Le sous-sol tchèque cache une importante réserve de gaz de schiste

L’exploitation éventuelle des gisements de gaz de schiste fait l’objet d’un large débat dans plusieurs pays. Des spécialistes et économistes se posent la question de savoir dans quelle mesure le gaz de schiste pourrait remplacer le gaz naturel importé. Ils se demandent surtout quel serait le prix d’une telle entreprise et quelles en seraient les retombées sur l’environnement. Tout récemment la polémique sur ce problème a été lancée en République tchèque, pays qui dispose très probablement de gisements importants de ce gaz.

Photo: Vincent Anciaux,  Creative Commons 3.0
Les gisements de gaz de schiste se trouvent en général à 2 000 mètres de profondeur. Il s’agit du méthane comprimé dans les cavités de la roche sédimentaire qui l'a fabriqué. L'exploitation de ce gaz est possible de nos jours grâce aux technologies qui permettent la fracturation de la roche. L’eau injectée dans la roche crée des fissures par lesquelles le gaz de schiste peut s’échapper. Ce procédé n’est ni simple, ni bon marché et nécessite d’importants travaux de forage. Il assure pourtant aujourd’hui 20 % de la consommation de gaz aux Etats-Unis, ce qui est considéré comme la preuve de sa viabilité aussi sur d’autres continents.

Selon une étude de l’agence gouvernementale américaine US Energy Information Administration publiée par le journal Financial Times, d’importants gisements du gaz de schiste se trouvent dans 31 pays. En Europe cette réserve pourrait assurer la consommation de gaz pendant 60 ans. D’après le journal Gazeta Wyborca, en Pologne, ce gaz pourrait assurer complètement les besoins de la population pendant 380 ans. Sur le territoire tchèque les gisements les plus importants se trouvent en Moravie. Cependant, les avis des experts sur l’exploitabilité de ces richesses divergent. Jan Procházka, analyste de la société de placements Cyrrus, voit cette possibilité d’un oeil plutôt sceptique :

Jan Procházka
« Le fait qu’il y ait une réserve pour 60 ans est sans doute très alléchant mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un gaz spécifique. Le fait qu’aux Etats-Unis l’exploitation de ce gaz a fini par couvrir près de 20 % de la consommation totale est dû à des facteurs complémentaires. Il s’agit des rapports de propriété. Aux Etats-Unis, le gaz est puisé sur des terrains privés, ici ces terrains appartiennent à l’Etat. Mais le plus grand problème est la densité de population. Il s’avère qu’en Europe, il n’y a pratiquement pas de localités inhabitées. »

Selon Jan Procházka, en Europe, la carte des gisements est incompatible avec la carte démographique et la technologie d’extraction présente un risque pour l’environnement. En plus, l’intention de creuser des mines de gaz se heurterait sans doute à la résistance de la population locale. Jan Procházka estime donc que les inconvénients de ces technologies d’extraction sont encore trop importants :

« Un cocktail d’eau, de sable et de matières chimiques (benzène, toluène, ammoniac) s’injecte dans la profondeur d’un millier de mètres dans un puit. Cela provoque une espèce de petit séisme qui brise la roche et permet au gaz de s’échapper par des fissures. Nous en venons donc à nous demander logiquement ce que deviennent ces matières chimiques qui restent au sous-sol. »

Bien que les experts s’accordent pour constater que beaucoup de problèmes liés à l’exploitation du gaz de schiste ne sont pas encore résolus, ils espèrent que ce phénomène pourrait jouer, d’ores et déjà, un certain rôle sur le marché du gaz en Europe. Il pourrait devenir un moyen de pression sur la société Gazprom qui est le principal fournisseur en gaz naturel russe pour plusieurs pays européens dont la République tchèque. Le groupe RWE qui est le principal distributeur de gaz en Tchéquie proteste contre les prix trop élevés du gaz naturel fixés par Gazprom, car les contrats à longue échéance l’obligent à payer à Gazprom des prix plus élevés que ceux de la bourse. RWE, qui pâtit de cette situation, a déjà ouvert un procès d’arbitrage contre Gazprom pour obliger la société russe à adapter les contrats à la situation actuelle. Le danger que les clients de Gazprom se libèrent de leur dépendance grâce à leurs réserves de gaz de schiste, pourrait donc rendre le géant russe plus sensible à leurs revendications.