L'Etat tchèque appelé à comparaître à Strasbourg.

Deux personnes se déplaçant en fauteuil roulant viennent de déposer plainte contre l'Etat tchèque au Tribunal européen des droits de l'homme de Strasbourg. Selon eux, ils seraient victimes de discrimination envers les handicapés physiques. Guillaume Narguet.

Tout un chacun utilisant les transports en commun en République tchèque se pose inévitablement un jour la question: comment voyagent les personnes à mobilité réduite, tout particulièrement celles en fauteuil roulant? Les stations de métro dans le centre de Prague leur sont purement et simplement inaccessibles et l'accès aux tramways, comme à la majorité des bus, est conditionné par la montée de marches. Quant au train, la gêne nous envahit rien qu'à son évocation. Il est ainsi courant de placer les personnes avec leur fauteuil dans le wagon des colis postaux! Et pourtant, il existe des lois.

Et c'est bien la raison pour laquelle les Zehnalovi, un couple de Prerov, en Moravie, se sont retournés vers le Tribunal de Strasbourg. Depuis 1994, toutes les délivrances de permis de construire ou de rénovation de bâtiments publics, comme peuvent l'être, par exemple, banques, magasins ou services administratifs, sont, en effet, conditionnées par l'aménagement d'un accès à l'intérieur des bâtiments propre aux personnes handicapées. Or, selon ce couple, l'Etat tchèque enfreint la loi. Des années durant, ils ont revendiqué leurs droits, réclamé le soutien des services administratifs avant de solliciter, en dernier recours, les tribunaux tchèques. En vain, aucune de leurs requêtes n'aboutit. Mais le dossier qu'ils transmettent maintenant à Strasbourg sur la réalité de leur situation à Prerov, guère différente de celle régnant dans la plupart des autres villes du pays, est minutieusement préparé et richement documenté. Ainsi, ils ont recensé, rien que pour la ville morave de près de 50000 habitants, plus de 200 bâtiments qui leur sont inaccessibles.

Difficile de prévoir quel sera le verdict de la Cour européenne, mais quel qu'il soit, la plainte aura au moins permis de braquer les projecteurs sur un problème quotidien alarmant pour des milliers de personnes. Car si la Tchéquie dispose dans ce domaine d'un Code pénal sensiblement identique à celui de bien d'autres pays, beaucoup de laxisme est malheureusement à déplorer dans son respect. Et puis, discrimination ou pas, cette attaque en justice constitue un cas sans précédent, qui pourrait sensiblement renforcer la position des personnes à mobilité réduite. D'ores et déjà, le comportement de certains employés administratifs semble évoluer dans le bon sens, soit une première marche franchie en fauteuil...