Le collectif Ztohoven devant la justice pour l’affaire du caleçon géant

Le collectif Ztohoven, photo: ČTK

Mercredi, a débuté au tribunal du 1er arrondissement de Prague le procès de trois membres du collectif artistique Ztohoven. Ce n’est de loin pas la première fois que plusieurs de ses membres se retrouvent ainsi devant la justice pourr un de leurs faits d’armes mémorables. Le dernier en date, en septembre 2015 : le remplacement de l'étendard présidentiel flottant sur le Château de Prague par un caleçon géant de couleur rouge, ce dernier étant censé dénoncer les collusions par trop criantes du président tchèque avec la Russie et la Chine. Retour sur cette « caleçonnade » et ses conséquences.

L'étendard officiel du président,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
C’est vêtus d’élégantes vestes à brandebourgs, évoquant celles que portaient au XIXe siècle les Tchèques souhaitant manifester leur patriotisme à l’époque du réveil national, qu’ont comparu, mercredi, au tribunal du 1er arrondissement de Prague, trois membres du collectif artistique Ztohoven. Accusés de vol, de dégradation du bien d’autrui et de troubles à l’ordre public, Matěj Hájek, David Hons et Filip Crhák ont d’emblée annoncé la couleur : ils ont dénoncé la partialité de la juge chargée de leur affaire, dans la mesure où celle-ci est nommée par le président tchèque, mais, en bons plaisantins, lui ont également remis un petit présent.

Deux jours avant le début du procès, le groupe Ztohoven avait annoncé avoir découpé en 1152 morceaux l’étendard officiel du président de la République, censé s’être « envolé » pendant leur intervention sur le toit du Château de Prague, et vouloir les diffuser par la poste à des gens choisis au hasard. La juge a ainsi reçu un de ces 1152 morceaux.

Les morceaux l'étendard officiel du président,  photo: ČTK
Si la destruction d’un symbole national comme cet étendard pourrait leur valoir d’autres poursuites, ce n’était pas la raison de leur comparution mercredi. Les membres du groupe Ztohoven reconnaissent avoir causé des dégâts lors de leur coup d’éclat, se disent prêts à rembourser une partie des dommages, mais réfutent la somme de près de 100 000 couronnes avancée (environ 3 700 euros). De même que les dommages et intérêts à hauteur de 300 000 couronnes réclamés par le Château de Prague (plus de 11 000 euros). Milan Pokorný est l’avocat du groupe :

« En ce qui concerne les prétendus dégâts sur la toiture, c’était clairement involontaire. Ils sont tout-à-fait prêts à assumer leurs responsabilités et à rembourser les dégâts réels causés sur le toit par leur action. Ils sont prêts à rembourser tous les dégâts dont ils sont responsables, mais évidemment ils ne veulent pas payer pour quelque chose qu’ils n’ont pas fait. »

Le collectif Ztohoven,  photo: ČTK
Le collectif Ztohoven est un habitué des tribunaux. Depuis plus d’une dizaine d’années, les membres de ce groupe à géométrie variable, mais dont une des figures-phare est l’artiste David Hons, plus connu sous son pseudo Roman Týc, mènent des actions coup de poing qui, à chaque fois, sont censées questionner notre rapport à la réalité, aux médias, ou au pouvoir, de manière générale à toutes les sortes de manipulation. Ils s’étaient surtout fait connaître en 2005 avec l’affaire du champignon atomique qui n’était toutefois pas leur première intervention : les spectateurs de la télévision publique découvraient alors, médusés, dans un programme matinal où la campagne est filmée en direct par des caméras téléguidées, une explosion atomique au milieu de ce paysage bucolique. Ce hacking de la télévision tchèque avait fait connaître les Ztohoven hors des frontières de leur pays. Et depuis, ils ont régulièrement fait la une des journaux par leurs performances artistiques engagées.

Photo: Archives du groupe Ztohoven
En septembre dernier, ils remplacent ainsi l’étendard présidentiel du Château de Prague,par un caleçon rouge géant, pour dénoncer « un président qui n'a honte de rien ». Comme toutes leurs interventions dans l’espace public, le collectif revendique avant tout la liberté artistique, comme le rappelle leur porte-parole Petr Žílka :

« Ce qui est essentiel, c’est de savoir si le tribunal reconnaîtra ou pas qu’il s’agit là d’une forme légitime d’expression artistique et donc, que cette histoire n’a rien à faire devant une cour criminelle. »

Et c’est d’ailleurs la ligne de défense de leur avocat Milan Pokorný :

« Mes clients se considèrent comme innocents, car ils estiment que leur action relève du droit à la liberté d’expression. »

Mais du côté du Château de Prague, on n’a guère goûté à cette farce politique et artistique, le premier concerné par le message, le chef de l’Etat tchèque, estimant que leur action était « l’expression de la bêtise extrême » des membres du groupe. Et encore moins le découpage en petits morceaux de l’étendard, qualifié de « cochonnerie » par le porte-parole de Miloš Zeman. A l’époque, l’épisode avait coûté son poste au chef de la sécurité présidentielle, ainsi qu’à deux autres personnes.

L’audience de mercredi, au tribunal du 1er arrondissement de Prague, s’est achevée par l’ajournement temporaire du procès. Le prochain rendez-vous des membres du groupe Ztohoven, ce sera en août prochain.