Les Tchèques, malgré leur athéisme prononcé, célèbrent Pâques

0:00
/
0:00

« La tradition pascale perdure en République tchèque, mais l'essence et le sens de Pâques échappent aux gens » : c'est ainsi que commençait l'article du quotidien Lidove Noviny daté de ce vendredi et consacré aux festivités pendant le week-end pascal. Même si les Tchèques aiment conserver leurs traditions, notamment lors des fêtes religieuses, ils sont comptent aujourd'hui parmi les peuples les plus athés en Europe et dans le monde. Pourquoi ? Réponse de Petr Kolar, jésuite tchèque francophone :

« La raison principale réside dans deux instrumentalisations de la religion chrétienne dans l'histoire tchèque. La première, c'était au moment de la Réforme. Après des efforts et des guerres sanglantes au XVIIe siècle, la Guerre de trente ans chez nous, la religion qui s'est imposée dans notre pays était le protestantisme. Par exemple dans la ville de Prague qui comptait 32 paroisses à l'époque, il y avait 31 paroisses utraquistes, protestantes, luthériennes, frères de Bohême... et une seule catholique : la chapelle du Château de Prague. Or, selon la fameuse règle « Cuius regio, eius religio », le souverain décide de la religion de ses sujets. Malheureusement pour les Tchèques, à la différence des voisins, nous avions un souverain Habsbourg, qui était catholique, alors que le pays était protestant.

Le souverain catholique a décidé de recatholiser le pays, et ça a été le rouleau compresseur pendant plusieurs générations avec une première vague d'exil, qui a concerné aussi la direction des Eglises non catholiques - dont le célèbre évêque Comenius - et le pays est devenu petit à petit catholique, en apparence au moins.

A la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle par contre, pour des raisons politiques, la représentation tchèque à l'intérieur de la monarchie austro-hongroise a voulu obtenir d'abord une autonomie, puis une indépendance. C'est le début des efforts qui ont abouti à la création de la Tchécoslovaquie au début du XXe siècle. Or on cherchait aussi une idéologie de soutien. Contre les Habsbourg catholiques germanisants, l'idéologie est devenue importante, et était anti-germanique et anti-catholique : « Los von Wien, los von Rom ». C'est la deuxième instrumentalisation, qui semblait tout à fait naturelle puisque le passé avant les Habsbourg était hussite, protestant...

Et donc, à la création de la République tchécoslovaque, on a eu une vague de départ de l'Eglise catholique. On a même eu une Eglise tchécoslovaque, qui s'appelle aujourd'hui l'Eglise tchécoslovaque hussite, qui dans les années 1930 comptait presque un million de fidèles, qui venaient en majorité de l'Eglise catholique. Cette église semblait être le courant religieux principal du pays, or actuellement elle ne compte plus que 70 000 personnes. »