Victoire écrasante de la gauche de Robert Fico : quelle leçon pour les Tchèques ?

Robert Fico, photo: CTK

Les photos de Robert Fico, 47 ans, grand gagnant des élections législatives anticipées en Slovaquie, tenues ce week-end, dominent les unes de la presse tchèque. « Le populiste le plus doué d’Europe centrale », selon les médias pragois, l’ancien Premier ministre social-démocrate a, en effet, remporté, avec son parti Smer, plus de 44% des voix – une victoire historique et… un scénario qui pourrait se reproduire en République tchèque.

Robert Fico,  photo: CTK
« Le gouvernement d’un seul parti » titre le quotidien Lidové noviny en faisant allusion au slogan de la révolution de 1989, où les Tchèques et les Slovaques, encore habitants d’un Etat commun, dénonçaient, à haute voix « le gouvernement d’un seul parti », du Parti communiste. Ce Parti communiste auquel Robert Fico avait d’ailleurs adhéré, en tant que jeune juriste, peu avant la chute du régime. Ce « carriériste familier de tous les régimes », comme l’étiquette la presse tchèque et qui avait déjà gouverné le pays entre 2006 et 2010, a donc assuré au parti Smer la majorité absolue au Parlement slovaque. Depuis la partition de la Tchécoslovaquie en 1993, aucune formation slovaque ni tchèque n’a savouré une telle victoire.

Un résultat dont rêve notamment le Parti social-démocrate tchèque, principale formation de l’opposition. En mars encore, elle entend présenter une nouvelle motion de censure à la Chambre des députés, contre la coalition gouvernementale tripartite de centre-droit. Bohuslav Sobotka est le chef de file de la social-démocratie tchèque :

Bohuslav Sobotka,  photo: CTK
« Pour la social-démocratie tchèque, le résultat du scrutin slovaque représente un grand encouragement. Nous ferons tout pour mettre un terme au gouvernement de la coalition de droite, comme cela s’est fait en Slovaquie. »

En Slovaquie, en effet, les quatre partis qui formaient le gouvernement de centre-droit sortant sont les grands perdants du scrutin de ce week-end. Le triomphe de la gauche est sans doute dû à une affaire de corruption présumée qui a éclaté en Slovaquie en décembre dernier et qui a frappé surtout la droite au pouvoir. Selon le chef de la diplomatie tchèque, Karel Schwarzenberg, le résultat des élections slovaques devrait constituer une leçon pour la coalition gouvernementale tchèque, dont plusieurs membres ont également été impliqués dans des scandales de corruption.

Le Premier ministre tchèque, Petr Nečas, lui, semble garder son sang froid et n’entend pas, pour l’instant, reconstruire son cabinet. Voici sa première réaction à la victoire du parti de Robert Fico :

Petr Nečas,  photo: CTK
« Evidemment, je ressens une certaine forme de jalousie… Tout Premier ministre voudrait que son parti gouverne seul. D’un autre côté, on pourrait dire, en plaisantant, qu’il ne peut arriver rien de pire à un parti politique que d’être obligé de réaliser à 100% son programme électoral… »

Le programme électoral du Premier ministre pressenti Robert Fico est basé sur de nouveaux impôts pour les plus fortunés – mesure destinée à consolider les finances publiques sans pénaliser les plus démunis et la classe moyenne.

La presse tchèque remarque que ces derniers temps Robert Fico accentue l’orientation pro-européenne de son parti Smer. Si le chef de la social-démocratie se déclare solidaire avec l’UE, le politologue slovaque Grigorij Mesežnikov, lui, est assez réservé à l’égard de ces propos. Lors de son récent passage à Prague, il a déclaré :

Photo: CTK
« Je pense que l’euro-optimisme du parti Smer est très formel. C’est un faux euro-optimisme, car au moment de l’adhésion de la Slovaquie à l’UE, ses représentants étaient très critiques vis-à-vis de certains éléments des politiques communes européennes. Le leader du parti, lui-même, mettait en cause les capacités des dirigeants slovaques à négocier de bonnes conditions pour la Slovaquie en tant que nouvel Etat membre. »

Comme le veut la tradition, c’est à Prague que le nouveau chef du gouvernement slovaque devrait se rendre pour son premier voyage à l’étranger.