Le Britannique de Prague qui prend soin des Stolpersteine pour les victimes du nazisme

Photo: Ondřej Tomšů

A Prague, il y a déjà plusieurs dizaines de Stolpersteine, littéralement « des pierres sur lesquelles on trébuche ». Appelés en français des « pierres d’achoppement » ou « pavés mémoriels », ces cubes sont encastrés dans le pavé et recouverts de laiton, sur lequel sont gravées des informations (nom, dates de naissance et de déportation...) à la mémoire de personnes déportées, devant ce qui a été leur dernière adresse connue. Avec le temps, ces inscriptions ont tendance à disparaître sous la saleté mais depuis peu, un Britannique qui réside à Prague a décidé de nettoyer une par une ce que les Tchèques appellent les « pierres des disparus » (kameny zmizelých).

Photo: Ondřej Tomšů

L’initiative de Trevor Sage ne passe pas inaperçue. Repérée sur les réseaux sociaux, elle a déjà été évoquée dans la presse locale et britannique. Ce retraité originaire de Londres s’est installé à Prague en 2006 et c’est après un passage à Terezin et une visite guidée de la capitale qu’il a décidé d’agir :

« Pendant cette visite guidée on m’a montré quelques une de ces pierres. J’ai trouvé ça triste parce que certaines étaient recouvertes de crasse – c’était comme une deuxième disparition. »

« J’ai pensé que ce serait bien de les voir briller à nouveau mais en tant qu’étranger je ne me sentais pas de prendre cette initiative. Et puis en juillet j’ai vu sur Facebook qu’un homme en avait nettoyé 388 dans sa ville de Salzbourg. J’ai trouvé que c’était une idée merveilleuse et cela m’a encouragé à faire la même chose ici ».

Trevor Sage | Photo: Ondřej Tomšů,  Radio Prague Int.
Eponge et produits nettoyants à la main, Trevor Sage a commencé par laver des « Stolpersteine » de Josefov, l’ancien quartier juif de la capitale où la première avait été posée en 2008. Une jeune femme intriguée par cet étranger a ensuite posté sa photo sur les réseaux sociaux pour parler de son initiative, immédiatement aimée et partagée par plus d’un millier de personnes.

Depuis, Trevor Sage a créé la page Stolpersteine Prague et a poursuivi son travail :

« J’ai nettoyé les 311 qui existent à Prague, en incluant les 24 nouvelles. Il y en a six qui manquent, qui avaient sans doute été mal installées. Tous les mois je vais publier une liste sur Facebook avec tous les anniversaires des disparus concernés. J’essaie d’aller en nettoyer certains pour l’occasion, avec une fleur ou en allumant une bougie à la mémoire des victimes. »

« Le projet Stolpersteine propose de poser une pierre pour toute victime du nazisme entre 1933 et 1945 – cela inclue les personnes d’origine juive, les homosexuels, les Roms, les Sinti, les résistants, les prisonniers de guerre, les handicapés… »

Photo: Ondřej Tomšů,  Radio Prague Int.
Trevor Sage a aussi élaboré une carte en ligne indiquant où se trouvent les pierres dans la ville, en ajoutant quand cela était possible une photo de la personne disparue.

« Récemment j’ai demandé s’il y aurait des volontaires pour m’aider avant Yom Ha Shoah, la journée à la mémoire des victimes de la Shoah le 2 mai prochain, et les réponses ont été très nombreuses ! 50 personnes sont venues et avec elles nous avons nettoyé toutes les pierres dans les 148 différents lieux où elles se trouvent. »

Trevor Sage indique qu’une quarantaine d’autres Stolpersteine doivent être installées à Prague d’ici l’année prochaine, toujours sur le modèle de l’idée lancée au début des années 1990 par l’artiste berlinois Gunter Demnig. Le Britannique avoue qu’il n’avait que peu de connaissances sur l’Holocauste avant d’arriver à Prague.

Photo: Rob Cameron
« Je ne peux m’empêcher de penser à ces gens, à leur vie de l’époque et à la manière dont ils ont été forcés à quitter ces appartements pour être déportés. Les pierres sont à l’endroit d’où ils sont partis – c’est là que je m’agenouille pour nettoyer. Les circonstances devaient être terribles. Souvent on leur disait de prendre un seul bagage et de laisser leur clé, puis ils étaient déportés. »

« Pour moi c’est une grande satisfaction de pouvoir redonner une belle apparence à ces pierres et de rendre ainsi hommage aux victimes. Les gens en parlent, et en en parlant cela nous permet de nous souvenir des atrocités commises pour que tout le monde s’en rappelle et fasse en sorte de ne pas répéter les mêmes erreurs. »

Gunter Demnig vient de recevoir un prix en Allemagne vendredi dernier pour son projet des Stolpersteine. En près de trois décennies, environ 70 000 « pierres des disparus » auraint été posées dans toute l’Europe.

https://www.facebook.com/stolpersteineprague/

Photo: Ondřej Tomšů,  Radio Prague Int.