Réactions et analyses : un accord symbolique, mais qui doit être étendu à d’autres pays

Photo: Štěpánka Budková

Le nouveau traité START sur la limitation de l'arsenal nucléaire des Etats-Unis et de la Russie été signé ce jeudi. Cette signature met Prague sous le feu des projecteurs internationaux. Vu de République tchèque, comment perçoit-on cet accord ? Tour d’horizon des commentateurs tchèques.

Photo: Štěpánka Budková
Malgré la grande pompe dans laquelle se déroule cet événement, les avis divergent sur l’importance de ce traité qui doit réduire l’arsenal nucléaire des Etats-Unis et de la Russie. Certains disent qu’il s’agit d’un miroir aux alouettes, d’autant que les Russes ont obtenu une clause de retrait unilatéral. D’autres estiment au contraire qu’il servira d’impulsion au désarmement nucléaire dans le monde entier. Pour Karel Kovanda, ancien ambassadeur tchèque auprès de l’OTAN, ce traité est néanmoins majeur pour trois raisons :

Karel Kovanda
« La première, c’est que le nombre d’armes nucléaires va véritablement baisser aux Etats-Unis et en Russie. Ce n’est pas forcément le plus important d’ailleurs, parce que ces deux pays auront de toutes façons toujours plus d’armes que n’importe quel autre Etat. Mais cette baisse est réelle. Deuxièmement, il y a l’aspect symbolique de cette limitation, qui est importante pour le président Obama qui, l’an dernier à Prague, en a fait un des grands objectifs de sa politique. Enfin, cela représente une motivation pour tous les acteurs dans le monde qui veulent concrétiser le désarmement nucléaire. »

Un traité qui selon le diplomate tchèque prend d’autant plus d’importance à quelques jours de l’ouverture à Washington d'un sommet sur la sécurité nucléaire, première grande initiative internationale de la présidence Obama, et à quelques semaines de la conférence d'examen du Traité de non-prolifération, en mai. Mais, la signature du traité START II est-il le signe d’une amélioration conséquente des relations entre les deux grandes puissances ? Pas si sûr, d’après Jefim Fištejn, de Radio Free Europe :

« Tout dépend de l’évolution de la situation en Russie. Il faut bien voir que la signature du traité ne signifie pas pour autant sa ratification. En Russie, il ne devrait pas y avoir de problème. Le président du conseil des affaires étrangères de la Douma a dit qu’il pourrait être ratifié d’ici un mois. Aux Etats-Unis, il peut y avoir blocage : au Sénat, il faut 67 voix pour, et ce n’est pas gagné. Mais tout va dépendre de l’harmonisation du traité avec la conception russe de la politique étrangère. Contrairement à la politique nucléaire américaine, la nouvelle stratégie militaire russe prévoit une réplique nucléaire à n’importe quelle attaque de l’extérieur, même avec des armes conventionnelles. »

En somme, derrière les sourires et les flashs de photo, les avis des deux grands continuent de diverger sur l’interprétation même du traité. Jefim Fištejn :

« Il existe un déséquilibre dans les points de vue : la Russie continue d’avoir une conception autoritaire, voire agressive vis-à-vis de ses voisins, avec la possibilité d’utiliser des armes nucléaires, le cas échéant, tandis que les Etats-Unis renonce à ce principe totalement. »

Barack Obama et Dimitri Medvedev,  photo: Štěpánka Budková
Lukáš Visingr, expert militaire, relève ce qui, selon lui, fait toutefois défaut à la signature de ce traité, et aux paroles exprimées par les deux chefs d’Etat :

« La question qui subsiste est la suivante : à quand un accord qui concernera d’autres pays ? Rappelons-nous le discours d’Obama l’an dernier, à Prague : il avait parlé d’inclure d’autres puissances nucléaires dans ce processus de désarmement. Comment on peut le constater et comme le soulignent certains critiques, une fois encore, il ne s’agit que d’une organisation bipolaire du monde. En outre, personne n’évoque la Chine. On suppose qu’elle possède entre 150 et 200 ogives stratégiques. Ce que l’on peut espérer, c’est que la Chine soit amenée à la table des négociations et qu’elle déclare au moins, dans un premier temps officiellement, le nombre de ses ogives nucléaires. »

Un accord historique, donc, mais qui ne peut être qu’une étape dans le cadre du désarmement mondial.