Stella Marisová, faire découvrir la Tchéquie aux Français par le chant

Stella Marisová, photo: Archives de Stella Marisová

Soprano et présidente de l’Association franco-tchèque d'Aquitaine, Stella Marisová a accompagné récemment ses élèves pour quelques jours à Prague. Ce stage culturel leur a permis d’interpréter des œuvres classiques tchèques ainsi que de la chanson française, notamment d’Edith Piaf, lors d’un concert au conservatoire Jana Deyla. Ancienne soliste de l’Opéra de Prague, Stella Marisová est désormais professeure à Bordeaux, où elle s’est donnée pour mission de promouvoir la culture tchèque. Défi audacieux, mais réussi selon elle.

Bordeaux,  photo: Langladure,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Quand je suis arrivée à Bordeaux, au milieu des années 1990, personne ne savait situer la République tchèque. En tant que chanteuse lyrique, j’ai proposé à Bordeaux et en France un répertoire tchèque. Je rencontrais souvent des gens qui me demandaient ‘C’est la Tchétchénie ? Où ça se trouve la Tchéquie ?’. Il n’y avait pas beaucoup de connaissances sur ce sujet. Prague à l’époque n’était pas très à la mode, ça l’est devenu après. »

Cela séduit-il les Bordelais et les Français en général ? Cela a-t-il un impact en France ?

« Oui, bien-sûr, cela séduit, car, au bout de quelques mois seulement, j’avais déjà soixante-dix personnes dans mon association. Après, avec les années, les gens partent, d’autres reviennent. Aujourd’hui, nous comptons à nouveau soixante-dix personnes. Je pense que c’est très bien pour une association. »

La musique tchèque est-elle susceptible de trouver des influences françaises et vice-versa ?

« Pour la musique tchèque, on peut parler de folklore lorsqu’il s’agit de la musique populaire. La République tchèque est coupée en deux, l’influence musicale de Prague est similaire à celle de Paris. En Moravie en revanche, la musique va plutôt vers le slave, vers le russe, vers une certaine nostalgie. C’est une autre façon de créer la musique populaire. Cela montre qu’il y a une autre attitude entre musiciens, donc on s’influence bien sûr. La musique classique trouve généralement ses sources dans la musique populaire en pays tchèques. Par contre, les Français ne s’inspirent pas autant de la musique populaire. Au contraire, j’ai l’impression que, d’une certaine façon, la musique populaire est un peu rejetée. »

Vous sentez-vous maintenant aussi proche de la culture française que de la culture tchèque ?

Stella Marisová,  photo: Archives de Stella Marisová
« Je vis en France depuis vingt ans et je suis une Française aussi. La France est donc devenue ma deuxième patrie et cela me pousse à comprendre certaines choses. J’arrive à comprendre pourquoi les Français ressentent les choses de telle ou telle façon. Avec la culture tchèque, c’est quand même beaucoup plus facile, car c’est mon éducation. Je vois quand même la différence. Cela me fait du bien de revenir à Prague ou en République tchèque, car je baigne dans quelque chose de très profond. Mais j’ai un peu de mal à imaginer me couper à vie de la France. C’est quelque chose qui est aussi près de mon cœur. »

Que pensez-vous de la place de la musique classique dans nos sociétés actuellement ?

« La musique classique harmonise. Il faut évoluer pour se laisser harmoniser intérieurement. Maintenant, on entend beaucoup parler de la notion de ‘bien-être’, parce qu’il y a beaucoup de révoltes et d’opinions virulentes, plein de choses un peu ‘sauvages’, donc je trouve que la musique classique canalise… Elle harmonise, en somme. »

Les jeunes sont-ils touchés par cette musique classique ?

Stella Marisová,  photo: Archives de Stella Marisová
« Je fais tout ce que je peux pour sensibiliser les jeunes, et les gens en général, pour leur montrer que la musique n’est pas une attitude. Par exemple, si vous avez une jolie voix, le fait de chanter à l’Opéra, de se montrer au public, c’est très superficiel mais en réalité, c’est quelque chose de très profond, de très créatif et il faut cultiver à tout âge le don que l’on a, tout son potentiel. Antonín Dvořák dit cela très bien dans son chant ‘Když mne stará matka’ : ‘Quand ma grand-mère m’a appris à chanter, je ne comprenais pas pourquoi elle pleurait. Maintenant que j’éduque mes enfants, j’ai compris. Et je pleure aussi, tellement c’est fort, tellement c’est profond.’ C’est ma façon de guider les gens qui chantent. »