. Lorsque celui-ci meurt, Georges est élu, en 1458, roi de Bohême. En dépit de ses succès militaires, il est un roi préférant à l'épée la diplomatie. Son nom restera lié à un projet dépassant son temps: celui de création d'une union pacifique pan-européenne des pays souverains égaux en droit, ayant le statut d'une charte pacifique universelle. On dirait, aujourd'hui, le projet d'une Europe unifiée. Durant les années 1463 - 1464, George a entrepris une vaste action diplomatique. Son objectif était d'obtenir le consentement du roi de France, le plus puissant à l'époque en Europe, pour ce projet de création d'une ligue d'Etats chrétiens pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité et pour la défense contre les Turcs et où les conflits seraient réglés par une cour d'arbitrage. Il y a de cela exactement 540 ans, en mai 1464, la mission d'ambassadeurs du roi tchèque est partie de Prague en direction de Paris.

Ce n'est pas un hasard que le nom de Georges de Podebrady figure dans l'appellation de la Fondation pour la coopération européenne créée en 1995. A son président, le professeur Alexandr Ort, j'ai demandé est-ce que Georges de Podebrady peut vraiment être considéré comme un précurseur de l'idée d'une union européenne:

Georges de Podebrady
"Oui, c'est une curiosité de l'Europe, parce que nous, les Tchèques, nous étions l'une des premières nations qui ont cherché à moderniser l'Eglise catholique. Le mouvement hussite a été à l'origine de ce que le roi hussite Georges de Podebrady a fait présenter à l'Europe, au début du XVe siècle. Il a réussi à stabiliser la situation de notre pays après les guerres hussites qui étaient pratiquement des guerres civiles, et c'est pourquoi il a été finalement élu, à l'unanimité, par les nobles catholiques et protestants, roi de Bohême. Depuis ce temps jusqu'à la Guerre de Trente Ans, notre pays a été le seul en Europe centrale où une tolérance religieuse était garantie. En même temps, parce que le mouvement hussite était mal vu par le pape, Georges de Podebrady a décidé de venir avec l'idée d'une coopération européenne à base des conseils de monarques. Il a envoyé une grande délégation en France, il a présenté son idée dans les différents documents de l'époque, et il a même pensé à constituer un petit parlement européen qui devait chercher à régler les problèmes d'Europe par la voie pacifique et non pas par les guerres comme c'était presque une règle, au Moyen-Age. Certainement, cette idée était un peu prématurée, mais finalement il faut dire que même la première organisation internationale, la Société des nations créée en 1920, a constaté que cette idée était constructive pour l'Europe et qu'on cherchera à la réaliser dans une étape tout à fait nouvelle, du XXe siècle. Et même l'ONU, dans un certains sens, reflète certaines de ses idées."

Pouvez-vous rappeler le rôle de la France dans ce projet de Georges de Podebrady?

"Ce rôle était très important, parce que le roi de France n'acceptait pas toujours le rôle du pape et, de ce fait, il était assez favorable à ce projet, mais de l'autre côté, il y avait l'Allemagne et d'autres pays qui n'étaient pas tout à fait favorables. Et puis c'était la période ou les Turcs commençaient à attaquer les Balkans et le pape a, à nouveau, voulu jouer un certain rôle de coordinateur dans cette lutte contre les Turcs."

La réponse du roi français n'a donc pas été entièrement favorable?

"Il faut voir la situation telle qu'elle l'était: chaque roi était le chef de son Etat et ne voulait pas que ses pleins pouvoirs soient limités, c'était le plus grand problème justement de ce projet - comment persuader les monarques souverains et, en même temps, comment coopérer pour régler les questions de conflit en Europe. Il en est ainsi aujourd'hui, quand certains de nos politiciens croient que nous allons perdre notre souveraineté, en devenant membre de l'U.E. Et les rois, eux, se sentaient représentants de Dieu, alors ils ne voulaient pas limiter leurs pouvoir du tout. C'est pourquoi il était tellement difficile pour Georges de Podebrady de persuader les autres, et le roi de France était l'un des plus grands monarques en Europe, alors, certainement, lui, il ne voulait pas accepter les décisions d'un conseil de monarques qui ne seraient pas tout à fait en accord avec son point de vue."