Le 5 mai 1945, l’insurrection du peuple tchèque éclatait

La place de la Vielle-Ville, photo: www.ahmp.cz

Le signal de l'insurrection a été donné par le Conseil national tchèque par l'intermédiaire de la Radio tchécoslovaque qui servira à partir de ce moment-là de médiateur coordonnant les activités sur les 1 600 barricades érigées dans Prague. L’appel à venir en aide au peuple insurgé est diffusé à midi et demi, le 5 mai 1945. Il devient une injonction à la résistance massive contre l’occupant :

« Nous appelons la police tchèque, les gendarmes, l'armée, à venir en aide à la radio. Venez tous à la radio, les Tchèques y sont massacrés, nous appelons tous les Tchèques. »

La place de la Vielle-Ville,  photo: www.ahmp.cz
Près de 30 000 personnes ont pris part aux combats, la première semaine du mois de mai 1945. 1 698 personnes sont mortes au cours de cette semaine. Antonín Šticha, président de la Communauté des légionnaires tchécoslovaques, a participé à l’insurrection et aux combats. Il est d’ailleurs lauréat de la distinction : Combattant pour la Radio. 65 ans après, il estime que l’importance de l’insurrection n’est pas perçue comme il le faudrait, conséquence, aussi, d’une déformation par le régime précédent, car le régime d’après-guerre distinguait entre les différentes organisations de résistance :

Antonín Šticha
« Non seulement une mauvaise interprétation de l’insurrection, de ses motifs, a été donnée, mais en plus, on accentuait les mérites d’une seule partie au détriment des autres. Je ne voudrais pas accuser aujourd’hui le parti communiste en tant que tel mais on oublie que tous les Tchèques ont pris part aux combats, tous les Tchèques sont allés sur les barricades, on ne parlait pas de politique, mais uniquement de la libération de la patrie. »

Rudolf Toussaint et K.H. Frank,  photo: CTK
Le 8 mai 1945, la capitulation était signée à Prague par le général allemand Rudolf Toussaint et le Conseil national tchèque. La Wehrmacht, dirigée par le général Schörner capitule, mais les SS, eux, n’ont alors pas encore déposé les armes. Quel a été le rôle joué par l’insurrection praguoise face à ces forces armées, est-ce qu’elle a réussi à déjouer leurs plans de renforcer leurs positions à Prague ?

Les prisonnier allemands,  photo: CTK
« Je n’ai aucun doute là-dessus, car elle a réussi à éviter l’occupation de ce qui était en jeu ces jours-là : les cibles stratégiques dont en premier lieu les ponts sur la Vltava et sur l’Elbe que les Allemands avaient l’intention de maintenir à tout prix face à l’armée soviétique venant du nord. De ce point de vue, l’insurrection praguoise a joué le même rôle qui, autrement, incombe aux troupes parachutées dont la tâche est de créer un arrière-front permettant une offensive rapide des armées attaquantes. »

L’Armée rouge,  photo: CTK
L'insurrection du peuple tchèque qui a éclaté non seulement à Prague mais aussi dans plus de 290 autres communes, a précipité la fin de la guerre. Prague a été libérée le 9 mai, à l’aube, par l’Armée rouge arrivée de Dresde. Pour certains, Prague aurait pu être libérée plus tôt si les Américains n'avaient pas dû respecter la ligne de démarcation convenue dans l'esprit de la future division de l'Europe. Or Prague était prédestinée à faire partie du bloc de l'Est. Ceci dit, quel est le regard porté sur l'insurrection par l'ancien pilote de la RAF, le capitaine Jaroslav Chejstovský ?

Jaroslav Chejstovský,  photo: www.pametnaroda.cz
« Nous, en Angleterre, nous étions prêts, les avions étaient prêts à s'envoler pour Prague. Si la direction politique nous l'avait permis, l'insurrection n'aurait pas dû durer quatre jours, car nous étions capables d'être à Prague quatre heures après son éclatement. »

Après le coup d'Etat communiste de 1948, l'insurrection pragoise est devenue l'objet de manipulations et de désinformation. Ainsi, l'un des tabous concerne l'engagement des troupes de Vlasov, soldats soviétiques mais adversaires de l'Armée rouge ayant créé leurs propres unités. L'historien Eduard Stehlík de l'Institut militaire historique :

Le général Andrej Vlasov
« Il ne faut pas glisser vers l’extrême inverse et dire que Prague a été libérée par les troupes de Vlasov, après qu'il ait été interdit, jusqu'en 1989, de parler de leur aide. Cette aide était surtout psychologique, mais aussi militaire : ces soldats bien armés ont surtout bloqué les parties sud-ouest de Prague. Près de 300 d'entre eux sont tombés. Mais le principal poids des combats reposait sur les Tchèques qui ont gagné, eux-mêmes, l'insurrection. »

Le général Karel Kutlvašr
Le régime communiste n'a jamais pardonné aux acteurs et héros de l'insurrection que Prague se soit libérée d'elle-même, avant même l'arrivée de l'Armée rouge. Le capitaine Nechanský, membre du Conseil national tchèque et co-signataire de la capitulation, fut exécuté. Un autre signataire de la capitulation, le général Kutlvašr, fut quant à lui emprisonné dans la même cellule que celui contre qui il avait lutté, le général allemand Toussaint...