Les médecins tchèques refusent la marchandisation de la santé

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Plus d’an après le succès relatif du mouvement « Merci, on s’en va », quand de nombreux médecins tchèques ont menacé de quitter le pays si leurs salaires n’étaient pas revalorisés, le personnel médical est à nouveau mécontent des réformes prévues par le ministère de la Santé. L’Association syndicale des médecins annonce ainsi une journée de protestation le 1er mars prochain contre des mesures qui, selon elle, réduisent l’accès, la qualité et la sécurité des soins médicaux en République tchèque.

Milan Kubek,  photo: Archives de Čro7
Que le ministère de la Santé arrête de se comporter comme une annexe du ministère des Finances : voilà en substance ce que réclament les médecins. Les réformes envisagées par le ministère visent toutes en effet à réaliser des économies. Parmi les mesures envisagées, les ambulances pourraient disposer d’un délai d’arrivée de vingt minutes au lieu de quinze actuellement, une différence parfois de taille pour la santé des patients. Ceux-ci devraient également disposer de plus de temps pour se rendre chez leur médecin traitant. Or ces derniers, déjà surchargés, considèrent que le seul effet d’une telle mesure sera de prolonger les files d’attentes aux portes des dispensaires. Milan Kubek est le président de l’Association syndicale des médecins. Selon lui, conjuguées au non-remboursement de médicaments de plus en plus nombreux et parfois onéreux ainsi qu’à certaines opérations médicales, ces réformes vont réduire l’accès aux soins en République tchèque :

« Si les compagnies d’assurances remboursent moins de transactions que l’an dernier, cela signifie que les patients devront attendre plus longtemps. Si des limites de remboursement des médicaments sont fixées sur la base du coût pratiqué deux ans auparavant et si tout dépassement de ces limites doit être payé par le médecin de sa propre poche, alors les patients pourront recevoir moins de médicaments et devront payer inutilement des frais supplémentaires. »

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En deux ans, le prix des médicaments peut augmenter et de nouveaux, plus chers, peuvent apparaître sur le marché. Ainsi, les médecins seraient inévitablement amenés à prescrire des médicaments qui dépasseront les limites de remboursement autorisées par les compagnies d’assurances. Selon eux, cette situation existe déjà et certains membres de la profession sont contraints de payer eux-mêmes la partie non remboursée, un surcoût qui est souvent d’une façon ou d’une autre répercuté sur les patients. Le ministère de la Santé, quant à lui, rejette en bloc les critiques des médecins. Petr Nosek, l’adjoint au ministre, concède tout de même que le financement du système de santé n’est pas optimal mais défend la baisse des plafonds de remboursement pour les compagnies d’assurances :

« Les médecins ne se comportent pas tous toujours de façon correcte. Cela signifie qu’il existe des mécanismes fréquents qui fixent des limites pour certains médecins qui auraient tendance à vouloir les franchir. Mais d’un autre côté, chaque docteur a le droit et la possibilité de défendre son comportement et ses prescriptions auprès des compagnies d’assurances concernées. »

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Ce n’est pas le seul motif de mécontentement des médecins qui craignent une baisse des salaires de leurs collègues du privé de 20% si ces mesures entrent en application ou encore une privatisation progressive des hôpitaux universitaires.

Fin 2011, de nombreux docteurs avaient protesté pour obtenir une hausse de leurs salaires, bien moindres que ceux pratiqués en Allemagne et Autriche voisines. Ils souhaitaient également que leur métier soit valorisé. Or, aujourd’hui, un cinquième des médecins hospitaliers ont plus de 60 ans et le système fonctionne seulement grâce à la présence de professionnels étrangers et notamment slovaques. Rien n’aurait donc été fait pour encourager les jeunes à se tourner vers cette profession. Avec leur journée d’action le 1er mars prochain, les médecins espèrent d’abord que les citoyens comprendront les raisons de leurs protestations et qu’ils les soutiendront. Milan Kubek :

Photo: Barbora Kmentová
« Nous appelons tous les citoyens à respecter cette action car il ne s’agit pas de protestations dirigées contre eux. C’est notre action commune, la nôtre en tant que professionnels de la santé, la vôtre en tant que citoyens et celle des patients. C’est notre action commune car nous poursuivons un objectif commun : conserver un système de santé sûr et de qualité. »

Le soutien de la population doit s’exprimer à travers la pétition lancée par l’Association syndicale des médecins et diverses organisations de défense des patients. Le 1er mars, un certain nombre de professionnels pourraient tout simplement ne pas travailler en prenant un jour de congé ou en assurant uniquement les services d’urgence. Si Milan Kubek considère que le système de santé en République tchèque est encore de qualité, il remarque également qu’il s’agit de l’un des moins financés à l’échelle européenne.