Vladimir Holan, poète entre la parole et l'inexprimable

Vladimir Holan
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Le centenaire de la naissance de Vladimir Holan est une occasion pour évoquer ce poète, dont la silhouette gigantesque et sombre domine la poésie tchèque du XXe siècle.

"Vladimir Holan, parlez à n'importe qui là-bas, on sait qu'il est le plus haut des arbres de la forêt tchèque, celui qui est le plus près de l'orage et ses yeux reflètent naturellement les éclairs," a écrit Louis Aragon dans sa préface pour la traduction française d' "Une nuit avec Hamlet", un grand poème dont la version définitive est parue dans les années 1960 après une longue gestation. Poète sombre, poète nocturne, poète amer, Vladimir Holan était tout cela, mais il était aussi beaucoup plus. Dès son deuxième recueil, "Le triomphe de la mort", paru en 1930, il s'est forgé un langage poétique sobre et inimitable. Ses vers sont crus, dépouillés, surprenants. C'est une poésie où la parole n'est qu'une clé pour ouvrir le monde caché, le royaume du silence et de l'inexprimable.

"Dans cette maudite volière de Bohême,

il lançait ses poèmes avec dédain,

comme des morceaux de chair sanglante,"

écrira de lui un autre poète tchèque, Jaroslav Seifert, Prix Nobel de la Littérature. La vie de Vladimir Holan, délimitée par les dates 1905-1980, a été marquée par les tournants historiques de son siècle. Cet homme solitaire, vivant dans une réclusion volontaire, n'a pas échappé aux épreuves et aux pièges que l'histoire a tendu à son pays. Après les sombres années de l'occupation nazie, il n'est pas insensible à l'euphorie d'après-guerre. Il entre au Parti communiste et écrit des poèmes empreints de reconnaissance à l'armée soviétique. Mais ce n'est qu'une courte ivresse, et bientôt le poète coupe les liens avec le nouveau régime et sombre dans la solitude et dans la disgrâce. Seule la courte période du printemps de Prague précédant l'invasion soviétique en 1968 lui permettra de respirer et de publier sans entrave ses oeuvres.

Il ne se lassera jamais de poser par sa poésie des questions inquiétantes sur la vie et la mort. Il restera le poète tragique et plein de compassion pour les êtres sans défense, blessés, souffrants, mais purs. Malgré les grandes difficultés que pose la traduction de ses oeuvres, elles seront traduites dans de nombreuses langues, et même les francophones ont aujourd'hui la possibilité de lire Holan en français. C'est notamment le traducteur Dominique Grandmont qui leur a fait découvrir ce poète austère, empreint d'une profonde humanité. "La poésie, a écrit Holan, ne consent à nous parler qu'à une seule condition qui est cependant implacable: celle de l'aimer. Je ne le dis pas à la légère. Sans amour on ne peut rien. On ne peut même pas mourir sans amour."