Le label Supraphon change de propriétaire

La société Supraphon ayant été pendant plus d’un demi siècle le label musical tchèque le plus important, change de propriétaire. Elle a été acquise par la société Music Pro de l’homme d’affaires Miloš Petana. C’est ce dernier qui possèdera donc aussi ce qu’il y a le plus précieux dans cette acquisition – les enregistrements réalisés par Supraphon depuis 70 ans.

Miloš Petana n’est pas un personnage inconnu de la scène médiatique tchèque. Fondateur de la télévision privée Premiéra devenue par la suite Prima, il est également copropriétaire de la chaîne de magasins de disques Bontonland, des studios de cinéma de Zlín et de la société Global Inspiration qui assure le programme de la télévision Stream diffusée sur Internet. Bien que le montant de la transaction n’ait pas été publié, selon les spécialistes il s’agirait de 200 à 500 millions de couronnes, 8 à 20 millions d’euros. Aujourd’hui, d’après la Fédération d’industrie phonographique, Supraphon n’occupe que la quatrième position sur le marché de disques en République tchèque, mais pendant toute la seconde moitié du XXe siècle le label régnait sur la production de disques dans toute la Tchécoslovaquie quasiment sans partage. Selon le musicologue Ivan Ruml c’était cependant un absolutisme éclairé :

C`est Jaroslav Šeda qui a fait enregistrer pratiquement tout le répertoire de la Philharmonie tchèque et immortalisé grâce au disque l’art de Karel Ančerl, directeur musical de cet orchestre dans les années cinquante et soixante, ainsi que les prestations d’autres grands chefs tchèques comme Václav Neumann et Jiří Bělohlávek. Et Ivan Ruml d’ajouter :

«Supraphon a gravé sur disques également les performances de grandes personnalités d’art d’interprétation tchèque dont les pianistes Ivan Moravec, Jan Panenka et Ivan Klánský ainsi que les violonistes Josef Suk et Václav Hudeček. Dans ses archives il y a aussi toute une série d’enregistrements intégraux d’opéras tchèques. La maison a conservé en plus les enregistrements des prestations de grands artistes étrangers qui se produisaient au festival Printemps de Prague notamment celles des virtuoses russes Sviatoslav Richter, Emil Gillels, Dimitri Sitkovetsky, David et Igor Oistrach.»

Pendant longtemps les formations et les musiciens classiques, de variété et même folkloriques désireux d’enregistrer des disques, ne pouvaient s’imposer sur le plan national que si Supraphon daignait signer un contrat avec eux. Figurer sur la liste des disques Supraphon était pour les artistes une véritable consécration. Et c’est grâce à cette position privilégiée que Supraphon a amassé au fil des années un trésor des enregistrements qui ne perdent pas leur prix et restent, dans certains cas, inégalés.