Traité de Lisbonne : « En cas de "oui" irlandais la pression sera énorme sur Prague »

L’Europe s’inquiète du sort du traité de Lisbonne en République tchèque et la pression monte. Si le oui finissait par l’emporter en Irlande le 2 octobre prochain, c’est en effet à Prague que la ratification resterait problématique. Il va falloir attendre la décision de la Cour constitutionnelle tchèque et aussi la signature du président de la République, Václav Klaus, l’un des plus farouches opposants au traité. Petr Drulák est le directeur de l’Institut des relations internationales à Prague.

Petr Drulák
En cas de « oui » au référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne, dans quelle situation va se retrouver la République tchèque selon vous ?

« Je pense que ce sera une situation très difficile parce qu’on peut supposer que le président polonais va lui aussi ratifier le traité, donc il est possible que la République tchèque reste le dernier pays de l’UE à ne pas avoir ratifié ce traité. Se posera la question de la procédure de la Cour constitutionnelle tchèque et après de la décision du président de la République. Mais je pense que cette hésitation tchèque sur le traité a déjà duré trop longtemps. »

Václav Klaus,  photo: CTK
Cela pourrait durait encore longtemps – on ne sait pas combien de temps cela va prendre à la Cour constitutionnelle. Apparemment le chef des conservateurs britanniques a écrit au président tchèque que si son parti était élu en mai prochain, ce qui paraît assez vraisemblale, il organiserait un référendum en Grande-Bretagne sur le Traité de Lisbonne. Ce qui fait que Václav Klaus pourrait être en quelque sorte celui qui va tout bloquer. Un tel scénario est-il possible selon vous ?

« Je ne le trouve pas vraisemblable parce que dans la situation où il ne manquerait que la ratification tchèque en attendant jusqu’au printemps prochain les élections britanniques, la pression internationale sur la République tchèque serait énorme. Je pense que ce serait très difficile pour le président tchèque de justifier son inaction en disant qu’il attend les résultats des élections britanniques. Donc la pression serait énorme et la position tchèque ne serait pas justifiable. »

Nicolas Sarkozy,  photo: CTK
Vous parlez de pression, elle monte déjà. La semaine dernière, les chefs d’Etat et ce gouvernment se sont rencontrés. Après cette rencontre il y a eu quelques déclarations, notamment du président français Nicolas Sarkozy qui insinuait déjà qu’en cas de « oui » irlandais l’Europe ne pouvait rester dans « un flou artistique » en visant apparemment Klaus et en parlant de « conséquences ». Sous quelle forme cette pression pourrait s’accentuer ?

« L’Union européenne n’a pas de sanctions formelles. Il n’est pas possible de forcer un pays à ratifier. Ce serait plutôt une pression morale. On pourrait réfléchir si 26 pays ne veulent pas commencer avec une union nouvelle sans la République tchèque... Mais ce sont des plans plutôt fantaisistes. Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de réel avec laquelle l’UE – ou la France - pourrait forcer la ratification. Donc ce sera une pression morale. On pourrait lier la ratification à d’autres problèmes de politique internationale qui intéressent la République tchèque. On pourrait les lier, mais on ne peut rien faire directement. »

Silvio Berlusconi,  photo: CTK
Le président du conseil italien Silvio Berlusconi a évoqué la possibilité d’avoir un « noyau dur » d’Etats, c’est-à-dire des Etats qui avanceraient plus vite que les autres en matière d’intégration européenne. Est-ce que vous pensez que la République tchèque à cause de ces délais pourrait vraiment se retrouver en marge ?

« C’est un des plans auxquels on peut réfléchir, mais ce n’est pas quelque chose qu’on pourrait faire du jour au lendemain. Créer un noyau dur avec un cadre légal, cela durerait plusieurs mois ou même plusieurs années donc ce n’est pas quelque chose qui pourrait aider à la ratification. Je suis d’accord que la possibilité d’exclusion de la République tchèque de l’intégration européenne serait un argument assez fort. Mais malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas un argument crédible. »