L’anti-prix « Petit cochon sexiste » décerné à la pub trash d’un club érotique

Photo: Site officiel de Sexistické prasátečko

Vendredi dernier, l’ONG Nesehnutí (Nezávislé Sociálně Ekologické Hnutí – Mouvement socio-écologique indépendant) a publié les résultats de son « Petit cochon sexiste », un concours servant à élire la publicité la plus sexiste de l’année écoulée. Lancé pour la première fois en 2008, ce concours permet de mettre en lumière de manière ludique et originale le recours fréquent à des stéréotypes sexistes utilisés dans un seul but : attirer le regard du consommateur et faire vendre.

La publicité est partout. Nous vivons entourés d’affiches promotionnelles, mais, souvent, le bon goût s’arrête là où l’appât du gain commence ou bien là où l’imagination fait défaut. En République tchèque, il n’est pas rare de voir sur les bords des routes de grandes affiches publicitaires pour des matériaux de construction ou autres, illustrés à l’aide d’une jeune femme dans son plus simple appareil ou presque. Et si la femme, réduite à une simple fonction d’objet, est évidemment la plus souvent représentée, les stéréotypes sexistes concernent aussi parfois les hommes. Ainsi, cette année, le concours « Le petit cochon sexiste » a également distingué une publicité représentant un homme, comme le précise Diana Gregorová, de l’ONG Nesehnutí :

Photo: Site officiel de Sexistické prasátečko
« Cette année, une publicité sexiste représentant un homme s’est classée en troisième position, et ce dans la catégorie du jury professionnel. C’est une pub pour des cuvettes de WC où l’on voit un homme nu vomir dans les toilettes. Nous considérons que cette publicité porte atteinte à la dignité de l’homme représenté. »

Chaque année, le concours est organisé sur la base d’un appel à contributions : tout au long de l’année le public est invité à envoyer ses idées de publicités sexistes, vidéo ou papier, avant d’être appelé à voter, tout comme un jury professionnel est également chargé de sélectionner les grands « gagnants » de cet anti-prix.

Photo: Site officiel de Sexistické prasátečko
Cette année, c’est une publicité pour le moins graveleuse qui a remporté les suffrages du public et du jury : destinée à faire la promotion d’un club érotique, l’image représentant très explicitement le sexe d’une femme a été installée… au fond des urinoirs de certains bars et clubs du pays. Expert en marketing, Vilém Rubeš commente la victoire absolue de cette publicité qui a été considérée comme particulièrement dégradante pour la femme :

« C’est vraiment réussi cette année. Le lauréat 2015 a atteint des sommets qu’on ne pensait pas pouvoir atteindre, et pourtant… C’est tout bonnement atroce. Evidemment, il n’existera sans doute jamais de publicité décente pour un club érotique. Par définition, le produit proposé ne l’est pas lui-même. Mais on pourrait tout de même attendre un minimum de bon goût, ce qui, ici, n’est absolument pas le cas. »

Photo: Site officiel de Sexistické prasátečko
Tout est bon pour attirer le chaland, tant et si bien que même une antenne locale du parti politique conservateur ODS a cru bon faire sa promo avec l’image d’une femme de dos « habillée » d’un string qui n’est en fait rien d’autre que le symbole du parti… un oiseau en train de voler. Le tout agrémenté du slogan : « Nous sommes sexy ». Si le parti fondé par Václav Klaus au début des années 1990 s’est officiellement distancé de cette publicité, cela n’empêche pas l’affiche de compter parmi les publicités les plus sexistes de cette année.

Comme l’explique Diana Gregorová, le concours vise autant à mettre en avant les mauvaises pratiques qu’à faire œuvre de pédagogie :

Diana Gregorová,  photo: Site officiel de l'ONG Nesehnutí
« Nous essayons de faire comprendre que le sexisme ne commence pas simplement avec la nudité. Il s’agit du contexte général de la publicité : de quel produit parle-t-on ? De quelle entreprise s’agit-il ? Où cette publicité est-elle diffusée ? S’il s’agit d’une publicité pour des maillots de bain, de la lingerie ou des préservatifs, de telles représentations sont plus compréhensibles. »

Seul constat en demi-teinte de ces anti-prix : certains lauréats estimant que toute publicité, bonne ou mauvaise, étant bonne à prendre, l’essentiel étant de faire parler de soi, ils font fi du message que s’efforce de faire passer le concours, comme le regrettait il y a quelques années de cela Daniela Jungová au micro de Radio Prague :

« Je me souviens que la première année, le gérant de l’entreprise qui avait été distinguée était venu récupérer le prix en personne ! Il est venu, il a remercié et il est reparti. Je crois qu’ils considèrent cette vision négative comme une forme de publicité quand même. Même si nous pointons du doigt le fait que la publicité en question n’est pas correcte, qu’elle est sexiste, ils haussent les épaules et disent qu’une publicité négative reste une forme de publicité et qu’il n’y a pas de raison de la supprimer. »

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