Hommage aux pilotes tchécoslovaques de la RAF

Foto: Miroslav Krupička

Les pilotes tchécoslovaques ayant combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale dans la Royal Air Force ont un nouveau monument à Prague. Inaugurée le 17 juin dans le quartier historique de Malá Strana, la statue représentant un lion ailé a été offerte par la communauté britannique vivant en République tchèque en signe de remerciement de leur héroïsme.

Foto: Miroslav Krupička
Plusieurs centaines de personnes, quelques anciens combattants ainsi que le petit-fils de l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill, ont participé à la cérémonie d'inauguration à Klárov, non loin du Château de Prague. Tandis qu'en 1940, au moment de la bataille d’Angleterre, Winston Churchill a affirmé, à propos de l'importance du rôle joué par la RAF, que « Jamais tant de gens n'ont dû autant à si peu », son petit-fils, Nicolas Soames, a déclaré à son tour, plus de soixante-dix ans après :

« Le mémorial est un symbole de la résistance, du dévouement et de l'héroïsme de ces 2 500 hommes tchécoslovaques qui ont participé à la bataille d'Angleterre et qui méritent la gratitude, le respect et l'admiration du peuple britannique. »

Après la démobilisation de l'armée tchécoslovaque et la création du Protectorat de Bohême-Moravie en 1939, les Tchécoslovaques résolus à combattre ont quitté leur pays pour rejoindre les armées alliées. Les départs ont eu lieu dans des circonstances dangereuses, comme le décrit l'historien Ladislav Kudrna de l'Institut pour l'étude des régimes totalitaires:

RAF | Photo: public domain
« Lorsque la Bohême et la Moravie se sont retrouvées occupées, les aviateurs tchécoslovaques rejoignaient l'étranger via la Pologne voisine, ce qui est devenu impossible après l'invasion de la Pologne par Hitler en septembre 1939. Les pilotes ont ainsi été obligés d'emprunter la voie dite du sud, conduisant à travers la Hongrie, la Yougoslavie, la Grèce et Beyrouth jusqu'au sud de la France. Les pilotes tchécoslovaques ont été 2 402 à combattre sous les couleurs de la RAF, où ils ont servi au sein des célèbres 310e, 311e, 312e et 313e escadrons. Je pense pouvoir dire que les unités aériennes tchécoslovaques ont représenté l'élite de la résistance étrangère en Occident. »

D’une taille de deux mètres, le lion ailé se trouve sur un socle recouvert de granit en forme de cercle qui, vu d'en haut, évoque les armoiries de l'aviation militaire tchèque. Cette statue de bronze, dont l'auteur est le sculpteur britannique Colin Spofforth, a été moulée à l'atelier de Horní Kalná, en Bohême du Nord.

Des corps de batteurs et de cornemuseurs ont accompagné l'inauguration du monument. Un survol du chasseur légendaire Spirfire a complété la cérémonie à laquelle huit anciens combattants tchécoslovaques de la RAF ont pris part. Parmi eux, Petr Arton, venu d'Israël où il s'est réfugié après son départ de Tchécoslovaquie et qui a servi comme navigateur du bombardier Liberator:

« Une fois, notre avion se dirigeait droit en face d'un appareil Junkers. Le plus important dans ce cas de figure est de garder son calme sous peine d’être abattu. C'était un jeu de nerfs. Notre pilote a tenu bon, et c'est le Junkers qui s'est écrasé... »

Parmi les 2 402 Tchèques et Slovaques ayant servi dans la Royal Air Force, 493 ont été tués dans les combats. Car tous n’étaient des pilotes, ainsi que le rappelle l'historien Kudrna :

« Mis à part les hommes en uniforme bleu, les équipages tchécoslovaques comprenaient également les membres du personnel non navigant. D'autres soldats ont rempli des fonctions administratives ou ont servi comme officiers de liaison dans l'aviation royale britannique ou dans des unités d'entraînement. »

František Fajtl, Karel Kutlvašr, František Peřina, Petr Uruba : tels sont les noms de quelques-uns des pilotes légendaires engagés dans les campagnes de France et d’Angleterre. La guerre terminée, ces héros ont été victimes des représailles et ont figuré parmi les grands oubliés de l'après-guerre. Comme l'explique Ladislav Kudrna, le pouvoir communiste voyait d'un mauvais œil les résistants des fronts de l’Ouest :

« Déjà avant le coup d'Etat de février 1948, ces combattants avaient manifesté leur désillusion vis-à-vis du fonctionnement de la démocratie limitée. Contrairement à l'armée d'avant-guerre, celle d'après 1945 reposait sur des bases politiques. Les pilotes engagés dans la bataille d'Angleterre entraient souvent en conflit avec les officiers, pour la plupart communistes, qui se méfiaient de ces hommes. Après la guerre, 444 anciens pilotes de la RAF servaient encore dans l'armée tchécoslovaque, mais seuls 13 d’entre eux y sont restés suite aux purges d’après février 1948. »

L'inauguration du mémorial dédié aux aviateurs tchécoslovaques qui ont combattu dans la RAF suscite toutefois des controverses. L’Institut national du patrimoine (NPÚ) s’est opposé à ce que le monument soit installé à Malá Strana, quartier historique protégé de l'UNESCO. C’est pourquoi rien aujourd’hui ne permet d’affirmer que le mémorial exprimant la reconnaissance des Britanniques restera à sa place.

Foto: Miroslav Krupička
Si l'initiative est saluée par les historiens, parmi lesquels Jiří Rajlich, ceux-ci réfutent cependant la version selon laquelle le monument est le premier du genre dédié aux pilotes tchécoslovaques de la RAF. Un autre monument rendant hommage aux aviateurs se dresse depuis 1995 sur la place de la Liberté, dans le 6e arrondissement de Prague-Dejvice. Alors que le mémorial britannique fraîchement inauguré unit deux symboles – le lion de Bohême figurant sur les armoiries de l’Etat et des ailes en souvenir de l'héroïsme des aviateurs, la sculpture centrale du monument de Dejvice symbolise des ailes brisées. Sur les plaques installées sur les côtés sont inscrits les noms des 546 pilotes tchécoslovaques morts pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Enfin, comme le précise encore Jiří Rajlich, un mémorial reprenant les noms des 493 aviateurs tchécoslovaques de la RAF tombés durant la bataille d'Angleterre, se trouve au cimetière militaire de Brookwood, en Grande-Bretagne. Bien que de nombreux corps aient été rapatriés après la guerre en Tchécoslovaquie sur demande de leurs familles, leur mémoire est honorée sur des croix et des plaques sur lesquelles figurent le nom, le grade et la date de décès de chacun de ces héros.