Nicolas Ancion : « Quelle liberté dans la littérature de pouvoir dire ce que l’on veut ! »

Nicolas Ancion, photo: La Délégation Wallonie – Bruxelles

Une soirée littéraire en compagnie de Nicolas Ancion, organisée par la Délégation Wallonie – Bruxelles, s’est tenue jeudi 10 mars dans un café du centre de Prague. Auteur à succès, Nicolas Ancion est surtout connu pour ses marathons littéraires. En mars 2010, il écrit un polar en seulement 24h et réitère la même performance à New-York en 2013. L’auteur belge qui entretient une relation particulière avec Prague n’en est pas à sa première visite en République tchèque. Celui qui a déjà vu la capitale plusieurs fois pendant son enfance se rapproche aujourd’hui d’autant plus des Tchèques avec la traduction de deux de ses ouvrages : « Quatrième étage » et « Nous sommes tous des playmobiles » dans la langue du pays. Le fait de partager son art, sa passion, passe pour Nicolas Ancion, indéniablement par la traduction.

Nicolas Ancion,  photo: La Délégation Wallonie – Bruxelles
« La traduction, c’est vraiment magique pour moi, c’est comme si toutes les langues étaient des petits royaumes fermés. Sans traduction, les livres n’existent pas. C’est uniquement quand il y a une traduction, qu’il y a une porte qui s’ouvre. Il y a ce côté dingue d’avoir des gens qui ont lu un de mes livres, qui ont passé des heures dans une histoire que j’ai inventée avec lesquels je ne peux pas communiquer. Ça m’est arrivé au salon du livre de Prague d’avoir des gens qui me posaient des questions et je ne pouvais pas leur répondre, c’est assez fou. »

Est-ce que vous vous attendiez à un tel succès ?

« Non pas du tout quand j’ai écrit : « Quatrième étage » par exemple, je ne pensais pas du tout que ce livre serait lu ailleurs que en Belgique et même je me disais que ça n’intéresserait pas grand-monde en Belgique. C’est incroyable de voir que je parle de Bruxelles et que c’est lu au bout du monde car le roman est aussi traduit en vietnamien. Pour les étrangers, Bruxelles, c’est l’Europe. Je voyais une ville très concrète mais pour des gens qui sont plus loin, ça représente autre chose et ça marche dans le roman. Ils le voient comme une métaphore de la situation politique, économique, dans laquelle on est en Europe aujourd’hui. Le lecteur a toujours raison de toute façon. »

« L’homme qui valait 35 milliards » sera bientôt adapté au cinéma, est-ce que vous intervenez dans ce projet ?

Photo: Pocket
« Oui, j’interviens dans tous les projets, la pièce de théâtre, je l’ai écrite avec le collectif mensuel avec lequel je continue à travailler sur d’autres projets depuis. Pour le cinéma, je suis impliqué. J’ai fait plusieurs versions du scénario jusqu’ici. Pour l’instant la version est réécrite par le réalisateur lui-même mais oui je suis associé au processus. Mais c’est tellement lent le cinéma. La littérature je pensais que c’était lent, mais le cinéma, c’est quatre fois plus lent ! »

C’est un accomplissement pour un écrivain de voir son œuvre adaptée au cinéma ?

« Accomplissement, je ne sais pas. C’est une espèce de victoire incroyable parce qu’on a l’impression que c’est magique et en même temps je vois toutes les limites du cinéma et je me dis : quelle liberté dans la littérature de pouvoir dire ce que l’on veut, de pouvoir faire des personnages complexes, de mettre beaucoup de personnages, d’être bavard... Le cinéma c’est tellement formaté, il y a tellement d’enjeux que je plains les pauvres réalisateurs qui n’ont que ça pour s’exprimer. Je n’ai qu’un conseil à leur donner : « écrivez des livres, lâchez-vous ailleurs ! » parce que le cinéma est vraiment un art très contraint, il y a trop d’enjeux à mon goût. Ça me fait du bien de ne pas que faire du cinéma heureusement. »

« En Mille morceaux » parle de la jeunesse, des problèmes de drogue, d’alcool. Pourquoi ce thème ?

Photo: Mijade
« L’idée derrière le roman, c’est de pouvoir permettre en classe, j’ai écrit ce roman en pensant que le livre pourrait être lu en cours de français, d’en faire une discussion sur des sujets qui sont complétements tabous. Il n’y a pas moyen de parler avec les adolescents non pas de drogue et d’alcool mais plutôt des prises de risques. Or, c’est important pour moi de se rendre compte qu’on prend des risques et c’est ça le plus compliqué pour un ado. Prendre des risques, il le fait et mon livre ne va pas changer ça, mais en parler avec d’autres, ça c’est important ! Le roman permet de ne pas parler de soi, mais du livre et des personnages et ça marche. Les ados parlent d’eux-mêmes. »

Est-ce que vous avez eu des retours ?

Nicolas Ancion,  photo: La Délégation Wallonie – Bruxelles
« Je suis un auteur un peu particulier pour les adolescents. J’aime bien aller moi-même dans les classes avant d’envoyer mon manuscrit à un éditeur, comme je vais beaucoup dans les écoles, je connais beaucoup de professeurs. Je fais lire le manuscrit à des élèves, je teste en grandeur nature avant d’envoyer le manuscrit. Il avait déjà été lu par une centaine d’élèves avant que l’éditeur choisisse de le publier. Depuis qu’il est sorti, je suis allé dans une dizaine de classes et je vois que c’est réussi, ça a marché. Ce que j’espérais faire, ça fonctionne. Après je ne sais pas combien de temps ça marchera. Ça aura peut-être l’air très ringard dans dix ans. Pour l’instant les ados s’identifient bien au bouquin, ils ont l’impression que ça leur parle ! »