La production historique des usines de chaussure Bata est exposée au Design centre à Prague

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Tomas Bata, fondateur de l'empire de la chaussure, avait 21 ans, lorsqu'il a fait enregistrer, en 1894, à Zlin, sa ville natale, la firme portant son nom. Bientôt, ce self made man a introduit de nouveaux procédés de production et de nouvelles technologies inspirées par Henry Ford. La ville de Zlin, il l'a transformée en un centre industriel et d'habitation moderne, réputé pour ses usines, son gratte-ciel, son hôpital et ses maisons pour ouvriers. En 1932, Tomas Bata a trouvé la mort dans un accident d'avion et c'est son fils, Tomas Bata junior, qui a repris l'entreprise familiale. Après 1989, les usines de Zlin n'ont pas été restituées à la famille. Il n'empêche que Tomas Bata a des continuateurs en République tchèque.

« Commençons par quelques devises de Tomas Bata : notre client, notre maître, la pensée aux hommes, le travail aux machines. En ce qui concerne l'art, il existe aussi quelques phrases authentiques de Tomas Bata, dont celle-ci : surtout que cela ne soit pas trop artistique. Nous n'avons pas peur des artistes, qu'ils viennent, par milliers à Zlin, nous donnerons à tous du travail, ils peuvent dessiner les chaussures. Ceci dit, il semblerait que Tomas Bata le fondateur et son successeur, Jan Antonin Bata, qui était son demi-frère, aient eu un rapport plutôt tiède envers les arts. Or la réalité était toute autre : ils ont collaboré avec plusieurs artistes, dont le peintre morave Jan Kobzane, le sculpteur Frantisek Gahura, les sculpteurs Jan Kotera et Vladimir Karfik. »

Entre les années 1931 - 1932, donc peu de temps avant sa mort, et à la veille de la crise économique mondiale, Tomas Bata a exprimé dans l'un de ses derniers discours public un grand espoir pour tous ses collaborateurs : « Ne craignons pas l'avenir. La moitié des habitants de cette planète a les pieds nus et moins d'un cinquième est bien chaussé. Comment a-t-il fait pour persuader ses employés ? Miroslava Stybrova nous l'explique.

« Des centaines, sinon des milliers de jeunes hommes et femmes arrivaient à Zlin, séduits par les idéaux et l'enthousiasme qui y régnaient, pour s'intégrer à la vie dynamique et moderne d'une ville industrielle. Bientôt, leurs produits ont conquis l'Europe, l'Amérique, l'Asie, l'Afrique. L'explication est simple : dans la firme Bata, ils ont reçu non seulement une formation, mais aussi la conviction qu'il n'y avait pas de raison de craindre l'avenir. Donc une assurance de soi-même. Tomas Bata avait une philosophie d'entreprise bien réfléchie : nous ne disparaîtrons jamais, même si nos usines sont fermées et nos machines rouillées, la philosophie d'entreprise survivra. »

La production des chaussures de la marque Bata reposait sur trois priorités : un matériel de première qualité, un design de pointe et une technologie parfaite. Pourtant, la firme ne s'est jamais orientée vers la production de luxe, seule une partie des collections destinées au marché américain avait un caractère de luxe. Tomas Bata voulait chausser le monde entier. Y correspondait le prix des chaussures, dit Miroslava Stybrova :

« Le prix d'une paire de chaussures variait entre 39 et 79 couronnes, ce qui n'était pas cher par rapport au salaire moyen d'un ouvrier des usines de Zlin qui gagnait 1 600 couronnes par mois. A part les collections de luxe, Bata fabriquait ce qu'on appelait les « modèles de pain ». Ces modèles étaient tellement bons et populaires que leur production s'est maintenue pendant plusieurs années. La firme avait aussi une philosophie de publicité bien réfléchie. Ainsi, elle produisait les mêmes affiches, en plusieurs langues. Le style unique était caractéristique. A titre de curiosité, en 1932, un million d'affiches a été distribué dans le monde entier. »

Avant la Deuxième Guerre mondiale, Tomas Bata junior a déménagé au Canada et c'est là qu'il a transféré l'empire familial, qu'il a fondé une nouvelle centrale de la firme. Un malentendu avec son oncle, Jan Antonin Bata, avait précédé cette décision. Après 1946, il porta plainte contre lui. Les procès pour la restitution des biens familiaux à l'étranger ont duré presque 17 ans. Miroslava Stybrova :

« Dans son pays d'origine, la Tchécoslovaquie, les demandes de restitution sont restées sans suite. Par contre, Tomas Bata a réussi presque partout, à l'étranger. Quant à son oncle, Jan Antonin, il s'est réfugié au Brésil pour abandonner définitivement la fabrication de la chaussure. Et c'est ce dernier, Jan Antonin, décédé en 1965, que ses filles essayent de réhabiliter. Pendant longtemps, on disait, en Tchécoslovaquie, qu'il avait collaboré avec les nazis. Une chose est sûre et historiquement prouvée :aucune firme tchèque ne pouvait faire ce qu'elle voulait, sous le protectorat. Toutes ces firmes étaient placées sous une administration allemande et il en était ainsi dans le cas de Zlin. »