L’interminable politique de dévaluation de la couronne tchèque

Bohuslav Sobotka et Jiří Rusnok, photo: ČTK

Depuis novembre 2013, la Banque nationale tchèque (ČNB) mène une politique de dévaluation afin de maintenir le niveau de la devise tchèque à environ 27 couronnes pour un euro. Avec le retour à un niveau d’inflation soutenable et la hausse des exportations, la plupart des économistes estiment qu’il convient désormais de mettre fin à cette intervention monétaire. Un retour à la normale qui ne devrait cependant pas survenir avant la mi-2017, comme l’a affirmé lundi le gouverneur de la Banque centrale, en marge de sa rencontre avec le premier ministre Bohuslav Sobotka.

Bohuslav Sobotka et Jiří Rusnok,  photo: ČTK
Jamais l’excédent commercial de la République tchèque n’a été aussi élevé depuis la naissance du pays. En 2016, la différence entre le volume des exportations et des importations a ainsi atteint la somme record de 2,7 milliards d’euros. Et cela fait trois ans désormais que la balance commerciale tchèque est positive. Ce n’est pas le seul, mais c’est sans doute un des facteurs qui a contribué au dynamisme des exportateurs tchèques : la politique de dévaluation de la couronne tchèque entamée il y a justement un peu plus de trois ans. Grâce à l’intervention monétaire de la Banque centrale, les prix des biens et services produits en Tchéquie sont en effet plus abordables pour les acheteurs étrangers.

Ce n’est pourtant pas cet aspect que le chef du gouvernement Bohuslav Sobotka a mis en avant lundi, après sa rencontre avec le gouverneur de la Banque nationale, Jiří Rusnok, son prédécesseur au poste de premier ministre, quand il a salué le bilan de cette politique monétaire :

« L’objectif principal a été atteint. La République tchèque a réussi ces dernières années à mettre fin à un cycle déflationniste. Si nous ne l’avions pas fait, nous aurions bien sûr pu être confrontés à toute une série de risques nouveaux pour l’évolution de l’économie tchèque. »

L’objectif est atteint : cela veut dire qu’il sera peut-être temps de mettre fin à cette intervention monétaire. C’est d’ailleurs ce que soutiennent un certain nombre d’économistes, qui estiment que le niveau de l’inflation, supérieure à 2% au mois de décembre dernier, ne justifie plus la politique monétaire menée par la Banque centrale. Du côté de Jiří Rusnok, on reste prudent. Depuis sa prise de fonction à l’été dernier, il a toujours été question d’un possible retour à la normale à l’horizon de la mi-2017. Et M. Rusnok entend garder le cap :

« Rien n’a changé depuis la position que nous avons prise début février lors de la dernière session de notre conseil monétaire. Cela signifie évidemment que nous continuons à honorer notre engagement. Comme je l’ai déjà dit, nous allons agir ainsi au moins jusqu’à la fin du premier trimestre et, en fonction de l'évolution de la situation, nous déciderons de mettre fin ou non à l’intervention. »

Photo: Štěpánka Budková
Pour maintenir la devise tchèque au niveau de 27 couronnes pour un euro, la principale institution monétaire tchèque a dû se procurer un volume très important de devises étrangères, essentiellement des euros. Au total, la Banque nationale aurait échangé plus de 900 milliards de couronnes contre des euros entre le début de l’intervention et fin 2016. Rien que pour le mois de janvier, elle aurait cédé 400 milliards de couronnes supplémentaires. Jiří Rusnok a confirmé lundi que son institution disposait maintenant d’une réserve conséquente en euros et qu’il conviendrait prochainement de définir une nouvelle stratégie pour utiliser ces devises.

Quand viendra la fin de la politique de dévaluation, la monnaie tchèque se renforcera très probablement pour revenir à un niveau proche de celui de 2013, à moins de 25 couronnes pour un euro. Et cela ne sera pas sans conséquence pour l’économie tchèque ainsi que l’expliquait récemment sur nos ondes l’économiste Aleš Chmelař, qui est en charge des stratégies de l’Union européenne au sein du bureau du gouvernement :

« Le gouvernement, sans être impliqué dans la décision exacte des modalités de la fin de l’intervention, doit prendre en considération ce qu’il faudra faire pour réagir à la hausse attendue assez abrupte du prix des exportations tchèques, ce qui va probablement entraîner une certaine baisse de notre capacité à exporter et à être compétitif au niveau des prix dans le marché intérieur. »

Le chômage pourrait alors remonter légèrement dans un pays actuellement en situation de plein emploi. Le gouvernement réfléchit donc à des mécanismes pour que la transition se fasse sans heurt, par exemple avec le mécanisme du ‘kurzarbeit’, par lequel l’Etat aide financièrement les entreprises confrontées au chômage technique.