L’attentat contre Heydrich (2ème partie)

Coche de Heydrich (a la derecha), Kobylisy

A maintenant une semaine des 67 ans de l’assassinat du Protecteur de Bohême-Moravie, Reinhard Heydrich, nous revenons, dans ce deuxième volet, sur un acte héroïque, qui a engagé de nombreux anonymes dans la résistance.

" Le chef de gare a un chapeau rouge et tout le monde le reconnaît... ". Cette chansonnette tchèque, aux accents incroyablement légers, date pourtant de 1941, une année particulièrement sombre en Bohême-Moravie, placée sous la coupe de Reinhard Heydrich.

Nous avions évoqué, il y a deux semaines, les préparatifs de son assassinat, occasion, pour de nombreux Tchèques, de passer de la résistance passive à la résistance active. L’après-attentat sera tout aussi révélateur de l’esprit d’une bonne partie de la population civile.

Juste après l’attentat, une jeune femme, sympathisante nazie, décide de trouver une voiture pour amener Heydrich à l’hôpital de Bulovka, le plus proche. Elle arrête le camion d’un certain Karel Duben, qui transporte des boîtes de bonbons depuis Troja, et lui ordonne de vider son véhicule pour transporter le Protecteur. Le chauffeur et son collègue sont bien obligés de s’exécuter mais ils déchargent leur marchandise avec la plus grande lenteur, tandis qu’Heydrich, pâle, est appuyé sur le véhicule. Ce sera finalement une Tatra qui servira de taxi.

Même esprit de résistance larvée chez le médecin tchèque, le docteur Vladimír Šnajdr, qui voit arriver Heydrich à l’hopitâl. Il devait témoigner, quelques années après, du cas de conscience qui l’avait alors assailli. Devait-il soigner ce tyran doublé d’un assassin ? Il n’aura pas à y réfléchir trop longtemps puisqu’ un corps médical allemand prendra rapidement le moribond en charge. En vain, Heydrich décède d’une septicémie quelques jours après.

Edouard Beneš
Vojtechowsky, Svatoš, Hošek, Kropáčková, les noms de citoyens anonymes, qui aidèrent ou hébergèrent les parachutistes sont nombreux. Beaucoup ont été victimes de la Gestapo.

Le 15 mai 1942, le président Edouard Beneš envoie, de Londres, un message aux résistants tchèques : " Même chez nous, une démonstration de force, de révolte, une action ouverte, des sabotages, des manifestations pourraient devenir désirables ou nécessaires. Sur le plan international, une telle action contribuerait à la sauvegarde de la nation, même si elle était payée par de grands sacrifices. "

Emanuel Moravec
Le président tchèque en exil fait-il allusion au projet d’assassinat d’Heydrich ? A vrai dire, on ne peut même pas affirmer qu’il fut au courant de la date de l’opération, encore deux semaines auparavant ! C’est en tout cas pour éviter ce sacrifice que la Résistance intérieure demandera l’annulation de projet et le remplacement d’Heydrich par une autre cible : Emanuel Moravec, ministre et grande figure de la collaboration tchèque. On en a gardé trace par un télégramme, envoyé à Londres le 12 mai 1942.

En décidant de supprimer un homme moins important qu‘Heydrich, l’UVOD (direction centrale de la résistance intérieure) pense épargner les prisonniers et les citoyens. Moravec était détesté et faisait une victime parfaite. Un discours de propagande de Moravec montre son fanatisme et son aveuglement, nous sommes en avril 1945 et la guerre est déjà perdue pour le Reich :

" Chers Tchèques, au milieu de l’une des pires guerres, et jusqu’aux derniers jours, les Pays tchèques vivent dans la tranquilité et la sécurité. Chez nous, la faim n’existe pas et, de même, il n’y aura aucun désordre incontrôlé. La sécurité est ici assurée, même si elle est parfois perturbée en certains endroits isolés du pays, par des bandits sans foi, qui font honte à tout le peuple. Nous en aurons bientôt fini avec ces hordes ! "

Gabčík et Kubiš
Gabčík et Kubiš étaient de toute façon déterminés à accomplir leur tâche jusqu’au bout et en frappant Heydrich, ils toucheront le cœur du Reich.

Les funérailles de Heydrich
C’est Karl Hermann Frank qui téléphone à Hitler pour l’avertir de l’attentat. Promu Protecteur de Bohême-Moravie à titre provisoire, l’ancien libraire de Karlovy Vary doit procéder à l’arrestation de 10 000 Tchèques suspects d’activités anti-allemandes. Frank propose à Hitler d’opter plutôt pour des exécutions ciblées car, selon lui, une répression de masse conforterait la propagande alliée dans le sens d’une unanimité nationale en faveur des résistants. Sanglante, la répression aura aussi ses subtilités... Les arrestations et exécutions qui se succèdent durant le mois de juin 1942 sont d’ailleurs inefficaces, seule la trahison de Karel Čurda, l’un des parachutistes, permettra à la Gestapo de localiser la cache des membres du commando, dans la crypte de l’église Saint-Cyrille-et-Méthode à Prague.

Un dernier mot sur la femme de Heydrich, qui nous vient du jardinier de Panenské Břežany, lieu de résidence des Heydrich, un certain Václav Krans. Dans un témoignage, il dresse le portrait d’une femme froide et calculatrice. La nouvelle de la mort de son mari la laisse de marbre, sa première réaction est d’insulter la nation tchèque dans une attitude de fierté. Elle n’assistera d’ailleurs pas aux funérailles de Heydrich, y envoyant ses deux fils, et occupée, pendant ce temps, à faire expédier des vivres pour Berlin...