Václav Havel, un homme libre vu à la télévision française

Photo: Archives d'Ivan Havel / Bibliothèque Václav Havel

Le 25e anniversaire de la Révolution de velours approche et la République tchèque est alors témoin d’un foisonnement d’événements qui ont lieu un peu partout dans le pays. De nombreux festivals, discussions et conférences sont organisés, afin de rappeler le changement de régime, qui s’est déroulé le 17 novembre 1989. A cette occasion, Radio Prague s’est entretenue avec la réalisatrice tchèque Andrea Sedlačková, à propos de son documentaire sur l’ancien président tchèque, intitulé « Václav Havel, un homme libre » - « Život podle Václava Havla », et qui sera diffusé sur la chaîne ARTE ce dimanche soir.

Andrea Sedlačková,  photo: Tomáš Vodňanský,  ČRo
« L’idée ne vient pas directement de moi. C’était une idée de ARTE qui a signé un contrat de co-production avec la télévision tchèque et le souhait de ARTE était de faire un premier film sur Václav Havel pour le 25e anniversaire du changement de régime en Tchécoslovaquie. En fait, c’est la productrice tchèque Alena Müllerová qui a eu l’idée de me proposer ce sujet, parce qu’elle savait que je faisais des documentaires, que je connaissais personnellement Václav Havel et que je vis en France. Elle pensait donc que je pouvais avoir un regard à la fois tchèque et à la fois un petit peu français. »

Combien de temps la réalisation de ce documentaire a-t-elle pris ?

« C’était à peu près huit à neuf mois de travail très intense, car j’ai décidé que j’allais faire le film qu’à partir des images d’archives, et que je n’allais pas interviewer des témoins, des amis, des historiens. Du coup, mon travail a été multiplié par cinq avec cette décision-là. J’ai regardé des centaines d’images d’archives. J’avais trois recherchistes d’archives en République tchèque et une en France. »

Justement dans le cadre de votre travail de recherche, avez-vous trouvé quelque chose de nouveau, quelque chose que l’on ne connaîtrait pas à propos de Václav Havel ?

Photo: Archives d'Ivan Havel / Bibliothèque Václav Havel
« Oui, pour un large public, qui sait uniquement que Václav Havel a été un dissident, il y a énormément de choses nouvelles. J’ai découvert, par exemple, que le voisin de la maison de campagne de Václav Havel avait dans son armoire des images des années 1970 et 1980, qui n’avaient jamais été projetées publiquement. J’ai également eu à ma disposition des images des années 1980 qui avaient été réalisées par Originální videožurnál ». Il s’agissait de personnes qui suivaient Václav Havel dans les dernières années de sa dissidence. On n’avait jamais vu ces images, sur lesquelles on peut voir des choses extraordinaires. Et je suis assez fière du fait que j’ai découvert dans les archives de la BBC des images de Václav Havel bébé. Václav Havel avait donné ces images très rares à un réalisateur en 1988 pour un documentaire, mais ce réalisateur ne les lui avait jamais rendues. Donc là, elles sont revenues au berceau, dans la famille Havel après quasiment trente ans. »

J’imagine qu’il n’a pas vraiment été possible, ou du moins difficile, de dissocier la vie privée de Václav Havel de la vie publique. Quel est l’angle que vous aviez envie d’adopter ?

Photo: Ondřej Němec,  Bibliothèque Václav Havel
« J’avais justement, envie de tout mélanger : raconter à la fois sa vie publique, artistique et privée. C’est vraiment un film qui travaille ces trois niveaux, qui s’entremêlent en permanence et qui s’influencent. J’ai constaté comme si Václav Havel n’avait jamais vécu de vie privée, car dès son plus jeune âge, 12 ou 13 ans, il s’est intéressé à l’économie politique, à la philosophie. Il essayait déjà de créer des groupes de réflexion rassemblant des étudiants, dont le programme était d’influencer la société. C’était le moteur de sa vie. Ce film, c’est un petit peu l’histoire de la Tchécoslovaquie vue par Havel ou Havel vu par l’histoire de la Tchécoslovaquie. »

Est-ce qu’il est possible de dire que Václav Havel est devenu populaire malgré lui, et donc par-là président de la République malgré lui ?

« Il en voulait pas être président. Entre 1968 et 1989, pendant 21 ans, il a vécu dans un manque de liberté totale et je pense qu’il savait que devenir président, c’était de continuer de vivre sans une certaine liberté. Grâce à la Révolution, il est devenu extrêmement populaire. C’était bien évidemment spectaculaire, car quelqu’un qui au mois de mai était encore en prison et qui devient président au mois de novembre. C’est quelque chose qui n’arrive pas très souvent. Mais malheureusement depuis, la côte de popularité de Václav Havel a énormément chuté. On ne peut pas dire à l’heure actuelle qu’il est adoré par tout le pays. Mais, j’ai aussi fait ce film pour un petit peu ‘réhabiliter’ Václav Havel. C’est peut-être un terme un peu fort, mais je voulais rappeler l’homme extraordinaire qu’il était. »

Photo: Ondřej Němec / Bibliothèque Václav Havel
Vous-mêmes vous avez personnellement rencontré Václav Havel. Quels ont été ses traits de caractère qui ont immédiatement attiré votre attention ?

« J’étais très séduite par son intelligence, son humour, son côté ‘je fais semblant que je suis timide, mais je ne le suis pas du tout’. C’était quelqu’un que l’on croyait timide, mais qui ne l’était pas. C’était un aventurier, un homme de fer en réalité. Mais il avait cette petite manière de marcher comme si c’était un enfant. Je dirais qu’il trompait physiquement, son caractère était très différent que sa parure physique. »

Symboliquement, le documentaire « Václav Havel, un homme libre » sera également projeté au cinéma Lucerna à Prague le 17 novembre prochain, et sera introduit sur les grands écrans tchèques dès le 20 novembre.