Le réalisme fantasque de Josef Liesler

0:00
/
0:00

C'est à l'âge de 92 ans que s'est éteint, à Prague, le peintre Josef Liesler. Il laisse d'innombrables tableaux, gravures et timbres-poste. Ces illustrations ornent plus d'une centaine de livres.

"Merci de vos condoléances", a dit Josef Liesler à une journaliste qui lui présentait ses meilleurs voeux lors de son 80e anniversaire. Il considérait l'humour, dont il avait absolument besoin pour vivre et pour créer, comme un élixir de longue vie. Membre de l'Académie de Florence et de l'Académie royale de Belgique, auteur du timbre proclamé par l'UNESCO timbre le plus beau du monde, il se distinguait dans plusieurs disciplines artistiques. Il était peintre, illustrateur, sculpteur, mais avant tout dessinateur. Même dans ses innombrables peintures à l'huile surgit la ligne dessinée, la charpente graphique de l'oeuvre, qui ne se laisse pas tout à fait effacer par d'épaisses couches de couleur. "Le dessin est le baiser de Dieu", disait-il.

Né en 1915 dans la famille d'un facteur, il avait encore neuf frères et soeurs et devait devenir pâtissier. Heureusement, son facteur de père a pris au sérieux un bon conseil de son supérieur et a inscrit son fils au lycée de Karlovy Vary où on allait bientôt découvrir le talent du futur peintre. "Ce qui est le plus important pour un artiste, dira-t-il, c'est de se trouver. Moi j'ai réussi à me trouver. De nombreux historiens de l'art aimeraient me classer parmi les surréalistes, mais moi, je me considère comme un réaliste fantaisiste. C'est que j'aime trop la réalité et c'est toujours elle qui doit être le point de départ pour l'imagination."

En effet, dans les oeuvres de Josef Liesler la réalité côtoie l'imagination. Ses toiles sont souvent des compositions d'éléments hétéroclites dont la confrontation suggère des significations cachées et déclenche la poésie. Il fait coexister sur ses tableaux des créatures réelles et fantasques, des souvenirs, le passé et le présent. Dans certaines de ses visions apocalyptiques, on voit des fantômes bizarres et des hommes soudés à des machines au milieu de monstres menaçants. On parlait souvent d'une certaine parenté d'inspiration entre Josef Liesler et Salvador Dali. Liesler ne cachait pas d'ailleurs que Dali l'intriguait beaucoup et le visage aux moustaches du célèbre surréaliste apparaît aussi sur certains de ses tableaux. Mais Dali lui paraissait trop narcissique et il admirait surtout d'autres peintres, Goya, Bosch, Picasso ...

Malgré son âge avancé, Liesler revenait chaque jour dans son atelier pragois situé dans le quartier pittoresque de Mala Strana et ne se lassait pas de peindre et de dessiner comme pour sauver une certaine qualité de l'art du XXe siècle. "Au siècle dernier, a-t-il dit, les artistes se divisaient en deux catégories, les uns copiaient la réalité, les autres travaillaient avec leur imagination car la simple réalité ne les satisfaisait pas. Aujourd'hui, tout cela s'est évanoui. Il y tant de sources d'inspiration. La culture a été remplacée par la télévision. On arrive à la regarder du matin au soir. C'est une certaine culture qui efface en nous la richesse intérieure."