Renaissance d’un instrument de musique oublié

François Fernandez, photo: Collegium Marianum

Pour la majorité des auditeurs réunis, mercredi, dans la Galerie Rodolphe du Château de Prague, c’était une première. Ils ont entendu pour la première fois un instrument oublié. Le virtuose français François Fernandez a présenté aux Pragois le « violoncello da spalla » appelé aussi la « viola da spalla », instrument qui est l’ancêtre du violoncelle moderne. Avec ce violoncelle de petites dimensions François Fernandez a interprété avec l’ensemble Collegium Marianum plusieurs œuvres exigeantes des maîtres de la musique baroque Bach, Vivaldi et Telemann. A l’issue du concert, ce grand interprète de la musique ancienne et pédagogue musical a fait pour le public pragois une petite présentation de cet instrument émergeant de l’oubli et a répondu aussi à quelques questions de Radio Prague.

François Fernandez,  photo: Collegium Marianum
Le concert est donc terminé. Quelle est votre impression ? Etes-vous satisfait ?

« Assez. Bon, c’est toujours très relatif, ce genre de sentiment qu’on a. En général, quand on est satisfait et quand on entend un enregistrement après, on se dit : ‘Tiens, ce n’était pas si bien ’et puis quand on est catastrophé, on écoute, et on se dit : ‘Ben non, finalement c’était pas mal du tout. Il y a un travail très intense d’un seul coup et puis tout s’arrête. Mais je suis assez content, oui. »

C’est votre première collaboration avec l’ensemble Collegium Marianum ?

« Non, j’ai collaboré plusieurs fois, j’ai fait notamment une production de l’oratorio ‘Maddalena ai piedi di Cristo’ d’Antonio Caldara, il y a un an. Par contre, c’est pour la première fois que je fais un concert entier à la ‘viola da spalla’ avec plusieurs pièces virtuoses sur le même programme. »

Avez-vous participé au choix du répertoire de cette soirée ?

« Non. J’avais proposé de jouer de la musique d’un cousin de Bach mais j’ai laissé choisir Jana Semerádová qui est chef de l’ensemble. Je dois dire qu’à la limite le choix qu’on fait pour moi peut être intéressant, ça peut me surprendre, ça peut m’apporter quelque chose. J’ai appris beaucoup sur ce projet. »

Ce soir vous avez joué d’un instrument peu connu. Pouvez-vous présenter sommairement les spécificités du « violoncello da spalla » ?

« Pour ce qui est du son, du timbre, c’est vraiment un basson à cordes. Je trouve que c’est ça, la spécificité de cet instrument. Et l’autre spécificité, c’est que c’est un instrument à peine plus grand qu’un alto et que l’on lui demande de couvrir une tessiture une octave plus bas, donc c’est la même tessiture que celle du violoncelle d’aujourd’hui. »

Y a-t-il des documents qui prouvent que cet instrument a été utilisé dans les orchestres de Bach, de Vivaldi, etc. ?

François Fernandez et le Collegium Marianum,  photo: Petra Hajská
« Ah oui. Matheson qui a écrit un traité important, ne nous donne pas beaucoup de clés pour comprendre comment jouer de cet instrument. Il dit qu’on l’attache avec une sangle contre la poitrine et qu’en même temps on le jette sur l’épaule. Je ne le comprends pas et personne ne le comprend aujourd’hui. »

Est-ce un instrument qui a de l’avenir dans les orchestres de musique authentique ?

« Ecoutez, il devrait, mais … (rires) mais c’est très difficile à prévoir. »

Vous même avez dit qu’il y a certaines difficultés, que la portée du son de cet instrument n’est pas parfaite …

« En fait, elle est meilleure que ce qu’on pense quand on joue. Mais quand on joue, on est assez frustré. J’avais toujours l’impression de ne pas être assez fort ce soir mais les avis que je viens d’entendre me disent tout le contraire. Donc il ne faudrait pas se faire de souci. D’ailleurs, c’est typique, je n’ai pas les quarante ans d’expérience de cet instrument que j’ai avec le violon et, forcément, il faut apprendre. Donc c’est vraiment un instrument qui est pratique quand on est violoniste, au début. Quand on l’aborde, un premier contact pour un violoniste semble très facile. C’est magnifique. Mais pour devenir un vrai virtuose de cet instrument, évidemment, comme dans tous les autres cas, il faut des années. Voilà, moi je suis en chemin, j’ai bien aimé faire ce projet et j’ai hâte d’en faire d’autres. »

Votre allez donc poursuivre votre collaboration avec le Collegium Marianum ?

« Je n’en sais rien (rires), on n’en a pas parlé mais j’aimerais beaucoup et si possible avec la ‘viola da spalla’. Comme ça, je découvrirais d’autres choses. »