Visite historique du chef de la diplomatie tchèque en Iran

Lubomír Zaorálek et Mohammad Javad Zarif, photo: ČTK

C’est par une entrevue avec le président iranien Hassan Rohani que le ministre des Affaires étrangères Lubomír Zaorálek a achevé ce lundi une visite de trois jours en Iran, la toute première pour un chef de la diplomatie tchèque. Grâce à l’accord sur le nucléaire iranien, la levée progressive des sanctions économiques internationales visant Téhéran fait en effet miroiter des promesses de nouveaux débouchés pour les entreprises tchèques dans un pays qui, par ailleurs, est un acteur essentiel pour la résolution de la crise au Moyen Orient.

Lubomír Zaorálek et Mohammad Javad Zarif,  photo: ČTK
A l’exception notable du gouvernement israélien, la plupart des pays du monde ont salué l’aboutissement des longues et incertaines négociations entre le P5+1, groupe composé des cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU ainsi que de l’Allemagne, et la République islamique d’Iran, avec la signature le 15 juillet dernier d’un plan global d’action. La République tchèque n’a pas fait exception à la règle et c’est ce qu’a indiqué dimanche le ministre Lubomír Zaorálek, à l’issue d’une rencontre avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif :

« La République tchèque salue incontestablement l’accord trouvé à Vienne sur le programme nucléaire iranien. Car selon nous, cet accord ouvre la voie à de nouvelles relations, de meilleures relations, entre l’Iran et l’Occident. »

Cet accord prévoit que l’Iran fournisse certaines garanties sur son programme nucléaire en échange d’un assouplissement des sanctions économiques prises à son égard dès les années 1980 par les Etats-Unis, amplifiées depuis 2006 à travers une série de résolutions votées aux Nations Unies. Ces sanctions ont réduit les recettes budgétaires du pays de 30% et impacté l’ensemble de la société selon le chercheur Thierry Coville, cité par le quotidien Libération. Un impact dont témoigne cet Iranien, interrogé par un journaliste de la Radio tchèque, qui travaille dans une entreprise familiale spécialisée dans la production de tapis :

« Les sanctions nous ont causé de gros problèmes. Nous ne pouvions pas, et ne pouvons toujours pas, réaliser des transactions financières avec les pays occidentaux ou même communiquer avec eux. Auparavant nous avions pourtant de très bonnes relations. Mais nous avons l’espoir que les choses changent prochainement. »

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Depuis l’annonce de l’accord, les visites de délégations étrangères se succèdent en Iran, alléchées par la perspective de réinvestir ce pays de près de 80 millions d’habitants, dix-huitième économie mondiale. Aussi, Lubomír Zaorálek n’est pas venu seul, mais accompagné d’une cinquantaine de représentants d’entreprises, avec des vues sur le secteur des infrastructures de transport, l’industrie pharmaceutique, ou l’économie verte, et qui ont participé samedi à un forum économique à Ispahan. Une première mission économique tchèque avait déjà mis les voiles à l’automne dernier vers l’Iran, où les exportations tchèques ne dépassent pas pour l’heure annuellement les 18 millions d'euros.

Irrité par la diffusion depuis Prague des programmes de Radio Farda, la rédaction perse de Radio Free Europe, Téhéran pourrait voir sous un jour nouveau ses relations avec la Tchéquie selon le chef de la diplomatie tchèque. Pour le directeur de Radio Farda, interviewé récemment sur Radio Prague, la levée des sanctions suscite de nombreux espoirs dans la société iranienne, mais pas celui d’une libéralisation du régime :

« Sur la vie matérielle et l’économie, oui, il y a beaucoup d’espoir. Sur l’emploi, les échanges commerciaux et les investissements étrangers, logiquement oui. Mais sur les droits de l’homme ou la liberté d’expression, non. Non seulement il n’y aura pas d’amélioration, mais il n’y a même pas d’espoir que cela puisse évoluer. »

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Avec Mohammad Javad Zarif comme avec Hassan Rohani, il n’a pas été question que d’économie. Outre la question des réfugiés, Lubomír Zaorálek a souligné le rôle que joue et doit jouer l’Iran, allié du régime de Bachar el-Assad, dans la lutte contre l’organisation de l’Etat islamique en Irak et en Syrie :

« Je crois qu’il est nécessaire de créer les conditions d’une solution politique. Jusqu’à présent, toutes les tentatives de ce genre pour la Syrie se sont plus ou moins avérées être des échecs. Il faut donc d’une certaine manière réévaluer l’attitude actuellement privilégiée et trouver un moyen d’associer à cette solution ceux sans lesquels celle-ci ne peut être trouvée. »

De son côté, Mohammad Javad Zarif a souligné la responsabilité politique des Etats-Unis et de leurs alliés dans la déstabilisation de la région et invité l’Arabie saoudite, le rival sunnite, à ouvrir les yeux sur la réalité de la situation.