Pour Andrej Babiš, les affaires se corsent

Andrej Babiš, photo: ČTK

Prévues les 20 et 21 octobre prochains, les élections législatives se tiendront dans cinquante jours. Si l’échéance approche donc à grands pas, l’actualité politique en République tchèque reste marquée d’abord par l’affaire dite du « Nid de cigognes » ; une affaire de détournement présumé de fonds européens dans laquelle est soupçonné d’être impliqué Andrej Babiš, le leader du mouvement ANO, une des deux principales formations de l’actuelle coalition gouvernementale. Mercredi, la levée de l’immunité parlementaire d’Andrej Babiš, ainsi que celle de son bras droit a été recommandée à la Chambre des députés. De probables poursuites en justice remettraient en cause la suite de la carrière de l’une des figures les plus marquantes de la scène politique tchèque de ces dernières années.

Andrej Babiš,  photo: ČTK
Pour Andrej Babiš, sur la défensive depuis quelques mois déjà et sa démission contrainte et forcée au printemps dernier de ses fonctions de vice-Premier ministre et de ministre des Finances, les choses sont claires comme de l’eau de roche : l’affaire qui le menace, lui et son bras-droit au sein du mouvement ANO, le député Jaroslav Faltýnek, n’est rien d’autre qu’une commande politique. C’est cet argument que le milliardaire d’origine slovaque, régulièrement accusé de conflit d’intérêts pour ses engagements à la fois dans le monde politique et dans celui des affaires, a avancé mercredi, suite à la décision prise par la commission parlementaire en charge des mandats et des immunités de recommander la levée de l’immunité parlementaire des deux hommes à la Chambre des députés :

« Nous nous attendions bien évidemment à ce que ce soit cette décision qui soit prise en raison de la répartition des forces politiques au sein de la commission. Tout simplement parce que c’est une affaire qui doit servir à influencer le déroulement des élections. Il ne s’agit certainement pas de l’affaire du ‘Nid de cigognes’ comme on veut bien la présenter. Non, c’est une affaire qui doit déterminer le vainqueur des élections et qui siègera ou ne siègera pas au sein du prochain gouvernement. »

Pour rappel, Andrej Babiš et Jaroslav Faltýnek, contre lesquels la police souhaite engager des poursuites judiciaires, sont soupçonnés d’avoir détourné des subventions européennes pour financer, via le groupe agroalimentaire Agrofert dont Andrej Babiš est le propriétaire, la réalisation d’une grande ferme dite du « Nid de cigognes ». Une ferme qui n’a de ferme que le nom puisqu’il s’agit en réalité davantage d’un grand centre de récréation et de repos en Bohême centrale destiné à l’accueil d’un important public.

La version des faits d’Andrej Babiš, personnage controversé qui incarne à lui seul le mouvement libéral ANO, est bien entendu défendue aussi par les membres d’un parti créé en 2012 avec pour principaux objectifs, entre autres, d’éliminer la corruption du pays et d’abolir l’immunité parlementaire. Et même si la formation a jusqu’à présent été épargnée par tout scandale qui aurait pu impliquer un de ses membres, l’affaire du moment remet en question son principe fondamental de transparence. Un aspect dont est bien conscient le vice-président d’ANO Richard Brabec, tout en se gardant bien de mettre en doute l’intégrité de son leader :

« Nous nous sommes effectivement préoccupés de la question du code moral qui est celui de notre organisation, ainsi que de celle de savoir si son éventuel non-respect pouvait remettre en cause leurs candidatures aux élections, et nous sommes parvenus à la conclusion que pas plus la candidature du président Andrej Babiš que celle du vice-président Jaroslav Faltýnek ne sont en contradiction avec le code moral du mouvement. »

Cette interprétation des faits n’est toutefois pas celle des adversaires d’ANO. Qu’ils soient de droite, du centre ou de gauche, tous s’inquiètent de la perspective de voir la formation dirigée par Andrej Babiš remporter les élections avec une nette avance. Mercredi prochain, les députés seront appelés à se prononcer sur la levée ou non de son immunité parlementaire. Le résultat du vote laisse peu de place au doute tant Andrej Babiš fait l’unanimité contre lui au sein du Parlement. Président de la Chambre basse, le social-démocrate Jan Hamáček explique pourquoi :

« Je me souviens très bien du temps où le mouvement ANO était très clairement opposé au maintien de l’immunité parlementaire. Je crois même savoir qu’il existe un point dans le code moral du mouvement qui stipule que si un député est confronté à ce cas de figure, c’est à lui-même qu’il appartient de solliciter la Chambre des députés pour demander la levée de son immunité parlementaire. La position défendue par Andrej Babiš et le mouvement est donc forcément contraire aux promesses qu’ils ont faites. »

Andrej Babiš se retrouve donc aujourd’hui dans le rôle de l’arroseur arrosé. Et s’il est pour l’heure bien difficile de dire quelle sera la suite de l’affaire si son immunité est effectivement bien levée, le politologue Michel Perottino, interrogé récemment par Radio Prague (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/panorama/legislatives-2017-quels-enjeux), estime qu’en déduire les retombées sur le comportement des Tchèques appelés à voter en octobre prochain l’est tout autant :

« Depuis assez longtemps, il semble que ce type d’affaires n’a pas d’impact direct sur l’électorat d’Andrej Babiš. On verra à partir du moment où il sera poursuivi de manière plus concrète quel sera l’effet sur son électorat. Mais pour l’instant, il semblerait qu’il soit relativement préservé d’une chute dans l’opinion publique. »